Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

Les activités de l’esprit ne sont pas négligées. Pour que leurs enfants ne soient pas des « sauvages », sachent lire la Bible et diriger leurs affaires, les colons ont construit des écoles — dans le Sud, les planteurs emploient plutôt des précepteurs ou envoient leurs enfants en métropole. L’université Harvard est créée en 1636, William and Mary (à Williamsburg, Virginie) en 1693, King’s College (la future Columbia de New York) en 1754, etc.

Les livres, il est vrai, ne sont pas abondants. Pourtant, B. Franklin invente les bibliothèques par abonnement. Le plus gros succès de librairie au xviiie s. revient au Poor Richard’s Almanack, une autre invention de Franklin.

Cette société coloniale est-elle encore britannique ? Par la langue, la culture, la vie religieuse, les activités économiques, elle reste proche de la société anglaise. Mais elle se modèle de plus en plus sur des réalités différentes. Ses structures sont plus simples. Elle est plus ouverte sur la variété et la diversité. Bref, elle devient de plus en plus américaine.


L’indépendance des colonies

Or, depuis 1763, le danger français a disparu : plus rien n’empêche les colons de s’installer entre les Appalaches et le Mississippi. De la protection britannique, les Américains ressentent moins les avantages que les inconvénients. En effet, le gouvernement britannique manque d’argent, car la guerre a vidé les coffres royaux. Londres décide de lever de nouvelles taxes qui frapperont colons et métropolitains. Par exemple, les mélasses, achetées dans les Antilles françaises, sont frappées d’un droit moins élevé qu’auparavant, mais les douaniers ont reçu la consigne de le prélever avec rigueur. En 1765, un droit sur le papier (le Stamp Act), puis sur le thé et d’autres marchandises vient rappeler aux colons que le mercantilisme n’est pas mort. Les planteurs constatent que leurs dettes vis-à-vis de l’Angleterre ne cessent d’augmenter. Les pionniers de l’Ouest s’indignent de la proclamation de 1763, qui réserve les terres à l’ouest des Appalaches à un éventuel territoire indien. Les industriels protestent contre les limitations, imposées par Londres, au développement des manufactures coloniales. La pénurie monétaire multiplie les difficultés du commerce.

Aussi les colons font-ils connaître au roi George III leur mécontentement. Londres annule certaines mesures, puis les rétablit. L’agitation s’amplifie en Amérique : on boycotte des marchandises anglaises ; des comités de correspondance échangent les nouvelles d’une colonie à l’autre. D’économique et fiscale, la protestation devient vite politique : les colons refusent de payer des taxes qu’ils n’ont pas votées — puisqu’ils ne sont pas représentés au Parlement de Londres. D’ailleurs, une telle imposition n’est-elle pas une atteinte au droit de propriété ? « Si l’on taxe notre commerce, s’écrit Samuel Adams (1722-1803), pourquoi pas nos terres ? Si on lève des taxes sur nous de quelque façon que ce soit, sans que nous soyons légalement représentés là où on les décide, ne perdrons-nous pas notre statut de libres sujets pour être réduits à la misérable condition d’esclaves tributaires ? »

En 1770, une manifestation à Boston fait cinq morts. En 1773, des Bostoniens jettent à la mer une cargaison de thé pour manifester leur refus d’acquitter les droits. En 1774, un premier congrès continental, rassemblant les délégués des colonies, supplie le roi de comprendre la situation. Tout au contraire, Londres accentue la répression. En 1775, un deuxième congrès se réunit, tandis que des soldats anglais sont pris à partie à Lexington. George III décide la rupture : la guerre d’Indépendance commence.

Elle n’est pas le fruit du nationalisme américain — qui n’existe pas à cette époque —, mais d’une volonté d’autonomie qui s’inscrit dans la tradition britannique. En ce sens, la révolution est conservatrice. Pourtant, dans la mesure où elle remet en question tout le processus d’autorité, elle donne vie à un mouvement plus radical. En ce sens, la révolution est vraiment révolutionnaire.

En 1776, les représentants de la Grande-Bretagne ont fui. Les colonies se dotent de constitutions, et chacune d’elles forme un État. En juin 1776, la Virginie adopte une Déclaration des droits, inspirée par la pensée de Locke et des philosophes. Le Congrès suit cet exemple et, le 4 juillet, proclame l’indépendance des États unis. Il met en même temps une armée sur pied, formée de quelques milliers de volontaires — auxquels viennent se joindre des étrangers, tel en 1777, le jeune La Fayette* — et commandée par le général Washington*, qui, à l’expérience, joint le courage et la volonté de vaincre. L’argent manque : c’est pourquoi le Congrès a recours à la planche à billets et se réjouit de l’aide financière de la France, l’ennemi héréditaire des Anglais.

Jusqu’en 1777, les mercenaires allemands de l’armée britannique tiennent New York et Philadelphie ; les navires de Sa Majesté font le blocus des côtes. Mais les « insurgents » savent se battre et infligent une cuisante défaite au général John Fox Burgoyne (1722-1792) à Saratoga. La France signe alors un traité d’alliance avec la République (6 févr. 1778). En 1780, elle envoie en Amérique un corps expéditionnaire de quelques milliers d’hommes, sous le commandement de Jean-Baptiste de Vimeur de Rochambeau (1725-1807), et, en 1781, l’escadre de l’amiral de Grasse (François Joseph Paul de Grasse-Tilly [1722-1788]). Le 19 octobre 1781, les Anglais se rendent à une armée franco-américaine à Yorktown. Les pourparlers de paix commencent. Ils aboutissent à la paix de Paris (3 sept. 1783) qui reconnaît l’existence, de l’Atlantique au Mississippi et du nord de la Floride aux Grands Lacs, de la république fédérée des États-Unis.

Si l’indépendance n’a que faiblement bouleversé les structures économiques et sociales, elle contraint, par contre, à élaborer une nouvelle organisation politique. Or, les États sont souverains : chacun d’eux possède sa Constitution écrite, qui fait du peuple la source de toute autorité politique et proclame la séparation du législatif, de l’exécutif et du judiciaire.