Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

La première Constitution nationale sera donc confédérale. D’après les « Articles de confédération », adoptés entre 1778 et 1781, le Congrès hérite des pouvoirs de la Couronne et du Parlement, et se compose des ambassadeurs de chaque État. Pas de pouvoir exécutif, ni de pouvoir judiciaire, rien de prévu pour réglementer le commerce entre les États et aucune ressource financière propre : l’autorité nationale est si faible qu’une grave crise politique ne tarde pas à se déclencher.

De 1785 à 1789, les réformistes s’agitent. Ce sont des marchands, des planteurs, des citadins, des fermiers intégrés dans l’économie de marché, des pionniers qui ont besoin d’une protection contre les raids indiens. Ils réclament le renforcement du gouvernement central. La plupart des États envoient des délégués à la convention de Philadelphie (mai-sept. 1787), qui décide la création d’un législatif, d’un exécutif et d’un judiciaire suprêmes. Ainsi, une nouvelle Constitution est élaborée : les États la ratifient de 1787 à 1790 dans des assemblées populaires, où s’affrontent fédéralistes (partisans de la réforme) et antifédéralistes (partisans des Articles). Dès juillet 1788, onze États ont donné leur accord. Le premier président est élu sans surprise : le 30 avril 1789, Washington fait une entrée triomphale dans New York, capitale provisoire.


La naissance d’une nation américaine, 1789-1865


L’essor des États-Unis

En soixante-quinze ans, les États-Unis se transforment profondément, aussi bien dans l’espace que par le nombre de leurs habitants. La superficie de leur territoire passe de 2 300 000 km2 en 1787 à 7 800 000 en 1860, grâce à l’achat de la Louisiane aux Français (1803), à l’acquisition de la Floride (1819), à l’annexion du Texas (1845), de l’Oregon (1846) et des territoires mexicains au nord du Rio Grande (1848). Quand l’Alaska aura été acheté aux Russes (1867) et l’archipel des Hawaii annexé (1898), les États-Unis auront atteint leurs dimensions actuelles.

La croissance démographique est encore plus spectaculaire : près de 4 millions d’habitants en 1790, plus de 7 millions en 1810, 17 millions en 1840, 31 millions et demi en 1860. 20 p. 100 des Américains de 1860 vivent dans des agglomérations de plus de 2 500 habitants. New York dépasse le million d’habitants, Philadelphie le demi-million, Baltimore, Boston et La Nouvelle-Orléans les 150 000 habitants, une dizaine d’autres cités les 100 000. Sans doute cet essor s’explique-t-il par l’excédent des naissances sur les décès. Il tient aussi à l’immigration. On vient aux États-Unis pour des raisons politiques (les révolutionnaires malheureux de 1848), religieuses (les quakers norvégiens) et plus encore socio-économiques. L’amélioration de la navigation océanique, une connaissance plus précise de la richesse américaine contribuent à multiplier les départs d’une Europe bouleversée par la révolution industrielle ; 5 millions d’Européens immigrent aux États-Unis de 1815 à 1860, dont 3 millions de 1845 à 1854. La plupart d’entre eux viennent des îles Britanniques (notamment l’Irlande), de l’Allemagne et de l’Europe du Nord. Ils s’installent dans le nord du pays plutôt que dans le sud, où ils redoutent la concurrence des esclaves, dans les villes plutôt que dans les campagnes, se groupent en « ghettos » avant de se fondre — au cours de la génération suivante — dans la société américaine.

Le mouvement vers l’ouest se poursuit. Le Vieux Nord-Ouest, entre le Mississippi et les Appalaches, l’Ohio et le Canada, se peuple rapidement. En 1840, 40 p. 100 des Américains habitent à l’ouest des Appalaches. De nouveaux États sont créés : l’Union comprend trente-trois États en 1860. La plupart des pionniers sont des Américains de naissance qui savent faire face aux dures conditions de la vie sur la Frontière.

La Frontière est une zone de faible peuplement, entre la « wilderness » et les régions plus anciennement peuplées. Elle ne cesse de se déplacer vers l’ouest. Les Américains en viennent à croire à une « Destinée manifeste » qui fera d’eux les maîtres du continent, malgré les Indiens, les Mexicains et les colons européens.

Pendant les trente premières années de la République, les Américains ont dû s’adapter à l’indépendance. Les lendemains de la victoire sont pénibles. Les commerçants du Nord souffrent du marasme des affaires, mais ils font preuve de hardiesse et d’ingéniosité : ils sillonnent mers et océans. Les voici dans la Baltique, en Méditerranée, sur les côtes chinoises. Ils s’efforcent, non sans difficulté, de renouer de fructueux échanges avec la Grande-Bretagne. Après 1815, ils investissent leurs bénéfices dans des activités industrielles. Ils copient les procédés britanniques ou mettent au point des inventions pratiques, comme le système des pièces interchangeables, la machine à vapeur à haute pression, des machines nécessaires à l’industrie textile. Peut-être est-ce l’esprit puritain qui les pousse toujours davantage à améliorer la rentabilité de leurs entreprises. Dès 1828, ils obtiennent du Congrès l’établissement du protectionnisme douanier.

En Nouvelle-Angleterre, de petites villes apparaissent, bourdonnantes du ronronnement des métiers à tisser, comme Lowell et les bourgades de la vallée de la Merrimack (dans le Massachusetts). La main-d’œuvre est d’abord locale : ce sont des jeunes filles, recrutées dans les campagnes et vivant en dortoir ; elles vont à l’office le dimanche et accumulent sagement des économies pour faire le mariage de leur choix. Puis ce seront de rudes Canadiens français, catholiques de surcroît, et l’atmosphère change. En 1842, le premier syndicat est reconnu par une décision de la Cour suprême de l’État.

En Pennsylvanie et dans le New York, l’industrie métallurgique prédomine. Dans tout le Nord-Est, le développement des moyens de transport a produit une véritable fièvre. En 1825, New York est reliée aux Grands Lacs par le canal de l’Érié et draine, aux dépens de La Nouvelle-Orléans, le commerce du Middle West. Chaque port de la côte atlantique fait de son mieux pour conserver son hinterland. Bientôt aux canaux succèdent les chemins de fer. En 1860, 50 000 km de voies ferrées sont exploités dans l’Union.

Le Nord devient le moteur de la nouvelle économie américaine. Les banques de New York, dans Wall Street, l’emportent à partir de 1830 sur celles de Philadelphie et monopolisent les investissements. Le Nord-Est regroupe 50 p. 100 des établissements industriels, 70 p. 100 du capital investi et 70 p. 100 de la main-d’œuvre industrielle.