Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États de l’Église

Nom donné à la partie centrale de l’Italie tant qu’elle fut sous la domination des papes (756-1870).


Après la fondation de Constantinople* (330), les empereurs d’Orient conservèrent en Italie un représentant officiel, l’exarque de Ravenne, dont le territoire en bordure de l’Adriatique, après avoir été la résidence d’Odoacre et des rois ostrogoths, passa en 751 à Aistolf, roi des Lombards, mais lui fut enlevé trois ans plus tard par Pépin le Bref, qui en fit don au Saint-Siège avec la Pentapole italienne (Rimini, Pesaro, Fano, Senigallia, Ancône) ; par cette donation, il créa la puissance temporelle des papes avant même que celle-ci ne fût établie solidement à Rome et sur ses environs immédiats. En la circonstance, on ne tint pas compte des droits impériaux, car la papauté invoqua la soi-disant « donation de Constantin », un faux qui reflétait la croyance générale à une donation de l’Empereur au pape Sylvestre Ier et à ses successeurs.

L’autorité nominale des papes s’étendit sur le Latium, la Sabine et une partie de l’Ombrie, de Viterbe à Terracina du nord au sud et de Narni à l’embouchure du Tibre de l’est à l’ouest, mais les barons romains, d’ailleurs rivaux entre eux, leur en disputèrent souvent le contrôle réel. Charlemagne, lorsqu’il eut vaincu le dernier roi des Lombards, Didier, en 774, assura encore au pape la possession du duché de Bénévent (Spolète et Rieti s’étaient affranchies d’elles-mêmes l’année précédente) et ses droits sur divers patrimoines de la basse vallée du Pô qu’il n’occupait pas encore.

Avec Grégoire* VII (pape de 1073 à 1085), les domaines du Saint-Siège grâce aux donations de la comtesse Mathilde de Toscane (1077) connurent une nouvelle et durable expansion de Viterbe à Pérouse à travers l’Ombrie et atteignirent même le bassin inférieur du Pô en touchant les diocèses de Mantoue, Reggio, Parme et Modène. Mais, de cette zone septentrionale, que lui disputèrent les empereurs allemands puis les rois de France et les familles seigneuriales protégées des uns ou des autres, la papauté ne conservera finalement que Bologne. Grâce à l’appui que le pape Alexandre* III (1159-1181) avait accordé aux libres communes groupées par lui dans la Ligue lombarde contre les empiétements de Frédéric Barberousse (bataille de Legnano, 1176), la papauté s’assurait du moins des partisans (guelfes) dans toute la partie médiane de la péninsule, confinant au nord avec le duché de Savoie, les anciens domaines des rois lombards et la république de Venise.

Au Sud, où la papauté n’exerce pas de pouvoir direct, elle entend du moins n’avoir pas d’ennemis déclarés et accorde d’abord sa confiance à Frédéric II* de Hohenstaufen, petit-fils de Barberousse, dont le pape Innocent III a été le tuteur et que, en 1220, couronne Honorius III, fort de sa promesse de ne pas chercher à réunir les États normands des Deux-Siciles, qu’il tient de sa mère Constance, à ses fiefs d’Allemagne. Mais sa dépendance du pontife romain reste nominale, et sa cour de Palerme ne cessera jamais d’entretenir la défiance de Rome à son endroit.

À la mort de Frédéric II (1250), son bâtard, Manfred, parvient à conserver les Deux-Siciles et même à nouer des intelligences dans le reste de la péninsule. Les papes Urbain IV et Clément IV se décident alors à lui susciter un rival français en la personne du frère de Saint Louis, Charles d’Anjou (1263), dont la loyauté comme vassal leur semble assurée. Charles défait et tue Manfred à Bénévent (1266) et livre au bourreau le dernier des Hohenstaufen, Conrad V, descendu en Italie pour revendiquer l’héritage des siens et battu, lui aussi, à Tagliacozzo (1268). Avec lui prend fin la lutte dite « du Sacerdoce et de l’Empire ».

Jusqu’à la fin du xviiie s., la dynastie hispano-française des rois de Naples acceptera de rendre hommage au pape comme à son suzerain et à lui verser chaque année une redevance symbolique en argent pour l’avoir appelée à occuper le trône des Deux-Siciles. Un autre lien sera créé en 1274 entre la monarchie française et le Saint-Siège, lorsque Philippe le Hardi cédera à Grégoire X le comtat Venaissin, auquel s’ajoutera en 1348 la ville d’Avignon, vendue par la reine Jeanne de Naples au troisième des papes français, Clément VI. Cette enclave en terre française sera reprise à la papauté au début de la Révolution (1790).

La fin du xve s. verra une tentative, d’origine romaine cette fois, sinon pour unifier l’Italie sous l’autorité du pape — il y aurait fallu beaucoup trop de temps et de force militaire —, du moins pour restituer à l’Église, avec le concours moral de la monarchie française, nombre de petites villes de Romagne et de la marche d’Ancône, qui peu à peu s’étaient soustraites à sa domination. Ce sera l’œuvre du fils naturel d’Alexandre* VI, César Borgia*, qui entreprendra, avec l’assentiment de son père, de ressaisir par la force et la ruse les territoires passés aux mains des seigneuries. Machiavel, témoin des dernières opérations de César, voit en lui le modèle du maître qu’il eût fallu à l’Italie pour être unifiée si, précisément, la présence en son centre de l’État romain n’avait pas constitué l’obstacle majeur à l’unification et ne l’avait livrée aux convoitises des étrangers.

Après celle de Louis XII, la défaite de François Ier par Charles Quint soumet la majeure partie de la péninsule durant trois siècles à la domination espagnole ou autrichienne, mais Florence et Turin donnent encore des reines ou des princesses royales à la France jusqu’à ce que Bonaparte réussisse une éphémère possession des États de l’Église. Les victoires de 1796-97 ont amené ses généraux à occuper les villes de Romagne et les autres légations confinant à l’Adriatique. Pie VI est entièrement dépossédé, en 1798, lorsque les Français créent l’éphémère République romaine. Quand Pie* VII devient pape (1800-1823), les États sont reconstitués, moins les légations ; mais Napoléon, se considérant comme empereur romain, entend le vassaliser. Il le dépouille de ses domaines (1807-1809), qui sont incorporés au royaume d’Italie ou à l’Empire français.