États de l’Église (suite)
L’occupation française de presque toute l’Italie, malgré l’opposition qu’elle suscite dans les esprits religieux et la paysannerie, obtient par contre l’adhésion d’un nombre croissant de patriotes et d’hommes assez réfléchis pour saisir les avantages d’un régime de progrès économique et social, même uni à un certain despotisme, par contraste avec l’immobilisme borné des monarchies traditionalistes. Une impulsion est alors donnée aux idées d’indépendance nationale, qui ne cessera plus.
Cet immobilisme caractérise les pontificats de Léon XII (1823-1829), de Pie VIII (1829-1830) et de Grégoire XVI (1831-1846), voire de Pie* IX (1846-1878), malgré la popularité que lui valent sa réputation et aussi les actes de libéralisme à mettre à son actif entre son élection en 1846 et son refus de participer à la croisade antiautrichienne que le roi Charles-Albert de Piémont déclenche en 1848 pour libérer l’Italie, mais qui s’achève en désastre.
Pie IX se persuadera qu’il n’a pas le droit de rien sacrifier du patrimoine que lui ont légué ses prédécesseurs, comme l’avait senti avant lui Pie VII, très conciliant sur d’autres points avec Napoléon, dont il avait accueilli la famille après la chute de l’Empire français. Les épreuves de Pie IX dureront plus longtemps, malgré la protection que lui accorde, après l’éphémère épisode d’une République romaine en 1849 sous l’autorité de Giuseppe Mazzini, le neveu du grand empereur, Napoléon III, qui entretient à Rome une garnison française malgré l’irritation que cette présence cause aux patriotes en retardant l’unification de l’Italie. Celle-ci est déjà presque achevée après les victoires franco-sardes de 1859, les plébiscites de la Marche, de l’Ombrie, de la Toscane et des duchés de Parme et de Modène (1860), favorables à l’union au Piémont, l’expédition des Mille et la réunion du royaume de Naples à celui de Victor-Emmanuel II, puis l’acquisition de la Vénétie en 1866. La petite armée pontificale, commandée par Lamoricière, n’a rien pu contre les entreprises piémontaises (défaite de Castelfidardo, 18 sept. 1860).
Il ne reste à Pie IX que les limites initiales de la Comarca (Rome et ses entours immédiats) ; et cela même, l’impatience de Garibaldi voudra le lui enlever en 1867 lors d’une entreprise risquée contre l’État romain, entreprise qui aboutit à sa défaite de Mentana (3 nov. 1867) et au retour à Rome d’une garnison française que les nationalistes italiens mettront beaucoup de temps à pardonner au second Empire.
Après les premières défaites françaises de 1870, le corps expéditionnaire français quitte Rome définitivement ; le 20 septembre, les troupes italiennes y entrent par la brèche de la porta Pia. Pie IX lui-même fera cesser la courte résistance de ses soldats. Un plébiscite de réunion fait de Rome la capitale de l’Italie.
Le pape se considérera dès lors comme prisonnier au palais du Vatican, malgré les égards et la réelle indépendance d’action religieuse que le gouvernement italien ne cessera de lui assurer (loi des Garanties, mai 1871). Léon XIII et Pie X entretiendront cette fiction, qui ne prendra fin politiquement qu’avec le pontifical de Benoît XV, lorsque toute liberté d’action parlementaire sera rendue par lui aux catholiques, et avec celui de Pie XI, quand la « question romaine » sera réglée par les accords du Latran (11 févr. 1929) : signés entre le Saint-Siège et le gouvernement de Mussolini, ces accords reconnaissent entre autres la plénitude de la souveraineté papale sur l’État du Vatican*. La papauté, qui se contente d’une apparence de pouvoir temporel, estime qu’au xxe s. son prestige spirituel suffit à assurer sa liberté.
M. V.
➙ Église catholique / Rome / Vatican.