Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Allemagne (République fédérale d’) (suite)

La politique internationale

Mais, dans une large mesure, cette prospérité a été favorisée par l’évolution de la situation internationale. En 1950, l’Allemagne est encore occupée, mais la réintégration de ses zones occidentales dans le monde atlantique fait de la R. F. A. une alliée, car seule elle peut fournir alors à l’Europe occidentale les moyens de défense suffisants. Le réarmement de l’Allemagne, décidé dès 1950 par Washington, va conduire K. Adenauer à faire reconnaître à la R. F. A. l’égalité et la plénitude de ses droits. Dès octobre 1950, malgré l’opposition de la gauche, la R. F. A. a accepté le principe de son réarmement. De plus, la proposition de Robert Schuman d’une Communauté européenne du charbon et de l’acier fait de l’Allemagne un membre à part entière de la communauté européenne. La non-ratification par la France de la Communauté européenne de défense conduit les Alliés à rendre à l’Allemagne fédérale sa situation d’État indépendant, en même temps qu’on l’autorise à reconstituer sa propre armée, la Bundeswehr (accords de Paris, 1954). L’Allemagne entre alors au Conseil de l’Europe (1950-1951) et à l’O. T. A. N. (1955), et règle ses litiges avec la France. Amorcées par un accord Adenauer - Mendès France en octobre 1954 à Paris, les négociations résolvent le différend sarrois. Après un référendum, le traité du 27 octobre 1956 prévoit le retour de la Sarre à l’Allemagne et accorde à la France la canalisation de la Moselle. Ainsi se tissent des liens franco-allemands, prolongés après 1958 par le général de Gaulle, qui signe à l’Élysée en janvier 1963 avec le chancelier Adenauer le traité d’amitié franco-allemand. Depuis cette époque, les rapports des deux pays n’ont cessé de se renforcer.

Mais en même temps l’Allemagne a resserré ses liens avec les États-Unis. Pendant vingt ans, la politique allemande a été marquée par la recherche de la sécurité contre toute pression venant de l’Est. Cela a conduit la R. F. A. à refuser tout accord avec les pays de l’Est, et même à rompre les relations diplomatiques avec tout pays qui reconnaîtrait la R. D. A. Cette doctrine, dite « Hallstein », a été peu à peu écartée, surtout depuis que les socialistes sont revenus au pouvoir. Toutefois, sous l’influence des Églises et très particulièrement de l’Église évangélique, l’idée qu’il faut engager des négociations avec l’autre Allemagne a fait de grands progrès, à tel point que, le 8 novembre 1972, un traité fondamental, harmonisant les relations entre la R. F. A. et la R. D. A. a pu être signé à Bonn. D’autre part, depuis 1967, les Allemands de l’Ouest ont entrepris une politique de rapprochement avec les républiques populaires, en particulier avec la Roumanie, la Pologne et la Hongrie. Freinée par la crise de Tchécoslovaquie et l’intervention des forces du pacte de Varsovie (août 1968), cette tendance s’est développée avec l’arrivée au pouvoir de Brandt. En 1970, les dirigeants des deux républiques allemandes se sont rencontrés, et l’U. R. S. S. et la R. F. A. ont conclu un accord de non-recours à la force par lequel les deux puissances s’engagent à respecter les frontières actuelles des États européens et jettent les bases d’une coopération (12 août). À la fin de 1970, un traité germano-polonais marque la reconnaissance par la R. F. A. de la frontière Oder-Neisse. Un grand problème demeure, celui de Berlin*. Il a été partiellement réglé par l’accord quadripartite du 3 juin 1972. Cet accord règle en outre le régime des communications entre la R. F. A. et la R. D. A. Il demeure que les secteurs occidentaux de Berlin continuent de ne pas être un élément constitutif de la R. F. A.

F. G.-D.


La population

Alors que l’Allemagne, dans les frontières de 1937, couvrait 470 700 km2 et comptait 69,3 millions d’habitants, l’Allemagne fédérale (plus Berlin-Ouest), sur 248 500 km2, totalise environ 62 millions d’habitants. La densité est voisine de 250 au kilomètre carré, contre 173 en 1939. La période postérieure à 1944 a vu la concentration de la population sur le territoire de l’actuelle Allemagne fédérale. Compte tenu de l’extension de la moyenne montagne et des forêts (forêt : 29 p. 100 du territoire), cette densité est énorme. Elle s’explique surtout par l’intensité de la vie industrielle.


L’importance des réfugiés-expulsés dans la démographie de la R. F. A.

La fin de la guerre a entraîné le déplacement de plusieurs millions d’individus. La restitution de territoires à la Pologne, l’occupation de la Prusse-Orientale par l’U. R. S. S. ont provoqué des départs très nombreux. En tenant compte du retour des Allemands des Sudètes, on évalue à 10 millions le nombre de personnes s’étant établies en R. F. A. (la R. D. A. a reçu 3,5 millions de réfugiés-expulsés). À ce chiffre très élevé, il faut ajouter plus de 3 millions qui ont quitté la R. D. A. pour la R. F. A. Celle-ci a donc reçu environ 13 millions de personnes, soit presque l’équivalent de la population de la Tchécoslovaquie. L’arrivée massive de gens qui avaient tout perdu ou tout laissé dans leur région de départ posa de graves problèmes. L’agriculture en absorba très peu. Les Länder industrialisés reçurent de forts contingents. L’État de Rhénanie-du-Nord - Westphalie arrive en tête avec plus de 3,6 millions. Il est suivi par la Basse-Saxe et la Bavière, qui absorbèrent chacune plus de 2,2 millions de personnes ; le Bade-Wurtemberg en reçut encore 1,9 million. Le Schleswig-Holstein, où furent installés les camps d’accueil, compte un réfugié-expulsé pour 3 habitants. L’industrie absorba l’écrasante majorité des arrivants, dont le niveau de formation était généralement très élevé. Devant un tel afflux, il n’était plus possible de réduire l’Allemagne vaincue à l’état d’un pays agraire (Agrarstaat), ainsi que le souhaitait le financier américain Henry Morgenthau dans le célèbre plan qui porte son nom. La nouvelle phase d’industrialisation que connut l’Allemagne fédérale après 1945 est sans doute à mettre en relation avec la possibilité (et l’obligation) d’utiliser une main-d’œuvre abondante et bon marché. Les réfugiés-expulsés sont concentrés dans les régions urbaines. Le Regierungsbezirk de Düsseldorf héberge 1,1 million de réfugiés-expulsés. La ville de Cologne compte près de 100 000 de ces derniers, celle de Stuttgart 134 000, Karlsruhe 53 000 et Munich 200 000. Les villes allemandes ont dû s’agrandir pour recueillir cette masse humaine. La politique d’urbanisme vise à éviter les concentrations de réfugiés. S’ils constituent, dans les grandes villes, une ville, sur le plan numérique, on a évité leur concentration au niveau des quartiers ; rarement dans ceux-ci ils dépassent 30 p. 100. La construction du « mur » de Berlin, en août 1961, a stoppé le courant d’émigration de la R. D. A. vers la R. F. A. L’apport en main-d’œuvre bon marché est tari.