Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Allemagne (République fédérale d’) (suite)

L’afflux de ces millions d’hommes et de femmes risquait de poser de graves problèmes politiques. Le chômage eût pu dégénérer en désordre de tous genres. Il s’est bien constitué au lendemain de 1945 un parti des réfugiés, BHE (Bund der Heimatvertriebenen und Entrechteten), mais il n’eut jamais la clientèle qu’il pouvait théoriquement escompter. Lors des élections provinciales de 1954 en Rhénanie-du-Nord - Westphalie, le BHE réunit 4,6 p. 100 des suffrages ; en 1957, lors des élections fédérales, son pourcentage tomba à 2,5 p. 100. Par la suite, le BHE, sur l’ensemble du territoire, a proclamé sa dissolution. Il n’est pas certain que la clientèle du NPD (Nationaldemokratische Partei Deutschlands) se recrute exclusivement parmi les anciens habitants des territoires de l’Est. Son échec électoral en 1969 prouve que les réfugiés-expulsés s’intègrent parfaitement dans l’économie de la R. F. A. Le véritable miracle allemand réside, peut-être, beaucoup plus dans cette assimilation réussie que dans le développement économique (notamment industriel) ; ces deux aspects sont d’ailleurs étroitement liés.


L’évolution démographique

En 1816, sur le territoire de l’actuelle R. F. A., on ne comptait que 13,6 millions d’habitants, représentant une densité de 55 habitants au kilomètre carré. L’industrialisation de l’Allemagne se situe surtout dans la seconde moitié du xixe s., et notamment après sa victoire sur la France en 1871. En 1880, la population atteint 22 millions d’habitants et 28,2 en 1900. L’augmentation est régulière ; 34,7 millions en 1913 et 40 millions en 1938. On dénombrait 44,8 millions en 1947. La partition de l’Allemagne a amorcé la constitution d’un axe démographique germanique autour de l’axe rhénan.

De 1816 à 1971, la population sur le territoire de la R. F. A. a plus que quadruplé. L’augmentation est inégale selon les Länder. Elle est particulièrement rapide après la victoire de 1871. La population de Rhénanie-du-Nord - Westphalie se chiffrait à 4,2 millions d’habitants à cette date ; en 1971, elle dépasse 17 millions. Pour le Land Bade-Wurtemberg, l’accroissement est moins rapide : 3,15 millions en 1861, 7,8 millions un siècle plus tard (1961) et plus de 8,8 millions en 1971, ce qui montre une accélération, actuelle, de l’accroissement d’une région qui, pendant longtemps, a eu la réputation d’être surtout agricole. La Rhénanie-Palatinat, autre région agricole, voit passer sa population de 1,2 million en 1817 à 3 millions en 1950 et 3,7 millions en 1969. Quant à la Bavière, qui s’est attirée l’appellation peu flatteuse de plus grand État agricole, elle n’a pas échappé au mouvement général de hausse. Au lendemain des guerres napoléoniennes (1818), elle hébergeait 3,7 millions d’habitants, mais 9,9 millions en 1961 et 10,5 millions en 1969. L’augmentation semble connaître, comme en Bade-Wurtemberg, une accélération récente due à l’industrialisation. Ces chiffres expriment de fortes densités, qui sont le lot de toutes les régions allemandes, y compris les zones de montagnes. Aucun Land n’a une densité inférieure à 140 habitants au kilomètre carré. On peut invoquer les fortes densités pour comprendre les activités extrêmement intensives aussi bien dans le domaine agricole que dans le domaine industriel. Incontestablement, les paysages agricoles bien soignés, la rareté des exploitations abandonnées s’expliquent à la lumière de ce qui précède.


Prédominance numérique des femmes

Les conséquences de la guerre affectent la pyramide des âges. L’excédent de femmes est de l’ordre de 3 millions. Pour 100 hommes, on compte 110 femmes. Ce déséquilibre découle de la surmortalité masculine à partir de 45 ans et des énormes pertes dues à la dernière guerre. Le déséquilibre se répercute sur la natalité. Alors que le nombre moyen de personnes par famille était de 4,6 en 1871, il n’était plus que de 3 en 1956 et il a encore diminué depuis. L’âge moyen de mariage est de 25 ans pour les femmes et de 27 ans pour les hommes. Le pourcentage de foyers d’une seule personne a tendance à augmenter ; il était de 8,4 en 1933, 18,2 en 1956 et 24 en 1966. On peut conclure à un vieillissement de la population, qui durera encore quelques années.

La population active féminine est nombreuse ; 37 p. 100 des femmes ont un emploi rémunéré (43 p. 100 pour les femmes de 15 à 30 ans et 33,5 p. 100 pour celles de 30 à 45 ans). Un tiers des femmes de plus de 65 ans sont encore actives. Malgré l’importance numérique des femmes dans les divers secteurs économiques, leur rôle dans la direction de la société allemande semble peu important.


Une population fortement urbanisée

En 1974, sur une population de 59,6 millions d’habitants, on comptait 26,8 millions d’actifs (en dehors des travailleurs étrangers). Les actifs agricoles ne s’élèvent qu’à 7,5 p. 100 de la population active totale. L’industrie réunit 40,8 p. 100 des actifs, le bâtiment 8,2 p. 100. Le secteur tertiaire, avec 43,5 p. 100, équilibre le secteur industriel. Cette répartition explique l’importance de la population urbaine. Les villes de plus de 100 000 habitants groupent 37,5 p. 100 de la population. Les communes de moins de 2 000 habitants en groupent encore 20,6 p. 100, mais bien des communes de cette catégorie n’ont plus rien d’agricole : elles sont de plus en plus industrialisées ou transformées en zones résidentielles. La R. F. A. est marquée, profondément, par la civilisation urbaine. On compte 59 villes de plus de 100 000 habitants. Les villes de plus de 200 000 habitants sont au nombre de 28 et celles de plus de 400 000 au nombre de 14. Malgré leur importance, ces chiffres ne donnent pas une idée complète du phénomène urbain en Allemagne fédérale. Les onze grandes concentrations urbaines (Rhin-Ruhr, Rhin-Main, Hambourg, Brême, Berlin-Ouest, Stuttgart, Rhin-Neckar, Munich, Hanovre, Nuremberg, Sarrebruck) groupent plus de 25 millions d’habitants et près de 4,5 millions d’actifs industriels. À elles seules, elles totalisent plus de 40 p. 100 de la population de la R. F. A. et environ 50 p. 100 des travailleurs de l’industrie. Par le nombre élevé de travailleurs qu’ils attirent, les grands centres urbains constituent les principaux marchés de l’emploi. C’est là qu’on trouve les activités les plus diversifiées et les plus évoluées. Les salaires versés y sont plus élevés que dans les campagnes ou les zones industrielles moins urbanisées. Les villes sont incontestablement les centres de la prospérité allemande.