Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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enfant (suite)

L’enfant pâtit également, longtemps, d’une hygiène rudimentaire et d’une alimentation inadaptée à ses besoins, faute de connaissances. Pierre Larousse, lui-même, propose, en guise de toilette du nourrisson, de promener une éponge sur son corps et de ne lui donner qu’un bain hebdomadaire. L’allaitement se poursuivait fréquemment jusqu’à un an, et, si l’on considérait que l’enfant ne devait prendre aucune nourriture consistante avant trois ans, en revanche, un peu de vin lui était permis en guise de fortifiant.

Si, pour employer une expression de Reeth Dirx, « le monde de l’enfance a acquis, aujourd’hui, une importance significative », il faut voir là le fruit des progrès réalisés dans la connaissance de l’enfant en tant que tel.


Connaissance de l’enfant

Sur le plan alimentaire, en l’absence de l’allaitement maternel, on trouve aujourd’hui, sur le marché, une gamme extrêmement diversifiée de laits artificiels à l’intention des nourrissons : lait stérilisé, qui peut être en même temps homogénéisé ; lait concentré (ou condensé), sucré ou non ; lait en poudre, écrémé ou non (v. lait). Cette alimentation lactée est bientôt doublée, puis remplacée, par une alimentation à base de farines : farines de céréales, farines diastasées et farines lactées. Les farines de légumineuses (soja, riz, carotte, caroube) servent de substituts au régime lacté lorsque l’enfant ne supporte pas celui-ci. Contrairement à ce que l’on croyait autrefois, les œufs, le jus de viande, les légumes et les fruits en purée entrent très tôt (vers 4 mois) dans le régime du nourrisson. L’industrie moderne produit à l’intention de l’enfant des aliments en pots préparés par lyophilisation à partir d’aliments naturels, tels que fruits et légumes, et, dernières créations dans ce domaine, des produits sous forme de flocons obtenus par la déshydratation d’aliments naturels.

L’épiderme particulièrement fragile du nourrisson et du jeune enfant a attiré l’attention des spécialistes. À cet effet, des produits de toilette ont été conçus pour en conserver le velouté et le protéger contre toute irritation. Ceux dont la formule courante aurait pu être irritable ont été dosés en fonction de la nature de l’épiderme enfantin, tels les savons neutres de pH égal ou inférieur à 7 et les lotions et eaux de Cologne faiblement alcoolisées (50°) ou sans alcool. Des huiles animales (vison) ou végétales (amande), des corps gras (lanoline, glycérine), à fonction adoucissante et protectrice, entrent dans nombre de compositions comme les savons, les laits et les crèmes. Les plantes, également, sont à la base de toute une gamme de produits. La stérilisation appliquée au coton boule, utilisé pour tamponner, ou aux bâtonnets de coton destinés à la toilette des oreilles et du nez garantit une hygiène parfaite. Suprême raffinement dans ce domaine de l’hygiène : la couche plastique lanolinée et parfumée !

C’est à la lumière de la pédiatrie que l’habillement du bébé s’est transformé : ses jambes sont très vite libérées du lange des premiers jours, et sa tête ne connaît plus la triple coiffure décrite par Pierre Larousse à propos du nouveau-né et constituée « par un petit bonnet de toile fine à demi usée, un second de flanelle légère et un troisième d’étoffe également légère et non doublée ».

Les découvertes sur la psychologie de l’enfant ont permis l’adéquation de son environnement à sa personnalité : mobilier et jouets sont vus comme un prolongement de l’activité enfantine ; le Salon de l’enfance, en 1970, a permis de connaître la chambre idéale dessinée par des jeunes de 8 à 13 ans : univers clos et rond à l’abri du monde extérieur, avec lequel on ne communique que par quelques rares ouvertures ; tout y respire le désir d’indépendance et d’évasion. Si la chambre de l’enfant doit répondre dans la réalité à la triple fonction du jeu, du travail scolaire et du repos, ce compartimentage ne doit pas avoir pour conséquence un ameublement où tout soit figé dans le seul but d’un effet décoratif, mais, au contraire, un ensemble vivant. Le sacro-saint souci d’ordre, si cher à maints parents, constitue trop souvent une entrave à l’activité enfantine. Le mobilier doit être suffisamment maniable pour autoriser des déplacements selon les besoins du moment. Le mobilier modulaire, conçu dans un dessein pratique, répond parfaitement à l’activité ludique. Tels sont les cubes mobiles et transformables de Patrick Gingembre, ou la série de meubles combinables créés par J. A. Motte à partir d’un module en U. Le mobilier ludique peut devenir, à l’occasion, mobilier éducatif, comme la chambre « Puzzlewood » de Gérard Planchenault, démontable et présentée sous forme de puzzle. Vivant par sa souplesse de fonction, le mobilier l’est aussi par la couleur et par la forme. Le rouge et le bleu sont les premières couleurs saisies par l’enfant ; par la suite, les couleurs peuvent être utilisées à des fins éducatives, en développant l’association entre une couleur définie et une fonction de rangement, par exemple. Le classique « tableau noir » d’antan est devenu vert, et il peut prendre la forme d’un hippopotame, ainsi que l’a imaginé Jacques Limousin. Le mobilier entre de plain-pied dans l’univers imaginaire, soit en adoptant des formes animées (siège en forme d’animal), soit en empruntant ses motifs décoratifs à la mythologie enfantine (personnages de contes).

Autre élément de l’univers enfantin : le jouet. Il est d’origine fort ancienne. Le Louvre possède un sanglier sur roulettes datant de 2 000 ans avant notre ère, et, trois siècles auparavant, le cerf-volant était connu de la Chine. Toupies, berceaux à bascule et poupées existaient, déjà, au Moyen Âge. Mais jeux et jouets ne furent pendant longtemps, en Europe, que le privilège de la toute petite enfance, vu le souci qu’on avait de former très tôt l’enfant à la vie adulte. C’est aux travaux des psychologues que l’on doit d’avoir compris l’importance du jeu, et ce qui, au Moyen Âge, était considéré comme futile s’est révélé être un moyen d’expression et un apprentissage du monde. Qui dit apprentissage dit éducation. Des pédagogues comme Thomas Murner (1475-1537) et les jésuites au xvie s. utilisèrent le jeu à des fins pédagogiques, et Louis XV s’exercera à la guerre, enfant, avec des soldats d’argent. Pierre Larousse n’a-t-il pas écrit lui-même, par la suite : « La passion de l’enfant pour les jouets peut servir puissamment à son éducation..., tout objet est pour lui une énigme qu’il cherche à deviner. » Cette énigme se pose, déjà, au tout jeune bébé, qui la résout par une activité purement sensorielle. C’est l’âge des jouets qui font appel aux sens : hochets musicaux, animaux en peluche, doux au toucher, ou en matière synthétique, doux à mordiller, etc. Avec les premiers pas, le jouet s’anime : véhicules ou animaux de toutes sortes montés sur roulettes et tirés au bout d’une ficelle ou jouets mécaniques, en attendant les jouets qui, vers 6 ou 7 ans, permettront à l’enfant d’exercer son surplus d’énergie : ballon, cerceau, voiture à pédales, etc. Très vite, l’enfant cherche à imiter, dans ses jeux, le comportement des adultes qu’il admire, et ses jouets préférés sont, alors, ceux qui lui offrent la reproduction du monde adulte miniaturisé. La poupée, particulièrement chère à la petite fille, est, tout à la fois, un double d’elle-même, son enfant et les personnages divers des scènes qu’elle imagine. La poupée bébé, autrefois en Celluloïd, aujourd’hui en plastique, se caractérise par des traits enfantins et souvent des membres souples. On note, d’ailleurs, un regain de faveur pour la poupée de chiffon. L’enfant a d’autant plus l’illusion de la réalité que la poupée peut désormais marcher, debout ou à quatre pattes, pleurer de vraies larmes, tout en criant, mouiller ses langes et enfin parler. Certaines poupées savantes sont même capables de réciter la table de multiplication. La représentation du sexe de la poupée permet à l’enfant de choisir entre garçon et fille. De style pin-up, la poupée adulte, lancée par l’Amérique, est typique de notre époque. Riche en accessoires de toutes sortes, vestimentaires autant que domestiques, elle est devenue le centre d’une vie mythique aux personnages multiples : parents, amis, boy-friends, etc. Ainsi, l’enfant vit par anticipation la vie des adultes à travers une gamme infinie de jouets : maison, mobilier, appareils domestiques, objets de toilette, pièces d’habillement, voitures, trains, avions, etc. Cette reproduction de la réalité par le jouet peut être extrêmement fidèle (voiture de marque) ou schématisée (coiffeuse avec tiroirs esquissés), ou encore totalement fantaisiste (téléphone figurant une grenouille). À la vie, le jouet emprunte, aussi, mouvement et bruit : la voiture roule, l’avion vole, le train siffle, le téléphone sonne.