Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

énergie (suite)

Le pétrole offre sur le charbon un certain nombre d’avantages essentiels : son extraction ne requiert qu’une main-d’œuvre peu nombreuse, ce qui permet la mise en exploitation rapide de régions peu peuplées. Le transport s’effectue dans des conditions particulièrement faciles : le chargement et le déchargement des tankers sont aisés, les frets peu élevés ; les oléoducs ont des prix de revient à la tonne-kilomètre exceptionnellement modestes, même dans des régions de relief difficile. Dans la plupart des utilisations, il est possible d’automatiser au maximum la conduite des opérations.

En contrepartie, il faut tenir compte des charges d’investissement, qui sont particulièrement lourdes au niveau de la production, de la construction des réseaux propres de transport et des installations de raffinage. Il faut également souligner la très forte technicité du secteur, ce qui a facilité la mainmise d’un petit nombre de groupes producteurs sur l’ensemble des réserves.

La progression a été plus rapide que pour le charbon : il y a eu en moyenne doublement tous les dix ans : 10 Mt en 1890, 20 en 1900, 50 en 1910, 97 en 1920, 210 en 1930, 292 en 1940, 530 en 1950, 1 050 en 1960, 2 300 en 1970. La progression est ralentie depuis 1973. La part des besoins mondiaux d’énergie satisfaite par le pétrole représente 40 p. 100 du total et excède celle du charbon.

Il est très difficile de comparer les réserves de combustibles solides et les réserves d’hydrocarbures. Quelques sondages permettent d’évaluer grossièrement la capacité de veines de charbon qu’on ne mettra en exploitation que dans vingt ans, cinquante ans ou un siècle : les frais de prospection sont relativement faibles au regard de ceux de la mise en valeur. Il en va différemment pour le pétrole : malgré les progrès incessants effectués depuis un demi-siècle, la recherche demeure très aléatoire.

Il faut d’abord repérer les structures sédimentaires favorables : les hydrocarbures se sont formés dans des zones de sédimentation peu profondes, les zones deltaïques ou marécageuses ont été particulièrement favorables. Comme ils ont tendance à migrer vers la surface, leur conservation n’a été possible que là où ils ont été piégés par des roches imperméables.

La géologie de surface donne une idée des structures : elle est malheureusement impuissante à analyser ce qui se passe lorsque des discordances profondes existent. La prospection fait alors appel aux techniques d’analyse profonde : réflexion ou réfraction sismiques, étude de la gravité et du magnétisme. Le repérage des structures ne garantit nullement la présence des hydrocarbures : il faut, pour s’en assurer, réaliser des sondages. Entre le forage de reconnaissance et le forage d’exploitation, la différence est moins grande que pour le charbon, et, comme les structures géologiques qui abritent le pétrole sont généralement de petites dimensions et que les conditions peuvent varier rapidement d’un point en un autre, l’évaluation n’est satisfaisante qu’une fois réalisé un quadrillage déjà dense : il n’est plus question alors de laisser dormir les réserves repérées, les dépenses engagées ont été trop fortes.

Les premiers gisements exploités étaient relativement peu profonds, quelques dizaines ou quelques centaines de mètres. On a progressivement appris à aller plus loin, on dépasse volontiers 5 kilomètres. Les frais de prospection et de mise en valeur se trouvent multipliés, mais le volume des réserves susceptibles d’être exploitées l’est également. Dans la mesure où le dépôt s’est fait dans des zones d’épaisse accumulation sédimentaire, c’est souvent sur la plate-forme continentale que les perspectives sont les plus intéressantes. Les Russes ont commencé à forer sous la mer, en Caspienne, dès les premières années de ce siècle. Les Américains ont appris à le faire dans le golfe du Mexique, au large du delta du Mississippi, ou encore dans la lagune de Maracaibo, au Venezuela. On attend beaucoup de la prospection des fonds de la mer du Nord, de ceux du golfe Persique, ou encore de ceux de la région de la plate-forme de la Sonde.

Au total, les réserves connues sont estimées aujourd’hui à quelque 75 milliards de tonnes de produits pétroliers. Au rythme actuel de production, cela représenterait près de 35 ans, mais, comme la progression des tonnages extraits est très rapide, qu’on atteindra rapidement les 5 milliards de tonnes annuels, cela ne fait guère que 20 ans. Aucune comparaison possible, donc, avec le charbon. Depuis le début du siècle, cependant, la situation est à peu près identique : les réserves ont toujours représenté quinze ou vingt années de production. On n’a pas de raison de se montrer pessimiste pour le proche avenir. Cependant, le volume susceptible d’être prospecté n’est pas infini. Les évaluations les plus sérieuses laissent prévoir une augmentation de la production jusqu’au début du xxie s.

La géographie des réserves et de la production est soumise à d’incessants changements. L’industrie est née en Amérique du Nord, puis s’est développée dans les pays de la mer Noire (Roumanie) et en Caucasie. Entre les deux guerres mondiales, les résultats les plus intéressants ont été enregistrés en Amérique centrale (Mexique) et en Amérique du Sud (Venezuela). Le développement de la production au Moyen-Orient a commencé à la même époque, en Iran et en Iraq. À la fin de la Seconde Guerre mondiale s’opèrent les renversements les plus spectaculaires. Les grands producteurs anciens, États-Unis, U. R. S. S. et Venezuela, maintiennent ou développent leur apport. Mais la nouveauté, c’est la très brusque progression des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord : ils fournissent aujourd’hui environ 1 100 Mt (980 pour le Moyen-Orient et 110 pour l’Afrique du Nord), soit au total plus de 40 p. 100 de la production mondiale (2,7 Gt en 1975).

L’Asie, en dehors du territoire de l’U. R. S. S., et l’Afrique, au sud du Sahara, ne comptent que des producteurs médiocres : le Nigeria et l’Indonésie font seuls exception. Des perspectives nouvelles semblent s’ouvrir dans la région de la Sonde. L’Europe, malgré des prospections systématiques, n’a encore guère trouvé de ressources satisfaisantes. La mer du Nord réserve sans doute d’heureuses surprises, mais elle ne peut suffire à satisfaire les besoins considérables et croissants des consommateurs européens. En Amérique du Nord, les réserves américaines sont sans doute plus profondément entamées que celles de tous les autres producteurs. Avec le temps, les prospections les plus fructueuses se font de plus en plus au sud (sur la plate-forme continentale du golfe du Mexique) ou au nord (le Canada est déjà un producteur important, cependant que l’Alaska constitue le seul domaine où existent des réserves énormes et qui ne soit pas encore un producteur important).