Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

énergie (suite)

Les conditions de la prospection, comme celles du transport, ont favorisé la concentration des opérations aux mains d’un petit nombre de très grandes sociétés. Tant qu’on s’est contenté d’une prospection à l’aveuglette et à faible profondeur, les chances de la petite entreprise n’étaient pas négligeables, l’exemple des États-Unis le prouve. Au stade du raffinage, à celui de l’acheminement par oléoduc ou par tanker, il en allait déjà différemment à la fin du siècle dernier, comme le montre le succès des premières compagnies à avoir misé sur ces deux secteurs, que ce soit la Standard Oil de Rockefeller aux États-Unis, ou la Royal Dutch-Shell. Entre les deux guerres mondiales, le contrôle du marché a été assuré par un petit nombre de compagnies internationales américaines (5), anglaises (2) et française (1), liées dans un cartel.

La politique des prix qu’il a été ainsi possible de mener a assuré la stabilité des profits dans un domaine où la concurrence était très vive, et a incité les compagnies à se montrer novatrices, ce qui se lit à la fois à l’étendue des nouvelles zones ouvertes à la prospection, à la gamme des moyens techniques mis en œuvre et à la politique de développement de la consommation, qui s’est révélée particulièrement efficace.


Le gaz naturel

Longtemps, les prospecteurs n’ont su que faire du gaz qui, très souvent, fusait de leurs forages. La pression assurait la remontée gratuite de l’huile, mais, lorsque le gaz arrivait à la surface, on ne savait en faire autre chose que de le brûler dans les torchères.

Dans les gisements proches des zones de forte industrialisation ou de forte population, il apparut vite que le gaz naturel pourrait se substituer avantageusement au gaz d’éclairage : son pouvoir calorifique est plus de deux fois supérieur, et il ne possède généralement pas la même toxicité. Ainsi, en Pennsylvanie et dans la région des Grands Lacs, on apprit peu à peu à domestiquer cette forme d’énergie. On construisit des feeders (gazoducs) pour relier les zones productrices aux foyers de consommation. Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, les progrès de la soudure des tubes d’acier de grand diamètre rendirent possible l’acheminement de quantités importantes à de longues distances. En ce sens, l’histoire du gaz naturel est très courte : une trentaine d’années, contre un siècle pour le pétrole.

Le transport continental a été un moment seul possible, grâce aux réseaux de conduites enterrées. Une bonne partie des réserves se situe dans des régions peu peuplées que des mers séparent des foyers de consommation. Les méthaniers, qui permettent les acheminements de gaz liquéfié, ne sont d’utilisation courante que depuis une dizaine d’années.

La difficulté d’acheminer le produit se traduit par un niveau relativement élevé de réserves en regard de la production ; celle-ci est de l’ordre de 1 300 milliards de mètres cubes par an, ce qui ne correspond qu’à la quarantième partie des réserves connues. Au point de vue énergétique, cette production est équivalente à 2 000 Mt de houille. On sous-estime généralement le rôle énergétique du gaz naturel. Il y a une excuse à cela : l’extrême inégalité des niveaux de consommation, qui tient aux difficultés de transport et aux politiques énergétiques. En effet, les États-Unis recèlent le cinquième des réserves mondiales, mais assurent près de 50 p. 100 de la production, qui correspond à près de 900 Mt d’équivalent charbon. L’U. R. S. S., dont les réserves correspondent au quart du total mondial, ne produit que le quart du total, ce qui équivaut néanmoins à plus de 400 Mt de houille.

L’Europe est moins démunie de gaz naturel que de pétrole : la France, l’Italie et l’Allemagne possèdent des réserves moyennes, cependant que les Pays-Bas et la mer du Nord figurent parmi les zones les mieux douées.

L’importance du gaz naturel tient à la souplesse avec laquelle il permet de satisfaire les besoins de chaleur, à ses qualités de matière première de choix pour l’industrie chimique. Son bas prix pousse à son utilisation pour la production d’énergie électrique.


L’énergie nucléaire

Les réserves de combustibles fossiles sont suffisantes pour satisfaire les besoins de l’humanité dans les décennies qui viennent. La consommation d’énergie croît cependant très vite. Quel que soit l’optimisme dont on fasse preuve, il est certain qu’on ne pourra compter très longtemps sur le pétrole, sur le gaz et sur le charbon pour soutenir ce rythme, et cela d’autant plus que le prix de ces sources d’énergie croîtra sans doute dans l’avenir, dans la mesure où l’on a mis d’abord en valeur les gisements les plus accessibles.

L’énergie nucléaire est appelée à prendre progressivement le relais de la plupart des autres formes de production. À l’heure actuelle, il ne s’agit encore que d’une ressource d’appoint ; en dehors de la Grande-Bretagne, son poids demeure négligeable dans la balance énergétique de la plupart des nations.

Le point de départ de la production se trouve aujourd’hui dans l’utilisation de l’uranium 235. Cet isotope représente 1/140 de la masse de l’uranium naturel, le reste étant constitué par de l’uranium 238, qui n’est pas fissile. Un gramme d’uranium 235 libère une énergie équivalente à celle de 2,7 t de charbon. Une centrale nucléaire de 1 000 MW consomme quotidiennement 3 kg d’uranium 235 si son rendement est de 33 p. 100, c’est-à-dire annuellement environ 1 tonne (140 t d’uranium métal non enrichi).

Si le développement des réacteurs continue au rythme prévu, toutes les sources d’uranium naturel à bon marché seront épuisées en 1985, celles dont le prix est moyen en l’an 2000. La situation n’est cependant pas inquiétante. On espère mettre au point vers 1980 la technique des surrégénérateurs, réacteurs à neutrons rapides fabriquant en fait plus de matière fissile qu’ils n’en consomment, c’est-à-dire résolvant le problème des réserves.

Les questions essentielles sont d’ordre technique et économique : comment mettre au point des procédés de production qui conduisent à fournir l’énergie à des prix compétitifs ? C’est déjà presque chose faite pour les filières qui utilisent l’uranium naturel ou l’uranium enrichi (dans les filières à neutrons ralentis).

À court terme, les possibilités d’équipement des nations dépendent surtout de leur niveau technologique : la création des centrales nucléaires est le fait de producteurs américains, européens, japonais ou russes. L’Inde et la Chine sont également capables de participer au mouvement.