Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

abstraction (suite)

Le sens du dynamisme caractérise ces peintres de l’énergie que sont Hartung, Ger Lataster (Pays-Bas, 1920), Ernst Wilhelm Nay (Allemagne, 1902-1968), Gérard Schneider (Suisse, 1896), Soulages*, Emilio Vedova (Italie, 1919). Mais la vitesse d’exécution n’est devenue un élément fondamental de l’œuvre, en dehors de Mathieu et de Pollock, qu’avec l’Italien Gianni Bertini (né en 1922), les Allemands Karl Otto Götz (né en 1914) et K. R. H. Sonderborg (né en 1923).

Ceux qu’on a groupés sous l’étiquette d’informels semblent vouloir se confondre avec la matière, avec les substances élémentaires comme la terre, la boue, les cendres. Ainsi de l’Italien Alberto Burri (né en 1915), des Français Olivier Debré (né en 1920), Dubuffet*, Fautrier*, Roger Edgar Gillet (né en 1924), Philippe Hosiasson (né en 1898), des Espagnols Manolo Millares (né en 1926) et Antoni Tàpies*, de l’Américaine Joan Mitchell (née en 1926). D’autres se sentent plus proches des éléments fluides tels que les eaux, le feu, les nuages : les Français Frédéric Benrath (né en 1930), René Duvillier (né en 1919), Philippe Hauchecorne (né en 1907), Jean Messagier (né en 1920), Jean-Pierre Vielfaure (né en 1934), le Français d’origine chinoise Zao Wou-ki*, l’Américain Paul Jenkins (né en 1923). C’est au contraire à l’éclat comme à la densité du monde minéral que semblent se référer les Français François Arnal (né en 1924) et Paul Revel (né en 1926), le Hollandais Corneille (né en 1922).


L’abstraction « moyenne » ; ses domaines

L’abstraction lyrique, en même temps qu’elle se diversifiait en mille nuances, encourageait une prolifération complexe intermédiaire entre elle-même, l’abstraction géométrique et la figuration proprement dite. Cette zone mixte, qui connaîtra une extension plus sensible à Paris qu’ailleurs, est particulièrement rebelle à l’exploration.

La notion de paysagisme* abstrait permet de distinguer toute une lignée d’artistes chez lesquels se révèle l’influence discrète de Bissière* : les Français Bazaine*, Jean Bertholle (né en 1909), Maurice Estève (né en 1904), Jean Le Moal (né en 1909), Alfred Manessier (né en 1911), Pierre Montheillet (né en 1923), ainsi que des peintres d’origine diverse intégrés à l’école de Paris, comme les Belges Gustave Singier (né en 1909) et Raoul Ubac (né en 1910), l’Américaine Anita de Caro (né en 1909), la Portugaise Vieira* da Silva ; une grande sensibilité aux rythmes naturels devient ici le principe d’organisation de la peinture.

Un peu mieux détachée de l’influence de la nature extérieure, parce que sans doute plus attentive aux pulsions internes, mais régie néanmoins par une volonté d’élaboration hostile au laisser-aller, serait une peinture qu’on pourrait nommer « peinture lyrique construite » et que représenteraient les Italiens Afro (né en 1912), Renato Birolli (1907-1959), Giuseppe Santomaso (né en 1907), les Français Camille Bryen (1907-1977), Michel Carrade (né en 1923), Jacques Doucet (né en 1924), Jean Lombard (né en 1895), Louis Nallard (né en 1918), les Russes de Paris Ida Karskaya (née en 1905) et André Lanskoy*, l’Américain Joe Downing (né en 1925), le Britannique Stanley William Hayter (né en 1901), l’Allemande Charlotte Henschel (née en 1905), le Hongrois Sigismond Kolos-Vary (né en 1899), le Turc Mehmed Nejad (né en 1923), le Yougoslave Pierre Omcikous (né en 1926), l’Autrichienne Greta Sauer (née en 1909).

Lorsque, par contre, la subjectivité, tenue en respect, irrigue une armature rigide, on parlerait plutôt d’une « peinture géométrique sensible », illustrée par les Français Martin Barré (né en 1924), Huguette A. Bertrand (née en 1925), Jean Deyrolle (1911-1967), Aurélie Nemours (née en 1910), Jean Piaubert (né en 1900), les Roumains de Paris Jeanne Coppel (1896-1971), Natalia Dumitresco (née en 1915) et Alexandre Istrati (né en 1915), le Suisse Walter Bodmer (1903-1973), l’Allemand Francis Bott (né en 1904), le Grec Manolis Calliyannis (né en 1926), l’Américain John Franklin Koenig (né en 1924), l’Islandaise Nina Tryggvadottir (née en 1913).

Trois peintres de grande envergure règnent sur ces domaines intermédiaires : les Français d’origine russe Serge Poliakoff* et Nicolas de Staël*, le Néerlandais Bram Van Velde (né en 1895), lui aussi intégré au milieu parisien.


L’abstraction froide ; ses mutations

L’abstraction géométrique sort plutôt renforcée de la Seconde Guerre mondiale. D’une part, quelques artistes ont joué un rôle irremplaçable d’animateurs, d’informateurs et de théoriciens : Josef Albers (Allemagne, 1888-1976), Burgoyne Diller (États-Unis, 1906), Fritz Glarner (Suisse, 1899-1972) aux États-Unis ; Max Bill, Herbin, Magnelli, Richard Mortensen (Danemark, 1910) et Victor Pasmore (G.-B., 1908) en Europe. D’autre part, l’essor tumultueux de l’abstraction lyrique, en accusant les incompatibilités, va renforcer la rigueur des héritiers de Malevitch et de Mondrian au prix d’un effondrement de leurs effectifs. Mieux que l’apparition de nouveaux leaders tels que l’Uruguayen Carmelo Arden Quin (né en 1913 ; fondateur de Madi en Argentine), le Suédois Olle Baertling (1911), le Français Jean Dewasne (né en 1921), le Belge Louis Van Lint (né en 1909), le Suisse Richard Paul Lohse (né en 1902) ou le Hongrois Victor Vasarely*, le dynamitage superbement opéré au sein d’une esthétique un peu somnolente, d’abord par Lucio Fontana*, puis par Yves Klein*, enfin la découverte de nouvelles solutions plastiques vont entraîner un regain de vigueur de la tendance, notamment à partir de 1960. Tout d’abord, la concentration des recherches du côté des phénomènes de la perception visuelle (illusions d’optique), puis l’extension de ces préoccupations grâce à l’introduction de la lumière et du mouvement, enfin un retour à d’austères spéculations sur les couleurs pures et les formes pures, telles seront les étapes de cette mutation de l’art abstrait géométrique.