abstraction (suite)
Dans le premier cas, on parlera d’op’art (pour optical art) : autour d’Albers et de Vasarely, on notera l’Italien Getulio Alviani (né en 1939), l’Américain Richard Anuszkiewicz (né en 1930), le Tchèque Milan Dobes (né en 1929), la Britannique Bridget Riley (née en 1931). En tête de ceux qui ont donné une impulsion nouvelle à l’art cinétique*, il y a l’Israélien Yaacov Agam (né en 1928), le Hongrois Gyula Kosice (né en 1924) et le Vénézuélien Jésus-Rafaël Soto*. C’est un rigorisme systématique, enfin, qui caractérise les tableaux hard-edge des Américains Ellsworth Kelly (né en 1923), Al Held (né en 1928) ou Frank Stella (né en 1936), lesquels constituent en somme la branche picturale du minimal* art. Mais l’influence déterminante, sur la post painterly abstraction, des expériences de Morris Louis (1912-1962) et d’Helen Frankenthaler, en conférant à la couleur un rôle majeur qui n’exclut ni les allusions à la nature ni les associations subjectives, allait déterminer l’apparition du plus puissant courant actuel de l’abstraction. Il s’agit d’une peinture de très grands formats dont le sujet est la couleur et non la forme, et qui doit autant, en définitive, à un Rothko qu’à un Albers. Si Tess Jaray (G.-B., 1939), Kenneth Noland (États-Unis, 1924) ou Jack Youngerman (États-Unis, 1926) s’y montrent encore relativement soucieux de la forme, avec Darby Bannard (États-Unis, 1931), Rupprecht Geiger (Allemagne, 1908), Jules Olitski (États-Unis, 1922), Larry Poons (États-Unis, 1937), Jef Verheyen (Belgique, 1932) ou Peter Young (États-Unis, 1940) s’affirme une peinture atmosphérique et subjective d’une extrême sensibilité, qui rejoint parfois l’impressionnisme. Impersonnel, axé vers une critique sociologique de l’art, est au contraire un courant animé en France par un Daniel Buren (né en 1938).
Conclusion
Amenée à son tour à faire peau neuve par cette résurgence comme par les succès du pop’art, l’abstraction lyrique s’est partiellement réincarnée dans l’arte povera. Ces œuvres en caoutchouc, en corde, en feutre, en graisse, en terre, en tourbe, etc., qu’est-ce donc, en effet, sinon la continuation, par d’autres moyens, des toiles informelles de Dubuffet, de Fautrier, de Tàpies ? Mais cela nous entraînerait dans le domaine de l’assemblage* et de la sculpture, que cette étude n’ambitionne pas d’approcher. L’abstraction aura été essentiellement le mouvement d’idéalisation qui tenta d’arracher la toile à deux dimensions à son rôle traditionnel de reflet du monde à trois dimensions. Dès qu’intervient la troisième dimension, celle de la réalité, d’autres problèmes interviennent. Mais pour s’être voulu peinture avant tout, l’art abstrait n’a pas fini de nourrir notre sensibilité.
J. P.
➙ Bauhaus / Cinétique (art) / Expressionnisme / Minimal art / Paysagisme abstrait / Sculpture du xxe s. / « Stijl (De) ».
W. Worringer, Abstraktion und Einfühlung (Munich, 1908). / A. H. Barr (sous la dir. de), Cubism and Abstract Art (New York, 1936). / M. Seuphor, l’Art abstrait, ses origines, ses premiers maîtres (Maeght, 1950) ; Dictionnaire de la peinture abstraite (Hazan, 1957). / M. Brion, Art abstrait (A. Michel, 1956). / M. Ragon, l’Aventure de l’art abstrait (Laffont, 1956). / J.-C. Lambert, la Peinture abstraite (Rencontre, Lausanne, 1967). / D. Vallier, l’Art abstrait (« le Livre de poche », 1967). / M. Seuphor et M. Ragon, l’Art abstrait (Maeght, 1971-72 ; 2 vol.).