Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire (premier) (suite)

La 3e coalition (1805)

Pendant cinq ans, les armées françaises parcourent une Europe qu’elles tiennent à leur merci. Pourtant, tout commence par une défaite : Trafalgar, mais son importance sera bien vite masquée par les victoires terrestres.

Depuis 1803, la guerre a repris avec l’Angleterre. Pour l’abattre, Napoléon retrouve un plan imaginé en 1798. Il faut débarquer en Angleterre et prendre Londres ; 2 000 petits bateaux sont concentrés sur les côtes de la Manche et, à Boulogne, 150 000 hommes se rassemblent. Pour réaliser l’entreprise, il faut la maîtrise de la mer. La supériorité navale britannique l’interdit, la ruse doit le permettre un court instant. De concert avec la flotte espagnole, l’amiral Villeneuve (Pierre Charles de Villeneuve [1763-1806]) entraînera vers les Antilles les navires de Nelson*. Revenant très vite, il tiendra la Manche suffisamment longtemps pour rendre possible le débarquement. Le plan échoue. Nelson, un moment dupé, prévient l’Amirauté d’une stratégie qu’il a découverte. Au large des côtes espagnoles, une escadre anglaise attend Villeneuve. Celui-ci se réfugie à Cadix. Malgré les efforts faits depuis 1798, il sait qu’il ne dispose que d’une marine médiocre. Ce rescapé d’Aboukir est un timoré, inapte à répondre à la manœuvre habile que Nelson invente : attaquer en colonnes pour percer le centre ennemi, isoler les vaisseaux afin de les accabler sous le nombre. La flotte française est ainsi anéantie au large du cap Trafalgar, le 21 octobre 1805. Mais déjà Napoléon a abandonné le projet d’invasion. Depuis le printemps, une alliance s’est nouée entre l’Angleterre et la Russie ; en juin, l’Autriche et, à l’automne, le royaume de Naples et la Suède les ont rejointes pour former une nouvelle coalition contre la France.

Avant tout, il faut empêcher la concentration des troupes ennemies. Celles de l’Autriche viennent de l’Italie, du Tyrol et des bords du Danube ; celles du tsar traversent la Galicie ; les corps britanniques et suédois sont au Hanovre. En un mois, Napoléon porte ses régiments du camp de Boulogne aux bords du Rhin. La rapidité de ce mouvement isole et encercle l’armée autrichienne de Karl Mack von Leiberich (1752-1828), qui, à Ulm, capitule le 20 octobre. En même temps qu’elle ouvre la route de Vienne, occupée le 13 novembre, la victoire retient la Prusse. Le 2 décembre, Napoléon, ayant entraîné ses adversaires russes et autrichiens sur le plateau de Pratzen, non loin d’Austerlitz, remporte sa plus prestigieuse victoire.

L’Autriche signe la paix de Presbourg, le 26 décembre. Elle renonce à la Vénétie et à toute influence en Allemagne du Sud. La paix a pour conséquence la déchéance du roi de Naples, remplacé par Joseph Bonaparte. À l’exception de la Sardaigne et de la Sicile ainsi que des restes des États pontificaux, c’est toute l’Italie que la France, désormais, domine.

Dans les premiers mois de 1806, Napoléon change la carte de l’Allemagne. Les ducs de Bavière et de Wurtemberg sont faits rois et reçoivent des territoires appartenant à l’Autriche. Un nouvel État apparaît sur la rive droite du Rhin : le grand duché de Berg, donné à Murat, beau-frère de Napoléon. Des mariages unissent les souverains allemands à la famille de Napoléon. Eugène de Beauharnais épouse la fille du roi de Bavière ; une cousine de Joséphine, le petit-fils du grand-duc de Bade ; Jérôme, une princesse de Wurtemberg.

Une Confédération du Rhin, dont Napoléon est le protecteur, est créée le 12 juillet 1806. Elle groupe, avec la Bavière, le Wurtemberg, les grands-duchés de Bade et de Berg et douze autres petits États. En décembre, elle recevra l’adhésion de la Saxe. Une diète, réunie à Francfort, doit traiter des affaires communes. Cette création fait perdre tout son sens au Saint Empire romain germanique. Il disparaît le 6 août 1806. Il avait huit siècles d’existence. L’empereur François II change de titre et devient François Ier, empereur d’Autriche.

Au nord de l’Allemagne, la République batave est devenue le royaume de Hollande. Louis Bonaparte, frère de Napoléon, en est le roi. Peu à peu se constitue le Grand Empire.


La 4e coalition (1806)

Napoléon semble être le maître de l’Europe, et, un moment, l’Angleterre et la Russie songent à traiter. L’attitude de la Prusse les arrête. Celle-ci a reçu de Napoléon le Hanovre, mais ce gage de sa neutralité ne suffit pas à effacer le mécontentement que suscite chez elle la création de la Confédération du Rhin. Cette formation politique contrebalancera l’influence qu’elle exerce en Allemagne. Mené par l’ardente reine Louise de Mecklembourg-Strelitz, le parti militaire pousse l’hésitant Frédéric-Guillaume III à agir. Le 26 septembre, il somme les Français d’évacuer l’Allemagne dans les huit jours. Il vient de s’allier à l’Angleterre, à la Russie et à la Saxe.

Cette 4e coalition est vite dénouée. En une journée, le 14 octobre, l’armée prussienne est battue devant Iéna par Napoléon et par Louis Nicolas Davout (1770-1823) devant Auerstedt. Le 27 octobre, les troupes françaises défilent à Berlin. Restent les Russes, que l’on va chercher dans les immenses plaines de l’Est. Le génie militaire de Napoléon est mal adapté à ces conditions physiques. Le froid, de plus, y est intense. À la bataille d’Eylau, le 8 février 1807, la neige tombe à gros flocons et, poussée par un vent violent, elle aveugle les Français. Attaqués avec rapidité, leurs régiments ne peuvent pour une fois se déployer. « Une épouvantable canonnade bouleverse nos masses, raconte le général Paulin, et dans le trouble qu’elle cause les cosaques poussent une vigoureuse charge en tête et en queue. Les boulets russes s’enfoncent dans toute la profondeur de nos colonnes en retraite et achèvent d’y porter un désordre inouï. » Une charge de cavalerie menée par Murat et d’habiles manœuvres de Davout permettront aux Français de conserver le terrain. Il y a 45 000 tués ou blessés ; c’est deux fois plus qu’à Austerlitz, et Napoléon écrit à Joséphine : « Ce pays est couvert de morts et de blessés. Ce n’est pas la plus belle partie de la guerre. L’on souffre et l’âme est oppressée de voir tant de victimes. » Quatre mois plus tard, les Russes veulent arrêter de nouveau la progression française. Ils sont cette fois nettement battus à Friedland, le 14 juin 1807. Le tsar Alexandre accepte de traiter.