Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

émotion (suite)

F. Alexander, assignant comme but à la médecine psychosomatique de découvrir le rapport entre les émotions et les fonctions organiques, a appelé névrose d’organe tout trouble fonctionnel des organes végétatifs. La névrose d’organe n’exprime pas une émotion, mais elle représente la réponse physiologique des organes viscéraux à la répétition de chocs émotionnels, ceux-ci pouvant être des conflits de motivation ou le refoulement de désirs inconscients.

La persistance de la tension émotionnelle modifie le fonctionnement des organes et peut aboutir à des troubles fonctionnels des organes végétatifs ; ces troubles sont donc des maladies sans lésion organique se manifestant par des dysfonctionnements ; par exemple : la névrose gastrique (augmentation de l’acidité et de la motilité gastriques), la névrose cardiaque, etc. Les névroses d’organes peuvent à la longue déterminer des lésions comme l’ulcère gastrique.

F. L. et A. D.

➙ Affectivité / Cerveau / Enfant / Personnalité / Psychosomatique (médecine) / Wallon (Henri).

 W. James, What is Emotion (New York, 1884 ; trad. fr. la Théorie des émotions, Alcan, 1903). / H. Wallon, les Origines du caractère chez l’enfant (Boivin, 1934). / J.-P. Sartre, Esquisse d’une théorie des émotions (Hermann, 1941 ; nouv. éd., 1960). / F. Alexander, Psychosomatic Medicine (New York, 1950 ; trad. fr. la Médecine psychosomatique, Payot, 1962 ; 3e éd., 1970). / J. Olds, Growth and Structure of Motives (Glencoe, Illinois, 1956). / P. Fraisse, « les Émotions » dans Traité de psychologie expérimentale sous la dir. de P. Fraisse et J. Piaget, t. V : Motivation, émotion et personnalité (P. U. F., 1963 ; nouv. éd., 1968). / T. Andréani, les Conduites émotives (P. U. F., 1968).

Empire (premier)

Gouvernement de la France de 1804 à 1814.



Introduction

Février 1804 : le complot de Cadoudal est découvert ; 18 mai 1804 : l’Empire est proclamé. « Nous voulions faire un roi, dira Georges Cadoudal (1771-1804), nous faisons un empereur. » La conspiration royaliste fournit à Napoléon le prétexte nécessaire à la modification constitutionnelle. La France résignée accepte, par plébiscite, la Constitution de l’an XII. Le gouvernement de la République est confié à un empereur héréditaire. À défaut de descendance directe, il pourra adopter les enfants de ses frères, à l’exception de ceux de Lucien et de Jérôme, déchus pour leur mariage. Le 2 décembre 1804, à Notre-Dame, le pape sacre le nouveau monarque. En fait, aux yeux des rois de l’Europe, il reste le général héritier d’une révolution subversive de l’ordre social dont ils tirent leur pouvoir. Ils ne cesseront, à travers lui, de la combattre.

De 1804 à 1810, le Grand Empire s’édifie par la conquête. Napoléon ne bénéficie pas seulement du sort heureux des armes : son gouvernement s’établit sur l’Europe dans un moment de prospérité. Celle-ci contribue à maintenir l’adhésion de la bourgeoisie et elle satisfait, malgré la conscription, les masses populaires qui en ont leur part. Après 1810, la conjoncture économique défavorable se conjugue avec l’éveil des nationalismes et la désaffection des catholiques pour précipiter vers sa chute un régime qui façonna, et pour longtemps, la France et une bonne partie de l’Europe.

C’est ce rythme que la plupart des historiens reconnaissent au premier Empire. Mais son historiographie révèle encore bien des lacunes. Partisans ou ennemis de Napoléon, les écrivains, souvent plus polémistes qu’érudits, ont porté leur intérêt sur le personnage seul ou l’ont jugé en fonction de ses seuls actes militaires ou politiques. Dans le fichier des bibliothèques, où s’accumulent des milliers de titres, la rubrique « économie et société » reste pauvre. Faute de travaux suffisants, la polémique persiste entre contempteurs et laudateurs du régime ; pertes ou gains démographiques, avances ou reculs économiques ? L’historien a parfois du mal à faire le point.


La constitution du Grand Empire (1804-1810)


Les buts et les moyens

Peut-on parler d’un programme préétabli de Napoléon ? Peut-on croire qu’il cherche, à l’image d’un Charlemagne, « notre illustre prédécesseur » comme il l’appelle, à ressusciter l’Empire romain d’Occident ? La plupart des historiens, avec Jacques Godechot, ne le pensent plus. Pour eux, si la conquête s’explique en raison de l’hostilité d’une « Europe féodale » envers un homme qui n’est qu’un « Robespierre à cheval », il faut aussi tenir compte de l’ambition de l’homme. Sa volonté de puissance, qui lui fait tourner tour à tour les yeux vers l’Orient et vers l’Europe, du Rhin au Niémen, fait de sa construction politique un ensemble en perpétuelle évolution. Enfin, ses projets recouvrent indéniablement les appétits économiques d’une bourgeoisie française, parfois même européenne, qui rêve d’évincer le concurrent anglais.

Au service de l’Empereur, il y a d’abord la « Grande Nation », c’est-à-dire un pays riche en hommes. Par la conscription, système unique de recrutement en Europe, elle fournira plus d’un million d’hommes. Par beaucoup de traits, cette armée est encore celle de la Révolution. Le système du remplacement par rachat maintient le caractère populaire. Dans chaque compagnie, le nouveau est mêlé ou encadré par des hommes qui ont fait la guerre depuis l’an II. Les sergents, « épine dorsale » de toute armée, sont des briscards qui transmettent aux jeunes une mentalité où l’esprit de liberté et d’égalité, coloré d’anticléricalisme, reste vivace. Après 1808, la troupe se modifie, les très jeunes sont de plus en plus nombreux et l’élément national est submergé par l’afflux des hommes levés dans les pays vassaux.

Cette armée subit peu d’innovations. Son matériel reste le même et finit par être surclassé par celui de l’ennemi. L’intendance organisée par la militarisation des commissaires des guerres ne satisfait pas aux besoins, et la « maraude » continue à être tolérée. Sur le champ de bataille, les techniques de combat mises au point pendant la Révolution sont toujours observées. Mais le génie du chef sait tirer le meilleur de cette armée. En un instant, il sait déceler les faiblesses d’un ennemi conduit par des manœuvres habiles sur le terrain qu’il a choisi. Napoléon exige alors et obtient de ses soldats la même rapidité de mouvement qu’il a réussi à recevoir d’eux dans les marches préparatoires. Si ses maréchaux font preuve d’allant, on sait que leur imagination ne sera jamais aussi féconde.