Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

émotion (suite)

Le courant psychanalytique, qui emploie plus volontiers le terme d’affect pour désigner l’émotion, la tient pour une représentation de l’inconscient à déchiffrer en tant que formation de compromis. Dans un premier temps, le moi se sentirait mis en danger par une privation pénible, un péril extérieur ou un conflit interne ; dans un second temps, au lieu de faire face, il se détournerait de la situation anxiogène, et c’est au cours de cette chute d’attention que ses désirs et ses représentations se trouveraient livrés à un traitement inconscient et que s’élaboreraient les mécanismes de la conduite émotionnelle.


Les bases physiologiques de l’émotion


Les centres de l’émotion

C’est l’expérimentation sur l’animal (stimulation ou destruction des structures nerveuses concernées) qui constitue notre principale source de renseignements, mais ses résultats peuvent être étendus à l’homme dans leur majorité.

• La peur et la colère. Les centres qui les commandent sont les mieux connus, car les plus faciles à étudier chez l’animal. P. D. MacLean (1952) a réuni sous le terme de système limbique les structures qui commandent ces états émotionnels et qui sont situées à deux niveaux différents du système nerveux central. On distingue deux formations diencéphaliques (hypothalamus postérieur et formation réticulée) qui, lorsqu’on les stimule, sont capables de provoquer chez l’animal décérébré un état d’excitation équivalant à la rage (sham rage), violent et incoordonné, et qui ne se prolonge pas au-delà de la stimulation. Ces structures sont sous la dépendance du rhinencéphale, qui exerce sur elles une action excitatrice ou inhibitrice.

Ces deux niveaux sont contrôlés par le cortex cérébral. Chez le chien, le nombre de stimuli apte à provoquer la rage augmente beaucoup lorsque le cortex est intact : en particulier, des stimuli conditionnés deviennent capables de la déclencher ; de même, ses conduites agressives ne présentent plus ce caractère de décharges désordonnées ; le chien cherche à mordre qui l’attaque alors que, si son cortex est détruit, il mord dans le vide, grogne, bave.

• La joie et le plaisir. Les centres en sont beaucoup moins connus, et il paraît difficile d’interpréter les réactions animales en terme de plaisir et de joie. Pourtant, J. Olds et P. Milner ont pu mettre en évidence, chez de nombreuses espèces animales, un comportement d’autostimulation dans les conditions expérimentales suivantes : on implante à demeure sous contrôle stéréotaxique, dans différentes structures du système nerveux central, une électrode bipolaire ; une électrode est reliée à un générateur de courant, l’autre est reliée à un levier situé dans la cage de l’animal ; l’appui sur le levier détermine la fermeture du circuit électrique, donc la stimulation de son propre système nerveux par l’animal (autostimulation). Le rat, animal très actif dans une cage, ne manque pas, par hasard, d’appuyer sur ce levier. On constate alors que le nombre d’appuis sur le levier augmente considérablement plus que le voudrait le hasard seul ; ce qui traduit une demande systématique de la part de l’animal. Les structures dont la stimulation est capable de produire un tel comportement sont l’hypothalamus latéral, mais aussi le septum et l’amygdale (formations rhinencéphaliques) ainsi que toutes les voies reliant les structures entre elles : il s’agit donc d’un circuit plus que d’un centre, que Olds et Milner (1954) ont appelé reward-system, qu’il paraît plus adéquat de traduire en français par « système de renforcement » que par « centre du plaisir ».


Le système nerveux végétatif et l’émotion

Chaque émotion s’accompagne de modifications physiologiques : la colère, de l’augmentation du débit cardiaque, de l’élévation de la tension artérielle et de modifications du métabolisme des glucides ; la tristesse, d’inspirations et d’expirations bruyantes. C’est à Cannon que revient le mérite d’avoir montré que ces manifestations étaient dues à une activation du système nerveux sympathique, bien qu’actuellement on admette que le système parasympathique intervienne également. Le système végétatif est en étroite connexion avec le système limbique.


Le développement des émotions, l’émotivité

Au cours du développement, il est une époque entre 3 et 14 mois où les émotions constituent le mode dominant de relations de l’enfant avec son entourage humain ; H. Wallon l’a appelée stade émotionnel.

L’émotion a sa source chez le nourrisson dans les modifications du tonus viscéral et postural, qui, lorsqu’il ne peut être réduit progressivement, s’accumule et explose ensuite en spasmes et contractures qui sont les manifestations mêmes de l’émotion. L’émotion est enracinée dans le physiologique, mais sa fonction de communication en fait la première manifestation de la vie psychique : le nouveau-né pleure et s’agite pour signifier à sa mère qu’il a faim. Mais, peu à peu, les décharges motrices impulsives se modulent sous l’influence de l’entourage, et l’on peut bientôt reconnaître la douleur, la joie, le chagrin, la colère, l’impatience. Le langage de l’émotion, compris immédiatement par les partenaires, met l’enfant et son milieu dans un état de symbiose affective, d’où l’identité du moi aura à se dégager.

Par la suite, la prépondérance de l’émotion s’atténue sous l’influence notamment des progrès de la motricité et de la sensibilité extéroceptive, mais elle reste une composante permanente du psychisme de l’adulte, plus ou moins importante selon les individus. L’émotivité est même considérée par G. Heymans et E. D. Wiersma comme l’un des trois facteurs constitutifs de la personnalité, avec l’activité et le retentissement. Ces auteurs décrivent les émotifs comme des individus qui prennent à cœur des riens, qui sont en larmes ou bien ravis pour de petites choses, et les opposent aux non-émotifs, gens « froids ».


Émotion et médecine psychosomatique

Dans la vie psychique normale, l’émotion peut être vécue comme telle et exprimée par la parole ou l’activité. Lorsqu’il existe un empêchement à sa décharge normale, elle est refoulée, et deux solutions interviennent alors ; l’hystérie de conversion ou la maladie psychosomatique, la première représentant un stade de refoulement moins profond que la maladie psychosomatique.