Musicologue et compositeur français (Bar-sur-Aube 1862 - Paris 1938).
Il fut d’abord au Conservatoire de Paris l’élève de Léo Delibes pour la composition et de L. Bourgault-Ducoudray pour l’histoire de la musique. En 1895, il présenta une thèse de doctorat ès lettres intitulée Essai sur l’orchestique grecque. Il devint en 1904 maître de chapelle à Sainte-Clotilde de Paris et, de 1907 à 1936, enseigna l’histoire de la musique au Conservatoire national.
Un préjugé tenace et particulièrement répandu en France conteste à un érudit les qualités de l’artiste. Son absurdité n’est jamais apparue aussi flagrante qu’à propos de Maurice Emmanuel, musicologue de grande classe qui fit preuve, à travers une production volontairement très limitée, de dons créateurs surprenants par leur nombre et leur diversité. Cette œuvre suffit à prouver combien la science peut féconder le talent créateur et aboutir à un élargissement indéniable du langage musical, élargissement dont les disciples et admirateurs de Maurice Emmanuel, Olivier Messiaen entre autres, ont largement bénéficié.
Il avait goûté directement la saveur des modes anciens en collectant les chants populaires de sa Bourgogne natale. Il les inséra aussi heureusement dans des œuvres savantes (Sonatine no 1 dite « bourguignonne » sur des modes orientaux, composée en 1893, Sonatine no 4 sur des modes hindous, composée en 1920). L’usage d’une métrique grecque aboutit à une déclamation chantée faisant étroitement corps avec la langue française, dans ses opéras Prométhée enchaîné (1916-1918) et Salamine (1924-1928), qui constituent deux réussites majeures de l’art lyrique français entre les deux guerres, tout comme les six Sonatines pour piano (la cinquième orchestrée sous le titre de Suite française) représentent une des dernières expressions originales de la musique française de clavier, parallèlement aux concertos de Ravel.
Les dons de Maurice Emmanuel s’étendent de la grandeur tragique, présente dans ses opéras et ses trois symphonies, à la vitalité humoristique de l’Ouverture pour un conte gai (1890), et qui réapparaît dans Amphitryon (1936).
On déplorera d’une part la discrimination dont Maurice Emmanuel fut l’objet et qui, fort heureusement, s’est atténuée depuis une vingtaine d’années, d’autre part la trop sévère autocensure du créateur. L’une et l’autre ont empêché les dons de Maurice Emmanuel de s’étendre à une production plus abondante d’œuvres échappant — signe d’une véritable indépendance esthétique — aux divers courants qui les sollicitaient. À distance, on se rend mieux compte de l’apport original de Maurice Emmanuel non seulement dans ses vingt dernières années, celles qui suivirent la mort de Debussy, mais au cours des deux décennies antérieures, jalonnées par des ouvrages qui furent malheureusement révélés ou publiés trop tard. Mieux connu, Maurice Emmanuel fait maintenant figure de précurseur de Stravinski ou de Bartók.
Ouvrages de Maurice Emmanuel
Essai sur l’orchestique grecque (thèse, 1895) ; Histoire de la langue musicale (Laurens, 1911) ; « Pelléas et Mélisande » de Claude Debussy (Mellotée, 1926) ; César Franck (Laurens, 1930) ; Antonin Reicha (ibid., 1937).
F. R.
Maurice Emmanuel, numéro spécial de la Revue musicale (Richard Masse, 1947). / F. Robert, la Musique française au xixe siècle (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1963).