Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

émail (suite)

Les oxydes d’étain, de titane, de zirconium forment une classe d’opacifiants qui, ajoutés à l’émail déjà préparé à partir de la composition de base, sont broyés au moulin et relèvent dès lors du premier type. Les fluorures (cryolithe, fluosilicate, spath fluor) et, à un degré moindre, les phosphates, notamment de calcium, de magnésium, qui sont fondus en même temps que l’émail, relèvent du second type d’opacifiants.

Avec des matières premières suffisamment pures, l’opacification conduit aux émaux blancs. Les colorants jaunes sont, entre autres, des dérivés de l’antimoine, du chrome et du cadmium. Les couleurs brunes s’obtiennent avec les dérivés de la famille du fer (fer, nickel, chrome), qui, dans certaines conditions, virent sur le vert. Le rouge s’obtient par l’introduction de sélénium, le bleu avec de l’oxyde de cobalt, et le noir avec du bioxyde de manganèse.


Préparation de l’émail

Elle commence par un mélange soigné des constituants au moulin, puis se poursuit par la fusion en creuset ou en four en cuve, à une température qui varie de 1 000 à 1 200 °C suivant la composition. Les compositions les plus réfractaires ne sont pas fondues à ces températures, mais seulement frittées ; les frittes serviront à constituer la couche de fond, plus ou moins poreuse, adhérente à la fonte et qui recevra ensuite la couche de couverte, constituée par un émail fondu.

Après fusion, l’émail est refroidi rapidement à l’eau ou à l’air pour l’étonner, ce qui facilite le broyage. Au cours de ce broyage, réalisé généralement par voie humide, on introduit certains constituants, tels que l’argile, destinés à maintenir l’émail broyé en suspension en formant une bouillie homogène si remaillage doit être fait au trempé ou par pulvérisation. La couche déposée est rapidement séchée avant que la pièce soit mise à la cuisson. Les émaux de fonds se cuisent à une température voisine de 1 000 °C, et les émaux de couverte vers 850 °C. Le broyage se fait à sec si l’émaillage doit être fait au poudré. La pose de l’émail au poudré se fait sur la pièce portée au rouge. Les couvertes très fusibles peuvent ainsi être posées sur la couche de fond dès la sortie des pièces du four de frittage. On a récemment mis au point un procédé d’émaillage blanc, en une couche, sur des aciers sans carbone (acier au titane, émaux opacifiés au blanc de titane). L’émaillage de l’aluminium s’est aussi récemment développé ; le bas point de fusion de ce métal a conduit à mettre au point des émaux très tendres, soit au plomb-lithium, soit à base de verres phosphoriques (aluminophosphates) à faible teneur en silice.

I. P.

➙ Céramique / Faïence / Porcelaine / Poterie.

 J. Grunwald, Technologie et chimie des matières premières de l’émail (Dunod, 1926). / M. Thiers, l’Émaillage industriel de l’acier et de la fonte (Dunod, 1929). / A. Petzold, Email (Berlin, 1955). / A. I. Andrews, Porcelain Enamels (Champaign, Illinois, 1961). / W. Eitel, Silicate Science, t. II : Glasses, Enamels, Slags (New York, 1965).


L’émaillerie d’art

C’est l’Égypte qui, la première, semble avoir tiré parti de l’émail, combinat de silice et d’un fondant potassique ou sodique qui se colore par addition d’oxydes métalliques. Elle en faisait des blocs sertis d’or à usage de pectoraux : le musée du Caire conserve d’admirables spécimens de ces bijoux, et le Louvre possède le pectoral de Ramsès II, formé d’une aigle éployée. L’Asie connut les techniques de l’émail, transmises à la Grèce, puis à Rome, qui utilisèrent ce matériau dans leurs mosaïques. Les fouilles archéologiques ont exhumé dans l’Europe centrale quelques émaux champlevés, d’origine apparemment iranienne, antérieurs au iiie s.

Byzance porta l’émaillerie à l’un de ses sommets en inventant la technique du cloisonné, consistant à souder sur une plaque d’or (le plus souvent) de minces lamelles du même métal, dessinant les détails des figures désirées et formant des alvéoles que l’artisan remplissait avec les poudres fusibles. La coloration des émaux translucides s’exaltait par la richesse du subjectile de métal précieux. Comme les artisans byzantins, les praticiens des monastères d’Occident surent conjurer, dès l’époque mérovingienne, les principales difficultés techniques, qui tiennent, d’une part, à ce que le point de fusion des émaux avoisine la température à laquelle une plaque d’or se déforme et, d’autre part, à ce que la matière vitreuse se contracte en se refroidissant. Byzance demeurait cependant le principal atelier, auquel on doit les médaillons de la célèbre Pala d’oro (fin du xe s.) de Saint-Marc de Venise.

Le changement de régime social qui s’accomplit au xiie s. en Occident aura une répercussion directe sur l’art de l’orfèvre. Popularisée, la « commande » dépasse alors les possibilités monastiques, et des confréries laïques de praticiens se forment à l’ombre des couvents. Elles substituent aux plaques de métal précieux et au lent travail de soudure des lamelles rapportées d’épaisses plaques de cuivre que l’on évide en réservant certains secteurs ainsi qu’un cloisonnage qui dessine les motifs du décor : c’est le travail dit en taille d’épargne, ou champlevé, dont les ateliers de la région de Limoges* se firent une spécialité. La beauté du subjectile diminuant, l’émail translucide est abandonné au profit d’un émail opacifié par quelque élément minéral. Le Louvre possède un des premiers ouvrages de cette catégorie, une petite plaque ellipsoïdale figurant une sainte martyre ; contemporains de cette œuvre topique sont les huit médaillons d’un coffre de l’abbatiale de Conques, représentant des animaux fantastiques (entre 1107 et 1119). Désormais, l’émaillerie champlevée fournit des appliques, des mors de chape, des plaquettes d’oratoire et d’innombrables reliquaires de toutes formes.

Libéré de l’hiératisme byzantin, l’art décoratif consulte la nature. Le dessin des drapés assouplit le formalisme calligraphique roman pour s’attacher à rendre le volume et le mouvement des corps. Les figures tournent au portrait : tels le Christ en croix du Louvre dans son « alentour » de feuillages et le célèbre Geoffroy Plantagenêt* du musée du Mans. Maîtres de leur technique, les émailleurs, vers le milieu du xiiie s., façonnent des pièces de forme associant aux fonds d’émail des parties en relief : telles les têtes d’anges d’un ciboire du Louvre, pièce exceptionnelle signée de G. Alpais, ou les figures de la châsse-reliquaire de sainte Fausta, au musée de Cluny, à Paris, qui se détachent sur un fond de rinceaux et de fleurons.