Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

émail (suite)

Émaillage d’art

Les métaux utilisés comme support sont des métaux précieux, essentiellement l’or et l’argent, plus rarement le platine, ou des métaux usuels, tels le cuivre ou le nickel, pour des usages plus vulgaires.

Le métal, mis en forme suivant l’objet à réaliser (coupe, écusson), est creusé pour ménager des cavités destinées à recevoir l’émail. La juxtaposition de ces creux constituera le dessin coloré, dont les contours sont formés par les parties ménagées du métal : c’est le procédé au champlevé, ou encore en taille d’épargne. Celui-ci entraîne une perte de métal ; aussi l’emploie-t-on surtout pour le cuivre. Afin de ménager les métaux précieux et d’obtenir des contours plus fins pour les détails du dessin, on utilise des rubans métalliques épousant ces contours et, au besoin, soudés les uns aux autres ou sur un support du même métal. Les compartiments ainsi obtenus sont ensuite remplis d’émail (émaux cloisonnés). Si le support est absent (alvéoles sans fond) et l’émail translucide ou transparent, on obtient des émaux à jour. Un procédé qui s’apparente aux émaux cloisonnés consiste à repousser les motifs du dessin à partir d’une feuille métallique mince, à remplir d’émail, sur chaque face, les creux qui en résultent et, après cuisson, à user chaque face métallique pour ne conserver que les émaux, qui apparaissent alors cloisonnés par le métal conservé (émaux en résille). Enfin, les couleurs des émaux peuvent être superposées au lieu d’être juxtaposées : suivant les épaisseurs relatives et au besoin par enlevage, on fait apparaître les motifs colorés désirés.

Tant que les émaux n’occupaient que les faibles surfaces des compartiments d’un dessin, il n’y avait guère de problèmes d’adhérence ou de différences de dilatation. Il n’en alla plus de même lorsque l’émaillage de tôles ou de grosses pièces de fonte se généralisa au cours du dernier et du présent siècle.


Émaillage industriel

Les tôles ont un coefficient de dilatation cubique de valeur moyenne de 40 × 10–6, et les fontes de 38 × 10–6. Il n’est pas indispensable que l’émail de revêtement ait exactement le même coefficient de dilatation : l’élasticité de l’émail et du support peut accepter des différences ; mais il est préférable que l’émail, qui a le caractère fragile des corps vitreux, soit plutôt mis en compression lorsque, après cuisson, la pièce est revenue à la température ambiante. Les émaux sont donc en général moins dilatables que le support, d’environ 20 p. 100. Dans le cas de la tôle, l’émail utilisé pour une couche de fond, ou masse, aura par exemple un coefficient de dilatation cubique de 27 × 10–6 et sera recouvert d’une couche de finition, ou couverte, dont le coefficient de dilatation est de 35 × 10–6.

Les qualités que l’on demande à un émaillage industriel sont :
— une bonne adhérence, pour éviter le décollement ou l’écaillage, qualité qui doit persister au cours de changements brusques de température ;
— une bonne résistance aux chocs et aux déformations, ce qui exige une certaine élasticité ;
— une bonne résistance à la corrosion par les agents atmosphériques ou chimiques.

L’adhérence sur la tôle est obtenue par la présence, dans le mélange vitrifiable, d’oxydes des métaux du groupe du fer, et principalement de l’oxyde de cobalt. Les pièces importantes pour l’industrie chimique (cuves, agitateurs) conservent la couleur bleue due à la présence de l’oxyde de cobalt. Dans le cas des fontes, la solution du problème de l’adhérence est facilitée par le fait que la couche d’ancrage n’est pas, à proprement parler, fondue, mais frittée. Au cours d’un refroidissement rapide, qui commence nécessairement par l’extérieur, la couverte se contracte avant la masse et le support : elle peut se mettre en extension et trésailler, c’est-à-dire se fendiller, au moins temporairement ; mais la résistance aux agents chimiques s’en trouve affectée : c’est le cas des casseroles ordinaires brutalement refroidies en présence de vinaigre, de jus de citron et, plus généralement, des acides.

L’élasticité ne peut jouer que dans des limites étroites. L’anhydride borique, le carbonate de magnésie et les composés à base de plomb sont réputés l’augmenter.

La résistance aux agents chimiques est largement conditionnée par la teneur en silice. La verrerie de laboratoire en silice pure résiste remarquablement aux manipulations chimiques, sauf à celles où intervient l’acide fluorhydrique, avec lequel elle forme des fluosilicates. La présence de fondants dans les émaux, nécessaires pour obtenir la fusion et le nappage des composants avant la déformation ou la fusion du support, abaisse considérablement cette inertie chimique, particulièrement par suite de la présence d’anhydride borique, d’oxyde de plomb ou d’alcalins, qui sont pourtant nécessaires pour donner du brillant à l’émail. Un compromis est donc indispensable, et on l’obtient par un dosage des divers constituants des émaux.


Composition des émaux

Les émaux, comme les verres, exigent la présence d’un formateur de réseau à caractère acide, tels le silicium, le bore et, à un degré moindre, l’aluminium ; et des modificateurs à caractère basique : alcalins, alcalino-terreux, qui jouent le rôle de fondants. La silice, en effet, ne fond qu’à très haute température (> 1 700 °C) ; et si les composés boriques fondent à des températures beaucoup plus basses (l’acide borique à 630 °C, le borax anhydre à 740 °C environ), la solubilité des borates ne permet pas d’employer le bore comme seul formateur. Aussi, les constituants les plus importants des émaux sont-ils : la silice SiO2, sous forme de quartz, de silex, de sable ; un alumino-silicate alcalin, généralement le feldspath potassique 6SiO2, K2O, Al2O3 ; l’argile, sous forme de kaolin 2SiO2, Al2O3, 2H2O, qui, par son pouvoir suspensif et liant, facilite la mise en place de la suspension ou de la pâte sur les pièces à revêtir. Viennent ensuite l’anhydride borique, ou, plus fréquemment, le borax, et divers ajouts, apportant des alcalino-terreux (magnésie, chaux, baryte) sous forme de carbonates. Les émaux au plomb exigent des conditions draconiennes de sécurité pour éviter le saturnisme. La proportion des divers constituants varie dans des rapports considérables suivant la nature du métal à émailler et le compromis accepté. Une formule type comportera par exemple SiO2 (50 p. 100), B2O3 (15 p. 100), Al2O3 (11 p. 100), CaO (9 p. 100), K2O (8 p. 100), Na2O (7 p. 100) ; mais on trouvera des compositions dans lesquelles la silice seule peut varier de 25 à 65 p. 100. Sur ce fond de composition viennent se greffer des opacifiants et des colorants. Les opacifiants sont soit des corps qui ne subissent au cours de la fonte qu’une dissolution partielle, soit des corps qui cristallisent au cours du refroidissement. Dans les deux cas, l’opacité est due à des particules submicroscopiques, non vitrifiées ou dévitrifiées respectivement.