Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Elýtis (Odhysséas)

Poète grec (Hêraklion, Crète, 1911).



Introduction

L’œuvre d’Elýtis comporte des recueils (Orientations, 1940 ; Soleil, le premier, 1943 ; Chant héroïque et funèbre pour le sous-lieutenant tombé en Albanie, 1946 ; Axíon Estí [Loué soit], 1959 ; Six et un, remords pour le ciel, 1960) ; plusieurs essais sur des problèmes d’art et de poésie ainsi que des traductions en grec (Ondine de Giraudoux, le Cercle de craie caucasien de Brecht, œuvres de Rimbaud, Éluard, García Lorca, Ungaretti).

La présence d’Elýtis dans le domaine de l’expression poétique révolutionne la poésie néo-hellénique. En effet, pour la première fois depuis Dionysios Solomos (1798-1857), Elytis essaie de détruire la fausse division entre forme et contenu, de refondre les deux en leur totalité. De ce point de vue, l’œuvre d’Elýtis est révolutionnaire, dans le sens que G. Lukács a imprimé à ce terme. D’autre part, Elýtis, étant un poète consciemment grec, ne peut se passer de l’aptitude plastique, caractéristique fondamentale de l’art grec de toutes les époques ; aussi se retourne-t-il vers la tradition vivante, non pour en imiter les formes, mais pour créer une expression architecturale, qui, d’une part, contrebalance les éléments expressifs hérités du surréalisme et qui, de l’autre, affermit l’essence révolutionnaire de sa poésie à la manière de la poésie classique. Sans hésitations linguistiques — hésitations qui, pourtant, ont tant tourmenté l’expression grecque et empêché par conséquent l’unification de ses fins avec ses moyens — et se servant d’une grande variété de rythmes, la poésie d’Elýtis crée une nouvelle mythologie grecque : physiolâtrique, sensuelle et amoureuse. Cette mythologie nouvelle, tout en étant par son esprit proche de l’ancienne, sans toutefois jamais recourir ni à ses thèmes ni à ses personnages, naît de l’univers personnel du poète, mais s’unit tôt à la réalité grecque pour atteindre ensuite des dimensions universelles. En quoi consiste ce nouveau mythe ? et quelle en est la nature ? Trois grands axes convergents et mobiles forment la charpente sur laquelle s’édifie le pouvoir « mythoplastique » d’Elýtis.


La réalité marine et insulaire de la Grèce

L’origine insulaire du poète et ses attaches psychiques et sociales à cet environnement peuplé de mystères font du « monde infime infini » non seulement le contexte du mythe, mais aussi et surtout le siège des dieux créés par Elýtis : Ciel, Mer, Amour, Vent, Montagne, Fleur, etc., sur lesquels Soleil règne premier. Un monde jamais soupçonné jusqu’alors par la poésie grecque.


Le surréalisme

L’exploration de l’inconscient, la ruine du scientisme, la mise en question du rationalisme occidental, issu de la déformation de l’esprit grec à travers la Renaissance et constitué en « réalité unique et inébranlable », les possibilités d’une nouvelle réalité libératrice, démontrées par l’art, mais aussi par la révolution sociale, tous ces éléments, mis en lumière par les manifestes de Breton, ont eu une influence certaine sur Elýtis ; ils lui ont indiqué le moyen de sortir de son « moi ». Les îles de la mer Égée ne sont plus isolées et immobilisées, « elles voguent sur la mer du monde ». Le poète, identifié au monde qu’il a créé, prend le large. La confiance en l’amour, l’importance du rêve, de la magie, mais aussi de la matière et de ses secrets, les liens avec tous les éléments vivants de la tradition grecque de toutes les époques — tradition avant tout physiocratique et anthropocentrique — l’héliolâtrie, toute cette vie amoureuse suggérée par l’ascendance maritime du poète n’est plus seulement l’expression du « moi », elle est aussi l’expression dynamique du peuple grec et de l’humanité tout entière. La projection, l’identification et la sublimation fonctionnent simultanément et se socialisent dans un champ de réalité de « passion », telle qu’elle s’est manifestée en Grèce durant les dernières décennies. De cette dialectique naît la « résurrection », la révolution. Le nouveau mythe trouve ainsi sa dimension universelle.


La réalité sociale grecque des dernières décennies

La guerre d’Albanie contre le fascisme italien, l’occupation nazie, la résistance unanime et pourtant matée par des « alliés » et collaborateurs de tout bord, les guerres civiles, les aspirations à la liberté d’un peuple tout entier réveillent la conscience historique du poète, qui a personnellement participé à ces événements. Ils constituent l’aspect tangible du mythe ; ils sont ses motifs préférés ; ils déterminent la passion et précipitent la résurrection de l’amour, de la lumière, du mois de mai de tout ce « monde infime infini », en englobant le tout dans un embrassement de type archaïque : la « révolution permanente de plantes et de fleurs » ; le soleil devient le symbole physique de la justice et de la liberté recréées.

Le support unitaire de ces trois tendances maîtresses de l’œuvre d’Elýtis semble être un besoin de révolte « biologique », totale et permanente, qui régit toute manifestation du poète ; or, ce même besoin se révèle être une caractéristique du peuple grec, mais aussi de tous les peuples.

Elýtis montre que nous sommes les porteurs de l’amour et de la révolution. Le nouveau mythe est un mythe dionysiaque et, en cela, libérateur ; et un mythe réel, car il incarne nos propres désirs.

C. P.

émail

Substance vitreuse appliquée par fusion en couche mince sur un support céramique ou métallique.


Ce revêtement modifie les propriétés superficielles d’un objet, soit dans un but artistique, soit dans un but utilitaire. Les glaçures céramiques ont ce double but, car elles décorent (vases, plats), mais aussi diminuent la porosité des supports (faïences) ou accroissent leur résistance superficielle. L’émaillage des métaux a des buts plus tranchés. Il fut, jusqu’au xixe s., essentiellement artistique. L’émaillage industriel des tôles ou des pièces de fonte, qui a pris naissance aux environs de 1850, vise avant tout la protection contre la corrosion atmosphérique ou l’attaque d’agents chimiques, l’esthétique pouvant bénéficier du traitement (cuisinières, casseroles émaillées).