Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

élisabéthain (théâtre) (suite)

Les puritains, en mettant « sous scellés » l’art dramatique anglais, pour reprendre un jugement d’Arthur Miller, ont sauvé le théâtre élisabéthain d’une décadence inévitable. Il a longtemps été dissimulé par l’immense stature de Shakespeare, au miroir de qui chaque génération cherche l’image de ses problèmes et de ses mythes, et notre siècle le retrouve dans l’intégrité de son exubérance prête à éclater de nouveau après trois siècles d’un sommeil plus ou moins profond selon les époques. En France, sa sortie de l’oubli ne remonte guère à plus d’une centaine d’années. C’est aux environs de 1865 que, grâce surtout à Taine et Mézières, il fait une entrée remarquée sur nos scènes et dans nos bibliothèques. On peut dire que, depuis, l’apport élisabéthain dans notre théâtre est assez considérable. Cependant, plutôt qu’influence directe, il serait plus exact de parler d’affinités intellectuelles, de communautés de goûts entre les auteurs et le public des deux époques. Par contre, en Angleterre, certains critiques parlent d’un « second théâtre élisabéthain » quand ils soulignent, avec T. S. Eliot, chez W. H. Auden, C. Fry, P. Shaffer, J. Osborne, R. Bolt ou J. Whiting (et Eliot lui-même), un renouveau, une libération et surtout cette tentative pour redécouvrir le secret, disparu avec les grands auteurs du xvie s. et du xviiie s., du mariage du théâtre et de la poésie.

D. S.-F.

➙ Comédie / Comédien / Grande-Bretagne / Shakespeare / Théâtre.

 C. J. Sisson, le Goût du public et le théâtre élisabéthain jusqu’à la mort de Shakespeare (Impr. Darantière, Dijon, 1922). / G. B. Harrison, The Story of Elizabethan Drama (Cambridge, 1924). / H. N. Hillebrand, The Child Actors, a Chapter in Elizabethan Stage History (Urbana, Illinois, 1926 ; 2 vol.). / Le Théâtre élisabéthain (J. Corti, 1933). / M. C. Bradbrook, Themes and Conventions of Elizabethan Tragedy (Cambridge, 1935). / B. L. Joseph, Elizabethan Acting (Londres, 1951). / R. Sanvic, le Théâtre élisabéthain (Office de publicité, Bruxelles, 1955). / A. J. Axelrad et M. Willems, Shakespeare et le théâtre élisabéthain (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1964 ; 2e éd., 1968). / I. Ribner, The English History Play in the Age of Shakespeare (New York, 1965). / L. R. N. Ashley, Autorship and Evidence (Droz, Genève, 1968). / D. Galloway (sous la dir. de), The Elizabethan Theatre (Londres, 1969).

élites

Groupe des individus qui, dans un secteur quelconque des activités humaines, parviennent aux meilleurs résultats.


Il y a, ainsi, une élite économique, religieuse, politique, criminelle, etc. La notion d’élites a été introduite pour la première fois dans les sciences sociales par Vilfredo Pareto (1848-1923). Celui-ci opère, du reste, une distinction importante entre élite dirigeante et élite non dirigeante, la première désignant l’ensemble de ceux qui participent, directement ou indirectement, à la prise des décisions qui engagent la collectivité. Gaetano Mosca (1858-1941) raffine encore sur ces distinctions, en parlant d’élite dominante. Il entend par là l’élite qui, dans une société donnée, tend à faire prévaloir son point de vue contre celui des autres élites ; ainsi, dans une société militaire comme la Prusse classique, les junkers constituent l’élite dominante, tandis que, dans les États-Unis de la fin du xixe s., ce sont les entrepreneurs capitalistes qui jouent ce rôle.

Ainsi défini, le concept d’élites se révèle largement opératoire dès qu’il s’agit d’analyser une structure sociale en tant qu’ensemble hiérarchisé. Il s’ensuit qu’une vision construite à partir de lui tend à privilégier les inégalités, plus particulièrement les inégalités politiques liées à la répartition du pouvoir, et à les considérer comme consubstantielles à toute société connue et concevable. Cela soulève un certain nombre de problèmes, qui portent aussi bien sur les rapports entre élites et classes* sociales que sur l’unité ou la pluralité des élites et sur leur circulation.


Élites et classes sociales

Le concept de classe introduit dans l’ensemble social un principe fort différent de partition. Le critère de hiérarchisation n’est ni l’aptitude à mieux faire ni la participation au pouvoir, mais la place occupée dans le système de production et l’appropriation des richesses. L’interprétation de la société développée à partir de là tend ou bien à négliger entièrement la politique, comme un épiphénomène sans conséquence de l’économique, ou bien à considérer le pouvoir politique comme entièrement déterminé par la position économique. On comprend que, poussée à la limite, la théorie des classes s’oppose entièrement à la théorie des élites, la première ramenant tout à des conflits à fondement économique, la seconde insistant sur la pérennité des hiérarchies à contenu politique. On voit sans peine l’usage idéologique qui peut en être fait.

Si l’on consent à s’en tenir au terrain scientifique et à ne considérer que les qualités opératoires des concepts, on admettra que classes et élites ne s’excluent pas, mais constituent deux points de vue différents et complémentaires. Le concept d’élite fournit une grille grâce à laquelle on peut ordonner les rapports de forces et construire leur hiérarchie ; celui de classe permet de produire les groupes concrets qui viennent s’inscrire dans la grille. Pour passer d’une stratification à l’autre, il semble que le concept d’élite dominante soit particulièrement utile, car il permet de déterminer, dans une société donnée, la classe qui occupe une position stratégique décisive dans les sommets de la hiérarchie sociale.


Unité de l’élite et pluralité des élites

Y a-t-il une ou des élites ? Des controverses passionnées continuent d’être développées sur ce thème. Les implications politiques et idéologiques en sont évidentes. Pour les uns, il s’agit de montrer que les sociétés occidentales sont dirigées par des élites multiples, dont la diversité paralyse le pouvoir et assure les libertés. Pour les autres, le pluralisme n’est qu’une illusion ou un masque destiné à cacher l’oppression exercée par quelques-uns. Wright C. Mills (1919-1962) estime que les États-Unis sont coiffés par trois élites : les chefs d’entreprise, les gouvernants et les chefs militaires ; ces trois élites tendent à s’unir en une « élite du pouvoir » ; comme, par ailleurs, le reste de la population tend à s’atomiser par dissolution de toute association indépendante, cette élite du pouvoir tend à exercer un pouvoir sans limites, de type dictatorial.