Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

élevage (suite)

Les méthodes d’amélioration relatives aux deux premiers niveaux tiennent compte tout particulièrement des caractéristiques biologiques des espèces concernées, qu’il s’agisse des caractéristiques d’adaptation, de reproduction ou de digestion. Ainsi, les particularités de la régulation thermique des diverses espèces de bovidés font que l’on recourt de préférence au bovin dans les zones tempérées, au zèbre dans les zones chaudes et arides et au buffle dans les zones chaudes et humides. De même, les caractéristiques de reproduction sont déterminantes pour le choix d’un programme d’amélioration génétique : l’intervalle de génération est fonction de l’âge d’entrée en reproduction ; l’intensité de sélection dépend de la prolificité de l’espèce et des techniques de reproduction (possibilité en particulier d’utiliser l’insémination artificielle).

Pareillement, les caractéristiques digestives des animaux conditionnent les techniques d’exploitation et d’amélioration qui leur sont appliquées. Les pâturages extensifs, largement représentés sur notre planète, ne peuvent être exploités que par des ruminants ayant des besoins limités : bovins à viande, ovins et caprins extensifs. Par contre, les pâturages intensifs rencontrés en zones tempérée ou irriguée conviennent parfaitement aux ruminants laitiers (vache et chèvre) qui ont des besoins énergétiques et azotés plus élevés. À l’opposé, les porcs et les volailles, incapables d’utiliser les aliments cellulosiques, ont besoin d’aliments concentrés, composés essentiellement de céréales. Les élevages de ces deux espèces peuvent donc être installés en des endroits très variables, du fait de la facilité du transport des céréales, alors que les grands troupeaux de ruminants seront essentiellement localisés dans les zones de production fourragère. Toutefois, l’intensification des productions à laquelle nous assistons actuellement entraîne une utilisation croissante des céréales, aliment énergétique, par les ruminants, qu’il s’agisse des animaux producteurs de lait (vaches produisant plus de 4 000 kg par lactation, chèvres donnant plus de 700 kg par lactation) ou des animaux producteurs de viande (bovins ayant des croissances quotidiennes supérieures à 1 000 g).

Cependant, l’efficacité d’un élevage est aussi fonction de la qualité de son insertion dans l’environnement économique. Dans tous les pays du monde, on assiste actuellement à une augmentation progressive de la taille des élevages, qui permet de bénéficier des économies d’échelle au niveau de l’approvisionnement en matières premières, de l’utilisation de la main-d’œuvre et des équipements ainsi que de l’écoulement des produits. Ainsi, on note que les plus grands troupeaux rencontrés à travers le monde atteignent les effectifs suivants :
vaches laitières, 1 000 à 3 000 ;
vaches à viande, 2 000 à 10 000 ;
bovins à l’engraissement, 50 000 à 100 000 ;
porcs, 100 000 unités produites par an ;
poulets de chair, 1 à 3 millions d’unités par an ;
poules pondeuses, 1 000 000.

Certes, il est évident que la taille moyenne des élevages est considérablement plus réduite (en France : 11 vaches laitières, 13 vaches à viande, 6 truies...) et que l’optimum économique ne se situe pas inéluctablement au niveau des plus fortes valeurs, compte tenu des conditions économiques particulières de chaque région. Ainsi, en France, il semble bien qu’il y ait actuellement un optimum, pour les troupeaux de vaches laitières, autour de 60 vaches (investissements plus réduits, meilleure productivité des animaux, qui reçoivent encore des soins individualisés...).

Cependant, s’il est possible d’accroître l’efficacité de l’élevage par un accroissement de la taille des troupeaux, des progrès tout aussi importants peuvent être obtenus par une meilleure organisation des unités de production. Cette organisation concerne en premier lieu l’atelier lui-même, et tout producteur doit, avant de s’engager dans une opération de production animale, s’être posé et avoir résolu les diverses questions suivantes :
— quel est le calendrier de production fourragère le mieux adapté aux conditions agronomiques locales (climat, sol, répartition harmonieuse des temps de travaux et de la production au cours de l’année...) ?
— comment récolter ces fourrages (pâturage, foin, ensilage, deshydratation) et quel matériel choisir en conséquence ?
— quel est le mode le meilleur de distribution de ces aliments, en vue de limiter le gaspillage et le travail manuel, depuis la récolte par l’animal lui-même (pâturage ou accès en libre service aux lieux de stockage) jusqu’aux systèmes de distribution automatique (tapis, convoyeurs...) en passant par les divers types de matériel roulant (brouette, wagonnet, remorque autodéchargeuse) ?
— quel est le type de bâtiment le plus adapté aux conditions climatiques locales et aux exigences des animaux : bâtiment ouvert, bâtiment fermé — conditionné ou non —, stabulation entravée ou stabulation libre ?
— comment évacuer les déjections : fumier solide ou lisier liquide ? Ce dernier point prend une importance croissante au fur et à mesure que se concentrent les élevages, car il n’y a pas alors suffisamment de terres pour pouvoir épandre en toutes saisons les déjections. Par ailleurs, l’épandage de ces déjections peut entraîner des nuisances importantes pour les riverains (odeurs...), si bien qu’il peut être nécessaire de recourir à des moyens de destruction (station d’épuration) ou de transformation (deshydratation). On peut d’ailleurs penser que ce problème de l’évacuation des déjections prendra une importance croissante du fait de l’extension des zones urbanisées et de l’interpénétration de plus en plus grande de la ville et de la campagne (implantation de nombreuses résidences secondaires en milieu rural).

Mais l’organisation d’un atelier de production suppose aussi, pour être complète, l’établissement de liaisons avec les organismes administratifs, techniques et commerciaux, d’amont et d’aval. En effet, il devient de plus en plus difficile de concevoir un élevage isolé, hormis quelques situations privilégiées (cas d’un élevage à proximité immédiate d’une agglomération où il écoule au détail l’essentiel de ses produits) ; les élevages doivent donc s’associer en groupements, et ces groupements avoir une taille suffisante pour négocier d’égal à égal avec les industries auprès desquelles ils s’approvisionnent (aliment du bétail) et avec les firmes qui écoulent leurs productions (industries de transformation, centrales d’achat...).