Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

élevage (suite)

Certes, cette évolution est surtout caractéristique des pays développés, où elle tend à se généraliser. Cependant, elle commence aussi à intervenir dans les pays en voie de développement, et on peut même dire qu’elle constitue, pour ces pays, un préalable à peu près indispensable : en effet, le développement des productions animales est d’autant plus rapide que les ateliers de production peuvent disposer d’un solide encadrement technique, commercial et financier. Accroître la taille des troupeaux, augmenter les rendements individuels des animaux, donner à la main-d’œuvre des conditions correctes de travail, tout cela exige en effet de lourds investissements, que les éleveurs ne sont en général pas en mesure de réaliser seuls. Cela explique d’ailleurs l’essor des diverses formes d’intégration que l’on rencontre aujourd’hui dans les pays développés.

L’élevage a un défi fantastique à relever : sera-t-il capable d’assurer l’approvisionnement de la population humaine croissante en protéines d’origine animale ? L’examen que l’on peut faire de la situation actuelle ainsi que les projections sur les dix prochaines années indiquent que cela ne sera possible qu’au prix d’un énorme effort d’intensification dans toutes les zones de production. Cette intensification revêtira des aspects variables selon les régions : intensification stricte en vue d’augmenter les niveaux de production individuels dans tous les pays où l’élevage n’est actuellement pas très évolué, industrialisation de l’élevage partout ailleurs, cette industrialisation bien comprise étant nécessaire au maintien des productions animales plus exigeantes et plus astreignantes que les productions végétales. Il y aura toutefois lieu de veiller très particulièrement à ce que cette « industrialisation » ne s’accompagne pas d’une chute de qualité des produits mis sur le marché, comme cela s’est produit au cours de la dernière décennie.

J. B.

➙ Alimentation / Alimentation rationnelle du bétail / Apiculture / Aviculture / Bovins / Canard / Caprins / Cuir / Dindon / Domestication / Équidés / Laine / Lait / Lapin / Ovins / Pigeon / Porcins / Poule / Sélection animale / Viande.

Eliot (George)

Romancière anglaise (Arbury Farm, près de Nuneaton, 1819 - Londres 1880).


L’enfance et la jeunesse de Mary Ann Evans, alias George Eliot, se passent dans la riche campagne du Warwickshire, toile de fond de la plupart de ses romans. Mary connaît au sein de sa famille l’atmosphère traditionnelle victorienne, fondée sur le respect de l’ordre établi, de la religion dans laquelle ont grandi les grandes « ladies novelists » de l’époque. Comme elles aussi, elle va s’intéresser aux problèmes attachés à la condition de la femme et à sa liberté. Mais, avec elle, les revendications timides de ses consœurs se transforment bientôt en décisions audacieuses. À partir de 1854, Eliot vit en union libre avec George Henry Lewes, et seule la mort de celui qui contribua à faire connaître le positivisme d’A. Comte en Angleterre mit un terme à cette liaison en 1878. On s’aperçoit ainsi du chemin parcouru par la jeune fille pratiquant avec ardeur le calvinisme méthodiste, qui fréquentait les cercles dévots provinciaux (Scenes of Clerical Life [Scènes de la vie cléricale], 1857) et pour qui le roman constituait dans son ensemble un genre néfaste (Lettre à miss Lewis, 1839). Engagée en 1851 par le rationaliste John Chapman à The Westminster Review, George Eliot s’est trouvée au contact de théories séduisantes professées par des hommes brillants. Du panthéisme romantique de Wordsworth, dont son poétique Silas Marner (1861) porte la trace, jusqu’à l’évolutionnisme d’Herbert Spencer, avec qui elle se liera d’amitié et qui marque de son empreinte philosophique aussi bien Adam Bede (1859) que The Mill on the Floss (le Moulin sur la Floss, 1860), en passant par l’agnosticisme de Huxley et le rationalisme de J. S. Mill, elle n’ignore rien des mouvements d’idées nouvelles qui agitent les cénacles et vont déterminer l’orientation de son existence et de son œuvre. En effet, si, parmi les romancières victoriennes, Jane Austen représente le classicisme et la tradition, Charlotte Brontë le romantisme et Emily Brontë le lyrisme, George Eliot reflète le courant scientiste de son temps. Sa manière, c’est l’observation minutieuse, quasi scientifique des faits, dont miss Compton*-Burnett fera son instrument principal. George Eliot attribue à ses romans des fins bien définies de démonstration et d’éducation, ce qui nuit à la pérennité de certaines de ses œuvres aux intentions trop appuyées, comme Felix Holt the Radical (1866) ou Daniel Deronda (1876). C’est pour vouloir trop expliquer et trop instruire qu’elle brise sans arrêt l’intérêt romanesque du Moulin sur la Floss par d’interminables digressions. Son manque de spontanéité créatrice la fait échouer en poésie (The Spanish Gipsy [la Gitane espagnole], 1868), et, par excès d’érudition, Romola (1862-63), évocation de la Renaissance italienne, passe à côté de la vérité historique de ses personnages. En revanche, le souci de cette vérité, son objectif premier (Adam Bede, 1859), confère une réalité intense à ses études de caractères des milieux modestes, paysans, ouvriers, petite bourgeoisie provinciale, de tous ceux « qui vécurent fidèlement une vie cachée ». C’est sa recherche aussi qui lui permet, à travers des personnages comme Hetty, Rosamond, Dorothea ou Gwendolen, de battre en brèche l’idéal féminin de l’époque, de repousser la classification traditionnelle en « bons » et en « mauvais » du roman victorien, qui veut savoir « [...] du premier coup qui condamner et qui approuver, dans une tranquille conviction ». Eloignée du naturalisme, auquel on a voulu parfois l’apparenter, George Eliot se tient aussi loin des conceptions esthétiques d’un Byron que de la peinture idyllique du monde paysan de G. Sand. Sans verser dans un optimisme béat, elle demeure, selon ses propres termes, une « mélioriste » qui croit au progrès.

Son discret humour, l’observation minutieuse sociale et psychologique, dont le couronnement est Middle-march (1871-72), des pages inoubliables sur l’enfance et les travers de son temps placent George Eliot aux côtés de Dickens dans un patrimoine qui n’appartient qu’à l’Angleterre.

D. S.-F.

 M. L. Cazamian, le Roman et les idées en Angleterre (Istra, 1923). / G. W. Bullett, George Eliot, her Life and Books (Londres, 1947). / W. Allen, George Eliot (Londres, 1965). / G. S. Haight, George Eliot, a Biography (Oxford, 1968).