Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

électronique (suite)

Évolution de l’électronique militaire

Liées en 1950 aux dispositifs utilisant des tubes à vide ou à gaz, les applications militaires de l’électronique ont été bouleversées par l’apparition des semi-conducteurs. Ceux-ci ont permis une évolution remarquable vers la miniaturisation et la fiabilité, qui intéressa au premier chef les matériels militaires. L’étude poussée des longueurs d’onde de plus en plus courtes (microélectronique) a conduit à la conception puis à la réalisation du maser (1954), suivies de près par celles du maser optique, ou laser* (1960), susceptible de plusieurs applications importantes d’ordre militaire, où, comme dans le domaine de l’infrarouge, la France occupe une place de tout premier rang.

On conçoit qu’un développement aussi rapide se soit traduit sur le plan industriel. En 1970, la France occupait, derrière les États-Unis, le Japon et l’Allemagne, la quatrième place dans l’industrie électronique avec, depuis 1958, un taux d’accroissement annuel supérieur à 10 p. 100.

À ce développement, les armées ont contribué de façon décisive, puisqu’elles assuraient, en 1970, 50 p. 100 des dépenses de recherches et de prototypes et représentaient en France 20 p. 100 du chiffre d’affaires global de l’industrie électronique. Les besoins militaires dans le domaine de l’électronique se font en effet de plus en plus nombreux et de plus en plus pressants. Des progrès sont attendus, notamment dans la technique du recueil des informations, de leur répartition et de leur comparaison entre elles, ainsi que dans les applications de la recherche opérationnelle* à l’élaboration des décisions d’ordre militaire.

A. D.

➙ Arme / Armement / Laser et maser / Missile / Radar / Télécommunications / Tir.

L’infrarouge et la vision nocturne

Étant donné l’intérêt attaché, surtout depuis la Seconde Guerre mondiale, aux problèmes posés par le combat de nuit, on a cherché à utiliser en ce domaine les possibilités de l’infrarouge. Il fallut toutefois attendre le développement prodigieux des applications de l’électronique, après 1950, pour rendre possible la vision nocturne, qui transformera complètement les données du combat dans l’obscurité.

• On peut distinguer d’abord les dispositifs actifs, qui nécessitent l’emploi d’un projecteur optique à filtre pour illuminer l’objectif ou le terrain, et les moyens passifs, qui utilisent soit la lumière diffuse du ciel (l’éclairement n’est que de 10–4 lux par temps couvert et sans lune) dans le rouge et l’infrarouge proche, soit le rayonnement thermique en infrarouge lointain produit par des moteurs ou de la matière vivante ; l’atmosphère terrestre absorbe la plupart des radiations infrarouges, mais laisse passer celles qui se situent près du domaine visible (longueur d’onde de l’ordre de 1 μ) et dans deux créneaux (vers 4 et 10 μ) de l’infrarouge moyen et lointain.

• On utilise depuis longtemps des pellicules photographiques appropriées, mais l’œil humain ne peut percevoir directement l’infrarouge. Aussi a-t-on réalisé vers 1950 un transformateur d’images : celui-ci comporte une mosaïque de cellules photo-électriques, que l’on place dans le plan focal d’un objectif ; les courants d’électrons sont amplifiés et rendus visibles sur l’écran fluorescent d’un tube cathodique. On a pu ainsi construire en série des épiscopes infrarouges de conduite de nuit pour véhicules (portée, 80 m), des lunettes de tir infrarouges pour fusil (300 m) et pour canons de char (1 000 m) ainsi que des lunettes d’observation ; mais les phares et surtout les projecteurs, lourds et encombrants, sont détectables à l’aide de métascopes à phosphorescence.

• On peut surveiller un point de passage obligé à l’aide d’un barrage infrarouge, ou transmettre en téléphonie en modulant des ondes porteuses infrarouges à l’aide d’un photophone, que sa portée limitée (1 km) et son caractère directif rendent moins repérable qu’un émetteur radio. Le récepteur comporte une photodiode au silicium et un système électronique de démodulation. On a également réalisé des têtes chercheuses de proximité pour missiles, associées à un petit projecteur infrarouge de bord ou à un illuminateur laser opérant à distance.

• Pour la vision nocturne à l’aide de la lumière du ciel, on a réalisé au cours des années 60 des appareils passifs : épiscopes de conduite de véhicules, lunettes de visée pour armes légères, qui comportent un transformateur d’images et un amplificateur de luminance à un ou plusieurs étages. Associés à un dispositif gyrostabilisé, de tels instruments permettent le tir de nuit d’armes de bord d’hélicoptères, et peuvent rendre possibles leur décollage et leur atterrissage. Un équipement de télévision à tube esicon, associé à une lunette périscopique, offre simultanément à plusieurs membres d’un équipage une vision panoramique.

• L’infrarouge passif, ou thermique, a connu des développements récents. Afin de permettre aux photodiodes de discriminer les signaux extrêmement faibles créés par des radiations calorifiques, il faut abaisser le niveau du bruit électronique, ce qui impose une ambiance cryogénique. Des appareillages permettent de maintenir dans le récepteur infrarouge la température de l’azote liquide pendant plusieurs heures sans recharge. Le cyclope, équipement de reconnaissance infrarouge pour machine volante, analyse ligne par ligne le terrain normalement à la route de l’avion, grâce à un miroir tournant incliné à 45° dont la vitesse de rotation est synchronisée avec celle de l’avion ; l’image video, enregistrée sur bande magnétique, est relue au sol, puis photographiée sur film ou observée sur écran de télévision. Des détecteurs de patrouille et des analyseurs panoramiques permettent d’assurer la surveillance du champ de bataille, la détection de navires en mer ou l’identification d’avions en infrarouge lointain.

R. S.

➙ Radiations.