Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

électronique (suite)

Les applications militaires de l’électronique

C’est au développement donné par son chef, le général Ferrié*, à la radiotélégraphie militaire pendant la Première Guerre mondiale qu’on peut faire remonter les applications militaires de l’électronique. Cinquante ans après, son domaine, initialement limité à la transmission des messages, s’est prodigieusement développé et recouvre dans les trois armées aussi bien ce qui concerne les informations et leur traitement (ou leur brouillage) que la détection, la vision, la télémétrie, la navigation, les recherches, le contrôle et la gestion (des matériels ou des personnels). En France, un effort considérable a été entrepris depuis 1945 pour combler le retard qui marquait l’équipement radio des armées de 1940 et acquérir dans le domaine de l’électronique militaire une place importante dans la compétition mondiale (en 1970, l’électronique représente environ 20 p. 100 du budget français de l’armement).

À l’ère atomique en effet, au moment où toutes les puissances cherchent à doter leurs appareils de défense de matériels au moins égaux à ceux d’éventuels adversaires, l’électronique est devenue l’élément de pointe dont les performances conditionnent le progrès technique. Ce rôle moteur découle du fait qu’elle répond à deux caractéristiques de la guerre moderne :
— puissance et efficacité d’armes de plus en plus coûteuses où priorité a dû être donnée à la qualité sur la quantité ;
— nécessité d’une information de plus en plus rapide sur les actions entreprises par l’adversaire pour avoir le temps de s’en défendre et de riposter.

Par sa nature, l’électronique a permis de condenser sous un faible poids et un faible volume ce que des éléments électromécaniques, au cas où ils obtiendraient des résultats analogues, ne pourraient réaliser que moyennant un encombrement et une charge très supérieurs. Absence d’inertie, absence de délai, telles sont les deux caractéristiques qui expliquent le prodigieux développement de l’électronique pour résoudre les problèmes de technique militaire exigeant une solution immédiate, aussi bien dans la recherche, l’acquisition ou la diffusion des informations que dans le fonctionnement de systèmes d’arme (v. armement) de plus en plus perfectionnés qui permettent de déclencher attaque ou riposte de façon quasi instantanée. Devenue indispensable dans les trois armées, l’électronique intervient au profit des armes portatives, des missiles, des avions, des blindés, de l’artillerie ou des navires de guerre.


Applications militaires des fonctions essentielles de l’électronique

Il est difficile de donner une liste complète des matériels électroniques militaires. Dans les grands ensembles qui ont chacun leur mission propre, on peut cependant les classer en les rattachant aux quatre grandes fonctions de l’électronique, toutes liées à l’information :
— les matériels d’acquisition, qui amplifient ou remplacent la fonction des sens humains (vue, ouïe, toucher), tels que les radars*, les microphones, les sonars, les détecteurs de température, de pression ou de rayonnement, les matériels à infrarouge et les lasers ;
— les matériels de transmission instantanée, qui se rattachent tous à la famille des télécommunications* (ce sont les matériels de télécommande, qui permettent d’assurer l’asservissement et le pointage d’armes diverses, le guidage des aéronefs et leur pilotage automatique, le téléguidage des missiles et leur autoguidage par tête chercheuse sur leur objectif) ;
— les matériels de traitement, destinés à la manipulation et à la transformation de l’information pour la rendre exploitable (ce sont les ordinateurs, modulateurs et calculateurs de toutes sortes. On applique ces derniers aussi bien à l’évaluation comparée, en coût-efficacité, d’études d’armements* concurrents et à la gestion du personnel ou des stocks de matériels [rechange, munitions] qu’au choix des moyens à employer au combat [recherche opérationnelle]) ;
— les matériels de présentation de l’information, traitée ou non, faite sous une forme susceptible d’être utilisée par l’homme (écran radar, imprimante, télévision, etc.).

À titre d’exemple, ces fonctions se retrouvent intégrées dans un système d’arme antiaérien, tel le missile sol-air franco-allemand Roland, destiné à la défense aérienne des unités terrestres et des points sensibles du champ de bataille contre avions volant à très basse, basse ou moyenne altitude. Ce système se compose :
— d’un radar de veille pour la détection et l’acquisition des avions avec un dispositif IFF d’identification permettant la reconnaissance des avions ennemis ;
— d’un calculateur qui, à partir des données fournies par le radar, détermine plusieurs éléments dont l’instant de tir optimal ;
— d’un dispositif de poursuite de la cible (lunette optique ou radar de poursuite) ;
— d’un missile téléguidé en alignement, les ordres étant élaborés par un calculateur et transmis par radio.

L’ensemble de ces matériels est logé à bord d’un seul véhicule blindé, donc mobile sur le champ de bataille. Mais la réalisation pose des problèmes très complexes. Pour ne citer que ceux de la télécommande, constituée par un émetteur au sol et un récepteur sur le missile, le constructeur doit faire face à deux impératifs. Le missile étant détruit lors de l’interception, son récepteur doit être peu coûteux, donc très simple. Mais le missile devant être conduit avec précision sur son objectif, il faut un émetteur de très forte puissance de crête, tandis que la sécurité exigera une protection spéciale contre le brouillage et imposera le codage des ordres de télécommande.

Cette recherche de la sécurité conduisit peu à peu à considérer l’électronique militaire comme une véritable arme menant des actions offensives et défensives (dispositifs antibrouillage). C’est ce qu’il est convenu d’appeler la guerre électronique, ou guerre des ondes, dans laquelle chaque partie s’efforce, en utilisant les mêmes techniques, de fausser ou d’interdire le fonctionnement des armes de son adversaire.