Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Éléates (les) (suite)

Participant aussi de la double substance première, voici l’âme, composée de terre et de feu ; une part de celui-ci correspond à l’intellect et se situe autour du cœur. Pour Parménide, qui part de ce principe que seul le semblable peut connaître le semblable, l’âme perçoit de même : le froid est perçu par le froid, le chaud par la chaleur, qui est source de la vie et de la pensée. Les individus du sexe masculin naissent de la semence issue du côté droit d’un mâle et recueillie par le côté droit d’une femelle ; la semence issue de la partie gauche et recueillie symétriquement engendre une femelle.

Il va sans dire que l’importance de Parménide, sous l’angle du devenir de la philosophie, réside non pas dans ces conceptions physiologiques et physiques, mais dans son ontologie où sont jetés les principes de base de toute la métaphysique hellénique à venir, qui reposera sur cet axiome de l’identité entre logos et être. Parménide a précisé, mieux que Xénophane, l’opposition des deux ordres de la certitude logique et des apparences changeantes.


Zénon d’Élée

Zénon d’Élée (né vers 490 av. J.-C.), dont Aristote dit qu’il a inventé la dialectique, a été le disciple et l’amant de Parménide, un politique tout autant qu’un savant. On lui doit plusieurs ouvrages, dont un traité De la nature et des Contestations ; l’essentiel de son activité philosophique consiste en une défense rhétorique de la doctrine de Parménide — défense qui adopte pour méthode la démonstration par l’absurde. Zénon prend pour points de départ les thèses, opposées à celle de Parménide, de l’existence du changement et du multiple, puis il s’emploie à montrer que leurs conséquences nécessaires sont absurdes. De « l’océan d’arguments » donnés par lui, selon Platon, voici quelques paradoxes célèbres.

Achille ne peut atteindre la tortue si elle a sur lui une avance, si petite qu’elle soit. Car, pour rattraper la tortue, Achille devrait d’abord arriver au point où celle-ci se trouvait quand il a commencé à courir, puis au point où, pendant ce temps, est arrivée la tortue, et ainsi de suite à l’infini. Il est donc impossible que le plus lent soit atteint par le plus rapide, et il est, d’une manière générale, impossible d’atteindre un but quelconque : donc le mouvement est impossible. Le nœud de l’argument est cette thèse : un espace ne peut être parcouru que si toutes ses parties sont parcourues, chose impossible parce que les parties sont en nombre infini.

Si le temps est composé d’éléments indivisibles (instants minimaux), une flèche en train de voler est en réalité immobile : à chaque instant, elle occupe un espace égal à elle-même ; or, en additionnant ces instants d’immobilité, on ne saurait trouver du mouvement.

Semblablement, si l’on imagine deux séries parallèles de quatre points indivisibles qui se déplacent en sens inverse devant une autre rangée de même longueur, immobile celle-là, on observe qu’en un même instant indivisible un même point des deux stries mobiles passe devant un point de la série immobile et devant deux points de l’autre rangée mobile ; l’instant prétendument indivisible est divisé.

L’intérêt présenté par Zénon réside surtout en ce qu’il illustre jusqu’au paroxysme l’arrogante assurance de cette pensée éléatique, qui n’hésite pas à contredire l’expérience afin de faire prendre ses constructions pour la réalité.

J. N.

 J. Burnet, Early Greek Philosophy (Londres, 1892 ; 4e éd., 1930). / H. Diels, Die Fragmente der Vorsokratiker (Berlin, 1903 ; 5e éd. rev. par W. Kranz, 1934-1937 ; 3 vol.). / W. W. Jaeger, The Theology of the Early Greek Philosophers (Oxford, 1947 ; trad. fr. À la naissance de la théologie. Essai sur les présocratiques, Éd. du Cerf, 1966). / J. Beaufret, le Poème de Parménide (P. U. F., 1955). / R. Schaerer, l’Homme antique et la structure du monde intérieur d’Homère à Socrate (Payot, 1958). / J. P. Vernant, les Origines de la pensée grecque (P. U. F., 1962). / M. Détienne, les Maîtres de vérité dans la Grèce archaïque (Maspéro, 1967). / B. Parain (sous la dir. de), Histoire de la philosophie, t. I (Gallimard, 1969).

élection

Choix d’un gouvernant, d’un magistrat, d’un fonctionnaire ou d’un représentant par la voie des suffrages.


Un tel choix peut s’exercer par d’autres voies : la nomination, la cooptation ou le tirage au sort. Tous ces procédés ont été employés dans le passé, et le sont encore parfois aujourd’hui, concurremment avec l’élection.

En France, l’élection est actuellement la règle en matière politique, mais elle est également pratiquée pour la désignation de certains magistrats (juges au tribunal de commerce, prud’hommes), des dirigeants de certains organismes semi-publics (ordres professionnels, chambres d’agriculture, chambres d’industrie et de commerce, chambres des métiers, etc.) ainsi que des représentants du personnel (comités d’entreprise...) ou d’usagers (conseils d’administration des universités...). Dans certains autres pays, elle est utilisée très largement, en particulier aux États-Unis, où certains fonctionnaires locaux et magistrats sont désignés par l’élection.


Le corps électoral


La notion de citoyen et le passage du suffrage restreint au suffrage universel

Le chef d’un clan primitif s’impose généralement par son prestige, qui provient soit de sa force physique, soit de son habileté et de sa ruse. Mais au sein du groupe social naissent des rivalités de prestige qu’il convient d’arbitrer ; parfois l’arbitre est le souverain (monarchie héréditaire) ; parfois c’est le peuple lui-même réuni en assemblée* qui s’exprime par son vote.

L’assemblée restreinte constitue souvent une formule (c’est notamment le cas dans la Grèce antique) : seuls ceux qui portent les armes participent à l’assemblée, dont — outre les femmes — sont exclus d’une part les esclaves et d’autre part les populations colonisées. Cependant, du fait des besoins de la guerre tant en hommes qu’en moyens financiers, le nombre des citoyens tend à s’accroître.