Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Église catholique ou romaine (suite)

Pape ou concile

Inauguré à Constance le 16 novembre 1414 par Jean XXIII, le concile (1414-1418) piétina longtemps, si bien que le pape pisan s’enfuit ; celui-ci fut arrêté et déposé. Le concile continua sans le pape et, suivant les théories de Jean de Gerson, chancelier de l’Université de Paris, décréta que les Pères représentaient l’Église tout entière et que le pape devait au concile obéissance en matière de foi.

Cependant, Grégoire XII démissionnait sans bruit (1415), et le concile déposait Benoît XIII (1417), qui, en Espagne, résista jusqu’à sa mort, en 1423. Avant d’élire un pape unique — qui fut Martin V (1417-1431) —, le concile, par le décret Frequens, établit la permanence des conciles généraux, qui devenaient un moyen de contrôler la papauté. Martin V, s’aidant de la mésentente qui opposait les « nations » du concile, éluda pratiquement le décret. Sans doute, selon l’esprit du décret, le pape convoqua un concile à Pavie, puis à Sienne (1423), mais les Pères ne firent rien dans le sens de la réforme. Le prochain concile général devait se tenir à Bâle, mais, quand il s’ouvrit le 23 juillet 1431, le nombre des Pères était si réduit que le pape Eugène IV (1431-1447), dès le 18 décembre, ordonna sa dissolution. Fait grave : on ne lui obéit pas. Mieux, le concile enjoignit à Eugène IV de venir se justifier. Le pape tergiversa ; une partie de la chrétienté se rangea aux côtés des Pères conciliaires, dont l’assemblée se donna des allures souveraines.


Eugène IV à Florence

Eugène, chassé de Rome, se réfugia à Florence et se résigna à rapporter le décret de dissolution. À Bâle, les projets de réforme ecclésiastique affluèrent, mais la plupart restèrent à l’état embryonnaire. Le pape reprit le contrôle des événements lorsqu’il fut question de savoir où se tiendrait un concile d’union avec les Grecs, qui, menacés de submersion par les Turcs, se tournaient vers Rome. D’autorité, il fit admettre d’abord Ferrare, puis Florence comme lieu de rencontre ; le 18 septembre 1437, il transférait le concile de Bâle à Florence. La majorité des Pères demeurés à Bâle destitua Eugène IV, qui, insoucieux de cette injonction, présida à Florence (1439) à l’union des Latins et des Grecs, ceux-ci admettant le Filioque dans le Credo et reconnaissant la primauté du pontife romain. En réalité, il ne s’agissait que d’une réconciliation de circonstance ; le véritable dialogue œcuménique n’était pas instauré.

Florence fut une victoire de la papauté sur un concile de Bâle qui se donna le ridicule d’élire, sous le nom de Félix V, un père de neuf enfants (1439), qui abdiqua d’ailleurs en 1449, tandis que les derniers Pères de Bâle se dispersaient.


La papauté et les Églises nationales

Le pouvoir papal n’en restait pas moins diminué ; les Églises nationales, sorties fortifiées des humiliations pontificales, opposaient à la suprématie romaine leurs droits propres et leurs coutumes, auxquels les rois et les princes apportaient leur soutien.

En France, un gallicanisme* déjà ancien trouva appui en Charles* VII, qui, en 1438, entérina, sous le nom de pragmatique sanction de Bourges, une ordonnance du clergé français : celle-ci affirmait la supériorité sur le pape des évêques réunis en concile, retirait au Saint-Siège ses droits en matière de collation des bénéfices ecclésiastiques et limitait la pratique des excommunications. Dans certains États, on ne se contenta pas de limiter l’exercice des droits pontificaux : on rejeta purement et simplement l’autorité du pape. L’Église anglaise (anglicane) était déjà en fait, au xive s., une Église royale ; que le roi brisât avec Rome, et toute la nation suivrait ; en profondeur, l’opinion anglaise avait été marquée par la pensée de John Wycliffe* (v. 1320-1384), un maître d’Oxford, dont l’antipapisme alimenta l’action des lollards, ou poor-priesters, qui prêchaient une vie chrétienne fondée sur la seule autorité de l’Écriture.

En Bohême, la haine que les Tchèques éprouvaient à l’égard des Allemands s’étendait à l’Église romaine, considérée comme leur complice. À partir de 1402, le recteur de l’université de Prague Jan Hus* réclama en chaire — malgré deux excommunications successives — le retour à l’Évangile primitif ; alors, la nation tchèque le considéra comme son chef ; elle fit de lui son martyr lorsque, nonobstant un sauf-conduit impérial, il fut condamné au bûcher par les Pères de Constance (1415).


Le renouvellement de la vie religieuse en Occident

Quand s’ouvrit le xve s., en pleine guerre de Cent Ans, la chrétienté, déjà rompue dans ses œuvres vives, était en travail. La mort, familière (la guerre endémique, la peste, la famine), inspirait un art réaliste et dolent, celui des « danses macabres », des « Pietà », des « Passions », des « sépulcres ». La dévotion devenait plus pathétique, mais l’alchimie et la démonologie avaient de nombreux servants. La vie religieuse, constamment menacée par la routine, se renouvelait ; ce fut le temps des « observants » et des « réformateurs », celui de Jeanne* d’Arc, la Pucelle inspirée. L’art gothique se contorsionna, perdit de sa pureté, devint rayonnant, flamboyant.


Vers une réforme

L’idée d’une réformation était depuis longtemps dans l’air ; elle prit corps au xve s. Ses éléments essentiels sont la correction des abus ecclésiastiques, le retour à l’esprit évangélique, à l’Écriture sainte comme substantiel aliment, le renouvellement spirituel de tous les chrétiens. Au sein même de l’Église, les réformateurs se multiplièrent : Bernardin de Sienne (1487?-1564), Jean de Capistran (1386-1456), Vincent Ferrier (1355-1419) et surtout Jérôme Savonarole*, qui fut un moment le maître de Florence (1494-1498).

Le grand mouvement de la Renaissance, en proposant à l’Occident un nouvel art de vivre, une culture universelle nourrie de philologie, une vue à la fois optimiste et critique de l’homme et de la nature, la rupture avec une scolastique cloisonnée, alimenta le grand courant réformateur. L’imprimerie aida à diffuser des idées neuves et hardies. Non pas que l’humanisme rompît nécessairement avec l’Église ; il y eut un humanisme chrétien, dont les représentants les plus prestigieux furent Nicolas de Cusa (1401-1464), Johannes Reuchlin (1455-1522), Thomas* More, Jacques Lefèvre d’Étaples et surtout Érasme*. Invité deux fois à enseigner à l’université d’Alcalá de Henares, fondée en 1498 par le cardinal Cisneros, ce dernier eut le mérite d’y appliquer les méthodes rigoureuses de l’histoire à l’étude de la Révélation. Une telle ambiance explique pourquoi c’est dans cette université que fut mise au point, de 1514 à 1517, la célèbre Bible polyglotte en six volumes, publiée en 1520.