Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Église catholique ou romaine (suite)

Les papes de la Renaissance

Il est dès lors regrettable que les papes qui se succédèrent de 1447 à 1517 n’aient pas pris la tête de l’humanisme chrétien et aient été surtout occupés par leurs intérêts de souverains temporels et de mécènes : Nicolas V (1447-1455), dont le règne vit la prise de Constantinople par les Turcs (1453), Calixte III Borgia (1455-1458), qui fit du népotisme un rouage du gouvernement pontifical, Pie II (1458-1464), l’humaniste Paul II (1464-1471), grand amateur d’objets d’art, Sixte IV (1471-1484), sous le règne de qui la camarilla Della Rovere envahit l’administration romaine, Innocent VIII (1484-1492), qui renforça la fiscalité pontificale, Alexandre* VI Borgia (1492-1503), qui porta sur le trône pontifical les vices d’une famille tarée, Jules II (1503-1513), un pape botté, Léon X Médicis (1513-1521), le plus fastueux des mécènes, furent ce que l’histoire appelle les « papes de la Renaissance », titre qui est plus chargé de fautes que d’honneurs.

Sans doute, de 1512 à 1517 se tint le cinquième concile du Latran — peu œcuménique dans sa composition —, mais les quelques décrets de réforme qu’il porta restèrent à l’état de souhaits. Le 16 mars 1517, le concile se dispersa sans avoir rien fait de solide ; sept mois plus tard, le 31 octobre, Martin Luther* affichait ses quatre-vingt-quinze thèses sous le porche de l’église du château de Wittenberg.


Les deux réformes de l’Église (xvie-xviie s.)

La Réforme* protestante fut avant tout une affaire de doctrine. Une partie de l’Église était acquise à l’idée d’une réforme nécessaire, mais, à Rome, des papes politiques en étaient bien éloignés.

En 1517, Luther, à l’occasion de la querelle des Indulgences, qui prenaient l’allure d’un véritable trafic, se dressa contre des abus qui, à ses yeux, corrompaient le véritable message de salut. L’incompréhension complète qu’il trouva du côté de l’Église romaine l’amena peu à peu à rompre avec elle. La Réforme protestante se poursuivit avec Zwingli*, Thomas Münzer et surtout Calvin*. Les réformés privilégiaient avant tout le salut par la foi en minimisant les œuvres et le recours à l’Écriture seule en rejetant la Tradition. La Réforme protestante fit perdre à l’Église catholique plus du tiers de l’Europe : les pays scandinaves (création d’Églises luthériennes nationales en 1529 et 1537), les cantons suisses, à l’exclusion de quelques-uns (Genève fut la Rome du protestantisme), l’Allemagne du Nord et de l’Est (1554), les Pays-Bas malgré l’Espagne, et l’Écosse en 1560.

En Angleterre, la lutte fut plus longue, mais, à la mort de Marie Tudor (1558), la Réforme y triompha définitivement. En France, les guerres de Religion (1562-1598) se terminèrent par l’édit de Nantes, qui instaura la tolérance dans le royaume.

Durant longtemps on s’efforça de concilier protestants et catholiques (diète de Worms en 1521, diète d’Augsbourg en 1530, colloque de Poissy en 1561). C’est le concile de Trente* qui, paradoxalement réuni pour restaurer l’unité, allait fixer chacun sur des positions intransigeantes. Après Trente (1545-1563), la coupure paraît définitive. Les Églises protestantes vont évoluer séparément. Des tentatives de réconciliation au xviie s. (Cristóbal de Rojas y Spinola, Bossuet, Leibniz) n’auront pas de conséquences pratiques.

Devant la Réforme protestante, l’Église catholique eut d’abord une attitude négative, puis, peu à peu, elle essaya de reconquérir le terrain perdu. La Réforme catholique, appelée la Contre-Réforme*, fut précédée de la fondation d’ordres nouveaux en Italie (Théatins, Barnabites, Capucins) et surtout par l’institution des Jésuites* d’Ignace de Loyola (1540). Les Jésuites, qui émettent un vœu spécial d’obéissance au pape, seront la milice de la Contre-Réforme.

En 1542, Paul III (1534-1549) rétablit l’Inquisition et convoqua le concile à Trente après l’échec de la diète de Ratisbonne. Il le réunit après maintes difficultés, mais les protestants refusèrent de s’y rendre. Le concile s’efforça de définir la théologie catholique sur les points centraux attaqués par la Réforme (Écriture, grâce, eucharistie) et de régler la discipline concernant les clercs (problèmes de la résidence, enseignement, prédication, réforme des religieux).

Les papes réformateurs saint Pie V (1566-1572), Grégoire XIII (1572-1585), Sixte V (1585-1590) veillèrent à l’application des décrets édictés à Trente. Ils fondèrent des séminaires, le Collège romain, le Collège germanique, réformèrent la liturgie, etc. L’archevêque de Milan saint Charles Borromée fut le modèle des évêques tridentins ; il créa des écoles chrétiennes, des séminaires, fit de fréquentes visites pastorales et réforma les monastères.

L’Église de la Contre-Réforme manifesta sa vitalité retrouvée par l’expansion missionnaire, favorisée par les « grandes découvertes ». Saint François* Xavier, déjà, avait entrepris d’évangéliser l’Extrême-Orient ; son apostolat fut continué en Chine par des jésuites qui, avec une prescience remarquable, eurent l’intelligence d’intégrer le christianisme dans la culture indigène.

Au début du xviie s., toute l’activité missionnaire était dirigée de Rome par la congrégation de la Propagande. Les plus belles réussites en ce domaine furent l’œuvre de jésuites dans leurs « réductions » du Paraguay, mais l’attitude des colons, celle de l’Église même, bien trop indulgente aux pratiques de l’esclavage, nuisirent à cet apostolat.

Le renouveau de la vie sacerdotale a été un autre aspect de la Contre-Réforme. C’est en France qu’il s’épanouit. De nombreuses congrégations de prêtres s’y fondèrent ; Oratoriens de Pierre de Bérulle* (1611), Lazaristes de saint Vincent* de Paul (1625), Sulpiciens de Jean-Jacques Olier (1641), Eudistes de saint Jean Eudes (1643), voués à la direction des séminaires.

La vie religieuse refleurit également avec l’introduction du Carmel en France par Mme Acarie, l’érection de la Visitation par sainte Jeanne de Chantal et la réforme bénédictine des Mauristes ou cistercienne de l’abbé de Rancé.