Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

écriture (suite)

L’écriture prend son origine dans le pictogramme. Mais l’emploi de grosses tablettes d’argile gravées à l’aide d’un roseau taillé en biseau lui donne un aspect fragmenté particulier, combinaison de traits à tête large, triangulaires, en forme de clou (d’où le nom d’écriture cunéiforme). Puis elle devient cursive, partiellement horizontale, les objets sont représentés très schématiquement, dans une position horizontale, et interrompus. Ce ne sont plus alors des signes-choses, mais des signes-mots.

Le système d’écriture rappelle sur bien des points le système égyptien. Certains signes fonctionnent comme logogrammes. Le stock se révélant sans doute insuffisant pour noter tous les mots de la langue, divers procédés permettent d’augmenter les possibilités du système : attribution d’un signifié nouveau à un signe grâce à quelques traits supplémentaires, juxtaposition de plusieurs signes : le signe oiseau + le signe œuf désignent l’action d’enfanter. Certains signes fonctionnent comme « déterminatifs » accompagnant un autre signe : les déterminatifs de genre indiquent à quelle catégorie sémantique appartient le signe accompagné ; les déterminatifs de nombre signalent la dualité et la pluralité ; les compléments phonétiques remédient aux ambiguïtés des polyphones (un seul dessin a 20 lectures différentes) et homophones (17 signes se lisent si).

Plusieurs signes peuvent être employés juxtaposés ; ils valent non par leur sens, mais par leur prononciation. C’est encore un pas fait vers la notation phonétique de la langue. La juxtaposition des sons représentés constitue la prononciation du mot à transcrire. M. Cohen nomme rébus à transfert ces groupements qui préparent le terrain pour une prise de conscience des unités phoniques de seconde articulation et pour une rupture entre le signifiant et le graphisme. Les signes-sons transcrivent soit un seul son, une syllabe vocalique comme a, e, i, o, soit des syllabes entières. Mais les Suméro-Akkadiens ne sont pas parvenus à l’analyse méthodique de la syllabe en ses composants phoniques et conservèrent jusqu’au bout un système mixte avec emploi de signes-mots.


L’écriture chinoise

La langue et l’écriture chinoises ont donné lieu à des études déjà anciennes, en relation notamment avec l’établissement des Jésuites en Chine (xvie s.). Si la parole vocale chinoise est absolument distincte de l’écriture, celle-ci est liée étroitement au fonctionnement de la langue.

Ici encore, l’écriture aurait d’abord satisfait aux besoins de la divination, participant à des rites magiques. Elle apparaît vers 2850 av. J.-C., avec un système non pictographique, calqué sans doute sur les systèmes à cordelettes : le système dit « bagua » (« pa koua »), attribué à l’empereur fabuleux Fuxi (Fou-hi), comportait 64 signes-symboles en barres continues ou interrompues ; vers 2500 av. J.-C. se développe un type d’écriture pictographique très schématisée, source de l’écriture actuelle. L’écriture, qui a trait à la magie, est aussi synonyme de pouvoir politique et gouvernemental.

L’écriture chinoise s’est simplifiée entre 200 av. J.-C. et 200 apr. J.-C. ; elle s’est stabilisée au ive s. sous la forme encore en usage. C’est une cursive, tracée au pinceau, permettant des tracés délicats avec pleins et déliés, dont l’aspect esthétique a une utilisation ornementale. Les caractères sont séparés, tracés dans un carré idéal, disposés en colonnes lues de haut en bas en commençant par la droite. Le signe est une figuration dépouillée, non réaliste de l’objet.

Le chinois est alors surtout monosyllabique. Chaque dessin représente donc à la fois un mot et une syllabe, et chaque mot pratiquement dispose d’un signe, ce qui rend le système peu économique : 6 000 à 8 000 caractères sont courants ; on compte 9 000 signes dans un dictionnaire du ier s., 50 000 dans un autre du xviiie s., 80 000 dans certains dictionnaires savants.

Cela a nécessité la recherche d’une certaine économie graphique grâce à différents procédés : l’agrégat (ou complexe) logique est une combinaison de deux ou plusieurs pictogrammes ; les symboles mutuellement interprétatifs permettent de faire face à l’ambiguïté due à la présence d’homophones nombreux ; les déterminatifs, ou caractères clés, servent à lever la quasi-homophonie des mots ; les déterminatifs phonétiques : ils ne sont pas lus mais s’ajoutent à un élément homophone dont ils indiquent la catégorie sémantique ; les radicaux déterminatifs sémantiques : deux marques se combinent pour donner un nouveau signe, dont la prononciation est souvent autonome par rapport à la prononciation des deux signes constitutifs.

Ces termes clés, au nombre de 214, permettent de multiples combinaisons. La réforme de 219 avant notre ère a été une tentative d’unification et de simplification par la suppression des caractères faisant double emploi et l’éclaircissement des ambiguïtés grâce aux clés. La situation du chinois moderne est passablement différente.


Écritures syllabiques et alphabétiques

Elles se situent le plus souvent au terme d’une évolution qui, pour des raisons d’économie et de commodité, aboutit à noter certains sons, en tant que sons, à côté des idéogrammes, puis à ne noter que les sons.

Certaines conditions semblent avoir favorisé cette évolution : le transfert du système d’un peuple à un autre, transfert qui détache le système de la tradition dans laquelle il s’insère originellement, et solidement défendue par les prêtres et les scribes ; un état social « permettant à la fois une certaine autonomie des individus à l’égard des prêtres et des rois et un certain développement du savoir » (M. Cohen).

En général, les alphabets sont d’abord syllabiques ; ils deviennent phonétiques avec une analyse plus poussée, bien que souvent empirique, de la structure de la langue.


L’écriture de l’Inde

L’écriture indienne la plus ancienne actuellement connue est celle de Mohenjo-Dāro, découverte dans la vallée de l’Indus sur des sceaux et des vases en poterie. Elle est hiéroglyphique.

L’écriture brāhmī est plus connue (300 avant notre ère). Elle a été créée pour transcrire les langues littéraires de groupes de population parlant des langues indo-européennes, dont la plus importante est le sanskrit. L’écriture brāhmī est syllabique ; elle note les consonnes et indique les voyelles par un signe complémentaire.