écriture (suite)
L’écriture phénicienne
On a longtemps considéré les Phéniciens comme les inventeurs de l’alphabet. L’écriture dite « phénicienne » est connue par des inscriptions trouvées à Byblos (Djebail), Ougarit (Ras Shamra), etc. Elle comporte 22 à 25 caractères non idéogrammatiques, qui notent les consonnes et ne notent pas les voyelles. Plus que d’un alphabet consonantique, il s’agit d’une notation syllabique « qui n’a noté de la syllabe que la consonne, élément essentiel pour indiquer le sens, en laissant suppléer la voyelle par le lecteur » (A. Meillet). L’alphabet phénicien dégage « le squelette consonantique » du mot ; il ne s’agit pas encore d’une véritable écriture alphabétique qui noterait tous les sons de la langue.
L’écriture grecque
Les Grecs ont emprunté aux Phéniciens leurs caractères syllabiques à fonction consonantique et les ont accommodés aux caractéristiques de la langue grecque : les signes syllabiques phéniciens en ont noté les consonnes, certains d’entre eux ont servi à noter les voyelles. D’où une notation totalement alphabétique de 24 signes.
Expansion de l’écriture alphabétique
Ce système s’est répandu dans toute l’Europe sans nouveaux perfectionnements, en particulier chez les Romains, dont les tracés dérivent des tracés grecs (alphabet latin).
Au Moyen Âge, la théorie phonétique très fine de la grammaire arabe est à l’origine du grand intérêt porté au système graphique, étroitement lié par ailleurs à la religion : les exégèses du Coran s’accompagnent d’une explication mystique de la valeur de chaque signe graphique. Avec la constitution de l’État omeyyade apparaît le souci d’embellir le signe graphique. L’écriture devient un art, lié à l’exercice de la religion : adjonction d’éléments géométriques, floraux, etc.
Au Moyen Âge encore, les peuples dits « barbares » commencent à inventer leur écriture.
L’écriture oghamique (vers le ve s.), en Irlande méridionale et au pays de Galles, a l’aspect d’une série d’entailles dont chaque groupe est une lettre.
L’écriture runique, chez les Germains, présente des caractères taillés dans le bois, formés d’un trait vertical et de plusieurs traits horizontaux.
L’alphabet glagolitique, chez les Slaves, s’est employé concurremment avec l’alphabet cyrillique, qui a fini par l’emporter.
Dans l’ensemble, ces alphabets attestent l’existence d’une analyse minutieuse de la chaîne sonore en éléments minimaux.
Mais, pour diverses raisons, et en particulier à cause de l’évolution phonétique des langues, une distorsion se produit entre l’alphabet et le système phonétique de la langue, entre ce système et l’orthographe du mot : il faut parfois plusieurs signes pour noter un seul son (ch), ou bien un seul signe note plusieurs sons (x).
Les linguistes, pour leurs travaux, ont ressenti le besoin d’une notation précise de tous les sons du langage, un signe pour chaque son, un seul son par signe : d’où la naissance d’alphabets phonétiques, en particulier de l’alphabet phonétique international.
C. M.
➙ Écrit/oral (codes) / Langage / Langue / Orthographe / Phonétique.
D. Diringer, The Alphabet (Londres, 1948 ; 3e éd., 1968, 2 vol.). / J. G. Février, Histoire de l’écriture (Payot, 1948 ; nouv. éd., 1958). / M. Cohen, l’Écriture (Éd. sociales, 1953) ; la Grande Invention de l’écriture et son évolution (Imprimerie nationale, 1959 ; 3 vol.). / C. Higounet, l’Écriture (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1955 ; 4e éd., 1969). / A. Leroi-Gourhan, le Geste et la parole (A. Michel, 1964-1965 ; 2 vol.). / V. Alleton, l’Écriture chinoise (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1970). / R. Barthes, l’Empire des signes (Skira, Genève, 1970). / J. Joyaux, le Langage, cet inconnu (S. G. P. P., 1970). / Etiemble, l’Écriture (Gallimard, 1973).