Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

écriture (suite)

L’écriture phénicienne

On a longtemps considéré les Phéniciens comme les inventeurs de l’alphabet. L’écriture dite « phénicienne » est connue par des inscriptions trouvées à Byblos (Djebail), Ougarit (Ras Shamra), etc. Elle comporte 22 à 25 caractères non idéogrammatiques, qui notent les consonnes et ne notent pas les voyelles. Plus que d’un alphabet consonantique, il s’agit d’une notation syllabique « qui n’a noté de la syllabe que la consonne, élément essentiel pour indiquer le sens, en laissant suppléer la voyelle par le lecteur » (A. Meillet). L’alphabet phénicien dégage « le squelette consonantique » du mot ; il ne s’agit pas encore d’une véritable écriture alphabétique qui noterait tous les sons de la langue.


L’écriture grecque

Les Grecs ont emprunté aux Phéniciens leurs caractères syllabiques à fonction consonantique et les ont accommodés aux caractéristiques de la langue grecque : les signes syllabiques phéniciens en ont noté les consonnes, certains d’entre eux ont servi à noter les voyelles. D’où une notation totalement alphabétique de 24 signes.


Expansion de l’écriture alphabétique

Ce système s’est répandu dans toute l’Europe sans nouveaux perfectionnements, en particulier chez les Romains, dont les tracés dérivent des tracés grecs (alphabet latin).

Au Moyen Âge, la théorie phonétique très fine de la grammaire arabe est à l’origine du grand intérêt porté au système graphique, étroitement lié par ailleurs à la religion : les exégèses du Coran s’accompagnent d’une explication mystique de la valeur de chaque signe graphique. Avec la constitution de l’État omeyyade apparaît le souci d’embellir le signe graphique. L’écriture devient un art, lié à l’exercice de la religion : adjonction d’éléments géométriques, floraux, etc.

Au Moyen Âge encore, les peuples dits « barbares » commencent à inventer leur écriture.

L’écriture oghamique (vers le ve s.), en Irlande méridionale et au pays de Galles, a l’aspect d’une série d’entailles dont chaque groupe est une lettre.

L’écriture runique, chez les Germains, présente des caractères taillés dans le bois, formés d’un trait vertical et de plusieurs traits horizontaux.

L’alphabet glagolitique, chez les Slaves, s’est employé concurremment avec l’alphabet cyrillique, qui a fini par l’emporter.

Dans l’ensemble, ces alphabets attestent l’existence d’une analyse minutieuse de la chaîne sonore en éléments minimaux.

Mais, pour diverses raisons, et en particulier à cause de l’évolution phonétique des langues, une distorsion se produit entre l’alphabet et le système phonétique de la langue, entre ce système et l’orthographe du mot : il faut parfois plusieurs signes pour noter un seul son (ch), ou bien un seul signe note plusieurs sons (x).

Les linguistes, pour leurs travaux, ont ressenti le besoin d’une notation précise de tous les sons du langage, un signe pour chaque son, un seul son par signe : d’où la naissance d’alphabets phonétiques, en particulier de l’alphabet phonétique international.

C. M.

➙ Écrit/oral (codes) / Langage / Langue / Orthographe / Phonétique.

 D. Diringer, The Alphabet (Londres, 1948 ; 3e éd., 1968, 2 vol.). / J. G. Février, Histoire de l’écriture (Payot, 1948 ; nouv. éd., 1958). / M. Cohen, l’Écriture (Éd. sociales, 1953) ; la Grande Invention de l’écriture et son évolution (Imprimerie nationale, 1959 ; 3 vol.). / C. Higounet, l’Écriture (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1955 ; 4e éd., 1969). / A. Leroi-Gourhan, le Geste et la parole (A. Michel, 1964-1965 ; 2 vol.). / V. Alleton, l’Écriture chinoise (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1970). / R. Barthes, l’Empire des signes (Skira, Genève, 1970). / J. Joyaux, le Langage, cet inconnu (S. G. P. P., 1970). / Etiemble, l’Écriture (Gallimard, 1973).

écrivains, auteurs, hommes de lettres

On emploie souvent les dénominations d’auteur, d’écrivain ou d’homme de lettres les unes pour les autres. Encore ne se sert-on plus guère de nos jours du mot de poète pour désigner, comme en grec et en latin, celui qui compose des œuvres artistiques au moyen du langage. À mesure que s’est élaborée la notion nouvelle de littérature, c’est le mot d’écrivain qui l’a remplacé dans ce rôle. Il y a là notamment le signe du passage de l’expression orale à l’expression écrite.


Comme poète, auteur est un mot ancien dont le sens originel est « responsable », « promoteur », « inventeur », « créateur ». Il s’applique à bien d’autres domaines qu’à l’écriture et il devrait en principe être toujours suivi d’un déterminatif ; on est l’auteur de telle ou telle œuvre, de telle ou telle action, de telle ou telle idée. Dans l’emploi actuel du mot, on pourra donc l’utiliser pour désigner toute personne qui « a fait un ouvrage de littérature, de science ou d’art » (Littré), même si cet ouvrage n’a pas été publié.

La notion d’écrivain est à la fois plus large et plus restrictive. Un écrivain est un homme qui « compose des livres » (Littré) et qui normalement les fait publier. La qualification d’écrivain n’est pas liée à une œuvre en particulier, et le mot s’emploie sans déterminatif. En revanche, l’usage moderne lui attribue, en français tout au moins, une connotation proprement littéraire.

Entre être l’auteur d’un livre et être un écrivain, il y a donc la différence qui sépare un acte d’un état. Cet état peut devenir une profession, et c’est ici qu’intervient la notion d’homme de lettres. Le terme est déjà employé par Montaigne, mais il ne s’est véritablement généralisé qu’au xviiie s., quand les écrivains ont commencé à prendre conscience d’exercer le métier des lettres.

Le statut de l’auteur, de l’écrivain ou de l’homme de lettres à notre époque reflète les ambiguïtés historiques de ces diverses situations. L’auteur a la paternité de son œuvre, avec ce que cela comporte de droits et de responsabilités envers le lecteur éventuel. L’écrivain exerce une fonction dans la société, il y joue un rôle qui implique également des droits et des responsabilités envers l’ensemble du corps social. L’homme de lettres exerce un métier : il a donc avec la société des relations économiques, éthiques et techniques qui définissent ses droits et ses responsabilités dans le cadre d’une catégorie socioprofessionnelle. Il n’y a pas toujours coïncidence, ni même compatibilité, entre les exigences des trois situations. On comprend dès lors pourquoi il est difficile de situer celui que nous appellerons désormais l’écrivain pour simplifier les choses, sans l’amputer d’une partie essentielle de sa personnalité sociale.