Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dominicaine (république) (suite)

 J. M. Inchaustegni Cabral, Geografia descriptiva de la Republica Dominicana (Saint-Domingue, 1957). / H. Tolentino Dipp, Origines historico-juridiques des États haïtien et dominicain (thèse, Paris, 1960). / A. Espaillat, Trujillo, the Last Caesar (New York, 1963 ; trad. fr. les Dessous d’une dictature : Trujillo, Calmann-Lévy, 1966). / J. Bosch, Saint-Domingue, crise de la démocratie en Amérique (trad. de l’espagnol, Éd. Cujas, 1966). / M. Niedergang, la Révolution de Saint-Domingue (Plon, 1966). / R. W. Logan, Haïti and the Dominican Republic (Londres, 1968). / E. Fritsch, l’Affaire dominicaine (thèse, Paris, 1969).

Dominicains

Ordre religieux fondé au xiiie s. par saint Dominique* et dont le nom canonique est ordre des Frères prêcheurs, car leur but est de prêcher la parole de Dieu.



Introduction

C’est là une fonction spécifique, non seulement parce que, au moment de sa fondation, la prédication de l’Évangile était tombée en déshérence, mais parce que, à l’encontre de l’état monastique, organisé en vue du culte à rendre à Dieu, l’ordre dominicain créa et organisa une forme de vie entièrement commandée par cette visée apostolique. De naissance, ce charisme fut lié à la crise des institutions, ecclésiastiques et profanes, dont la sclérose provoquait chez les chrétiens, au milieu des mouvements populaires, une réaction inspirée d’un retour à l’Évangile, à sa pureté, à sa liberté, non sans critique des appareils d’Église. La pauvreté était le test de l’opération ; et, comme pour François d’Assise, cet évangélisme impliquait pour Dominique une rupture avec le régime féodal, par le refus des dîmes et des bénéfices. D’où le nom d’ordre mendiant, dans lequel est voué le renoncement, non seulement individuel, mais aussi institutionnel, à la possession de revenus domaniaux.

Cet appel au témoignage public de la foi et à son éducation trouvait au xiiie s. un terrain favorable dans l’essor de la culture, institutionnalisée en universités, dans les villes nouvelles. Cette convergence détermina dans l’ordre, avec une vive communion aux problèmes du temps, un régime où l’étude devenait un moyen essentiel, tant en nourriture de contemplation qu’en action apostolique : d’où la place de la théologie. Un couvent ne pouvait être fondé sans la présence d’un professeur, qui en faisait un centre d’enseignement continu.

La vie commune prenait de ce fait une structure spécifique, dont les formes institutionnelles, analogues à celles des communes urbaines, des corporations de métier, des universités, témoignent, au dire des juristes, d’un véritable génie chez saint Dominique et ses premiers compagnons : régime communautaire, où le pouvoir législatif appartient au corps des délégués de l’ordre entier, réunis annuellement en chapitre général. Les supérieurs, tous élus, sont soumis à la rotation permanente des charges. Les constitutions, à la différence de la tradition monastique, n’obligent pas sous peine de faute, ce qui irait à l’encontre de la liberté évangélique. Souplesses qui n’allèrent pas sans risque, d’âge en âge, mais qui procurèrent à la vie conventuelle une spontanéité joyeuse. Les vicissitudes de l’histoire mirent à l’épreuve cette institution, dont la première codification remonte à 1220.


De la première expansion aux réformes

Tant en architecture institutionnelle qu’en activité apostolique, en régime d’études, en influence culturelle, l’ordre dominicain manifesta, pendant les premières décennies de son existence, une extraordinaire fécondité. En 1300, il n’y avait pas loin de six cents couvents, centres de prédication et d’études. Le cas le plus significatif fut le couvent de Saint-Jacques (dit « couvent des Jacobins »), à Paris, qui, dès 1230, joua un rôle majeur, y compris dans l’essor de l’Université, dotée en 1232 de sa chaire autonome et de son équipement scientifique. L’Allemand Albert* le Grand, l’Italien Thomas* d’Aquin, le Français Pierre de Tarentaise (le futur pape Innocent V) en furent les maîtres ; Vincent de Beauvais (v. 1190-1264) était le conseiller culturel du roi Louis IX. Les travaux scripturaires, théologiques, spirituels, pastoraux, homélitiques, populaires et, malgré quelques résistances, l’enseignement des disciplines rationnelles s’y multiplièrent, produisant des générations de prédicateurs et de professeurs. Avec l’entrée d’Aristote et des sciences arabes, réalisée malgré les interdits, Saint-Jacques était devenu le centre de cette renaissance de l’Antiquité. Cela ne se passa pas sans une âpre recherche rationnelle et naturaliste, dont le héraut, Thomas d’Aquin, fut compromis, voire condamné, particulièrement pour son anthropologie, que récusait le conservatisme augustinien. La canonisation de Thomas (1323) fut le signe de sa réhabilitation. Son crédit allait demeurer, dans l’ordre et dans l’Église, sans que, cependant, s’affirmât le monopole ultérieurement affirmé.

D’autres maîtres illustrèrent la théologie de l’ordre, tels Eckart* et les spirituels rhénans, et, à la Renaissance, on ne peut négliger l’entreprise de Tommasso Campanella*.

Dès le deuxième tiers du xiiie s., l’Église, qui avait organisé l’Inquisition* pour la défense de la foi, trouva parmi les Frères prêcheurs le personnel requis pour cette entreprise, à la conjonction des pouvoirs ecclésiastiques et séculiers, selon les mœurs du temps, particulièrement en Lombardie et dans le sud de la France.

Le succès même amena un appesantissement spirituel et institutionnel. Le signe en fut, avec l’instauration de la vie privée, l’affaissement de la pauvreté évangélique. Au xive s., les difficultés économiques, le fléau de la disette et de la peste noire expliquent partiellement cette décadence. Contre elle, réagirent, siècle après siècle, des réformes, dont la première, menée par le maître général Raimond de Capoue (v. 1330-1399), fut illustrée par Catherine* de Sienne. Plus tard, Savonarole*, à Florence (v. 1494), fit grande figure. La souplesse institutionnelle de l’ordre permit d’éviter les schismes : les réformés formèrent des congrégations autonomes, à côté des provinces, mais demeurèrent sous une unique juridiction.