Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Delaunay (les) (suite)

Robert Delaunay produit, à partir de 1927, de nombreuses versions de ses Rythmes colorés et Rythmes sans fin, recherches de mouvement fondées sur des enchaînements et syncopes de formes circulaires, et, à partir de 1930, ses Rythmes en relief. D’énormes panneaux peints et bas-reliefs polychromes lui sont commandés pour le palais de l’aéronautique et le pavillon des chemins de fer à l’Exposition universelle de 1937. Les trois Rythmes 1938, exécutés alors que l’artiste est déjà gravement malade, constituent son testament pictural ; il déclare qu’il n’entend pas « abolir pour toujours la nature, les figures, les objets », mais qu’il faut « commencer par le simple, par la forme vivante, par la cellule ».

Robert et Sonia Delaunay ont organisé ensemble, en 1939, le premier Salon des réalités nouvelles. Continuant l’œuvre de son mari, Sonia, qui à partir des années 30 s’est de nouveau consacrée essentiellement à la peinture, n’a pas cessé de militer activement en faveur de l’art abstrait. Elle a fait en 1964 une importante donation au musée national d’Art moderne.

M. G.

➙ Cubisme.

 F. Gilles de La Tourette, Robert Delaunay (Massin, 1950). / P. Francastel, Du cubisme à l’art abstrait, les cahiers de Robert Delaunay (S. E. V. P. E. N., 1957). / M. Hoog, Robert et Sonia Delaunay, catalogue des œuvres conservées au musée national d’Art moderne (Éd. des musées nationaux, 1967). / G. Vriesen et M. Imdahl, Delaunay (Cologne, 1967). / J. Damase, Sonia Delaunay (Galerie de Varenne, 1971).

Delcassé (Théophile)

Homme politique français (Pamiers 1852 - Nice 1923).


Théophile Delcassé naît dans une famille modeste. Après des études de lettres, il tient la rubrique de politique extérieure dans le journal de Gambetta la République française, où il se signale par son nationalisme. Élu député républicain de l’Ariège en 1889, il s’impose comme l’un des défenseurs de la république contre les attaques des monarchistes et le boulangisme.

Delcassé va jouer un rôle de premier plan dans la conduite de la politique extérieure de la IIIe République, qu’il influencera de ses desseins personnels. Cette action sera favorisée par le fait que les cabinets ministériels dont il fera partie lui laisseront une grande liberté d’action, occupés qu’ils seront par des problèmes graves de politique intérieure.

L’action de Delcassé se situe dans une période où les relations internationales sont dominées par l’antagonisme franco-allemand et par les rivalités coloniales. Les rivalités coloniales entre les puissances européennes sont dues à leur impérieux besoin de débouchés pour leurs produits industriels et à la recherche de possibilités d’investissements et de profits pour leurs capitaux. L’antagonisme franco-allemand est lié au refus implicite de la France de renoncer à l’Alsace-Lorraine, annexée par l’Allemagne après la défaite française de 1870, et à l’action du chancelier allemand, puis de Guillaume II pour isoler la France sur le plan diplomatique.

Toutes les puissances européennes croient une guerre générale possible et elles cherchent, en contractant des alliances, à se prémunir contre un conflit éventuel ou à s’assurer des positions de force pour le cas où il éclaterait. C’est dans ce cadre que la politique de Delcassé va tendre à tisser autour de la France un nouveau système diplomatique. Elle consistera à renforcer la position européenne de la France, dans la perspective d’une guerre avec l’Allemagne, tout en menant une politique coloniale active. Pour lui (à l’inverse de la droite, qui reproche à la politique coloniale de détourner l’attention de la question d’Alsace-Lorraine), l’achèvement de la politique coloniale dépend des succès français en Europe. Delcassé resserrera l’alliance franco-russe de 1892 et se rapprochera de l’Angleterre grâce à une politique de compensations.

D’abord sous-secrétaire d’État (1893), puis ministre des Colonies (1894-95), il prône une politique d’expansion coloniale dans la ligne de Jules Ferry. Il est appuyé à la Chambre par le parti colonial et par les milieux commerciaux et industriels.

Il devient ministre des Affaires étrangères en juin 1898, poste qu’il conservera dans différents cabinets jusqu’à sa démission en juin 1905. Le nouveau ministre s’attache d’abord à resserrer l’alliance franco-russe de 1892. Par un protocole d’état-major de 1900, la Russie et la France modifient la portée de ces accords, qui étaient uniquement défensifs. Désormais, la France soutiendra les aspirations de la Russie dans les Balkans, et la Russie appuiera la France dans la question d’Alsace-Lorraine. Un emprunt russe est lancé sur le marché de Paris. L’alliance franco-russe, étroitement maintenue, sera une pièce essentielle du système diplomatique de Delcassé.

Les rivalités coloniales entre la France et l’Angleterre sont alors extrêmement âpres et elles menacent de dégénérer en guerre lorsque la France et l’Angleterre s’affrontent en Afrique à Fachoda, dans une région proche de l’Égypte (sept. 1898). Delcassé, à un moment où les passions nationalistes sont échauffées dans les deux pays et où la guerre menace, préfère reculer, ordonner l’évacuation de Fachoda (3 nov. 1898) et signer un accord colonial avec l’Angleterre (21 mars 1899).

Les rivalités de la France, de l’Angleterre et de l’Italie ont également pour champ le Maroc. Delcassé obtient le désistement de l’Italie au Maroc en lui laissant les mains libres en Tripolitaine (accord colonial de déc. 1900) et réussit à détacher partiellement l’Italie de la Triple-Alliance constituée autour de l’Allemagne (accord politique de juill. 1902). Il travaille ensuite à rapprocher la France de l’Angleterre, sa grande rivale, par une politique de compensations équivalentes sur le plan colonial. Cette politique est favorisée par le fait que l’Allemagne, à partir de 1898, menace la prépondérance navale britannique. Par les accords du 8 avril 1904, Delcassé obtient notamment de l’Angleterre son désistement au Maroc. En contrepartie, il reconnaît à l’Angleterre une totale liberté d’action en Égypte. C’est, en fait, « l’Entente cordiale », dont Édouard VII et Delcassé sont les principaux artisans.