Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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criminologie (suite)

Les méthodes de la criminologie

Les statistiques criminelles permettent d’étudier le mouvement général de la criminalité, ses rythmes, ses variations, ses conditions géographiques et sociales. Sur le plan national français, les principales statistiques sont essentiellement établies soit par le ministère de la Justice, soit par le ministère de l’Intérieur. Depuis 1827, le ministère de la Justice publie chaque année le Compte général de l’administration de la justice civile et commerciale et de la justice criminelle. En dépit des perfectionnements apportés, de nombreuses insuffisances entravent son utilisation, car cette statistique concerne les condamnés et ne peut pas fournir d’indications exactes, même sur la criminalité légale. Indépendamment de cette publication, l’administration pénitentiaire et l’éducation surveillée font paraître chaque année un rapport d’activité. Toutefois, ces documents sont moins riches que le Compte général... du point de vue de l’étude de la criminalité en général. Ils donnent plutôt des indications sur un aspect de la délinquance, et ils sont surtout utiles sur le plan du traitement, puisqu’ils permettent d’évaluer l’effet des peines et des différentes mesures prises à l’encontre des condamnés.

De son côté, le ministère de l’Intérieur élabore un document annuel récapitulant les renseignements fournis par les différents services de police et de gendarmerie. Toutefois, ces statistiques ne sont pas librement accessibles : elles donnent lieu seulement à certaines publications en attendant d’être exploitées par les criminologues en vue de l’établissement d’un index de criminalité française.

Enfin, le ministère de l’Équipement dresse une statistique des infractions aux règles de la circulation et des accidents de la route, et le ministère de la Population établit des statistiques démographiques à l’aide des recensements périodiques. Ces données seront fort utiles pour une étude de la criminalité générale.

Sur le plan international, il existe également des statistiques. Mais leur utilisation suppose l’existence de statistiques nationales précises et, en outre, une corrélation entre les qualifications pénales adoptées. C’est dire qu’elles ne peuvent guère, à l’heure actuelle, présenter d’intérêt scientifique.

Indépendamment des statistiques officielles, des chercheurs tendent à déterminer l’importance de la délinquance au moyen d’enquêtes et d’interviews.

L’enquête est parfois menée à partir de la documentation réunie soit par une administration, soit par une juridiction. Il s’agit alors de procéder au dépouillement de dossiers pour connaître la criminalité d’une région ou encore étudier telle forme de criminalité. Des dépouillements de ce genre peuvent être exhaustifs ou se présenter comme de simples sondages, à partir desquels on déduira des conclusions statistiques.

L’interview, en revanche, permet aux chercheurs d’obtenir des renseignements soit auprès de délinquants, soit auprès d’une tranche de population et, par là même, des éléments sur un secteur de criminalité qui échappe facilement à l’attention des pouvoirs publics ou sur le rôle de certains facteurs criminogènes.

Enfin, les monographies et l’analyse de carrières criminelles (follow-up studies) donneront une connaissance de l’activité délinquante d’une région ou d’un individu.


Les méthodes d’étude du criminel

Dans une certaine mesure, les monographies, les interviews et l’analyse des carrières criminelles permettront d’approcher la connaissance du criminel. Il est cependant nécessaire d’observer le délinquant pour déterminer le traitement qui serait de nature à faciliter sa réadaptation. L’examen clinique devient alors une nécessité ; il doit normalement comporter une enquête sociale, un examen médical, un examen psychiatrique et un examen psychologique.

L’enquête sociale consiste en des démarches et des interrogatoires au lieu même où le sujet a évolué (parents, école, lieu de travail...). Cette enquête sociale permettra d’éclairer l’examen médical. Le médecin appréciera le développement physique du sujet et déterminera son état de santé actuel. Parfois l’examen médical mettra en évidence des cas d’infantilisme, de retard du développement ou des symptômes d’altération nerveuse.

Quant à l’examen psychiatrique, il consiste dans un examen clinique, constitué par une interview et corrigé par une étude neurologique. Enfin, l’exploration mentale sera poursuivie par un examen psychologique reposant sur les tests (intelligence, caractère, orientation professionnelle).

Cet examen du criminel n’aboutira, pourtant, qu’à une approximation, car, bien souvent, il est effectué sur des délinquants incarcérés. Mais il peut mettre en évidence des prédispositions, si bien que des criminologues ont songé à établir des schémas de pronostics ou des tables de prédiction (Sheldon Glueck aux États-Unis), qui doivent être utilisés cependant avec prudence et discernement.


Bilan des apports de la criminologie

Si le phénomène criminel reste encore, à l’heure actuelle, mal connu, on peut cependant dresser un bilan des études criminologiques. Les études entreprises ont permis de déceler que les tares héréditaires se rencontraient plus fréquemment chez les délinquants ou que les troubles psychiques ou caractériels étaient plus nombreux chez les mineurs délinquants. De même, l’alcoolisme, l’habitat, le milieu familial surtout peuvent avoir une incidence sur la criminalité. Néanmoins, ces corrélations n’ont pas encore le caractère de rigueur scientifique qui permettrait de connaître avec précision les causes du phénomène criminel.

Certains criminologues se sont efforcés de reconnaître certaines constellations sous le signe desquelles paraissent placées certaines infractions (famille dissociée, alcoolisme, misère et débilité mentale...). La criminalité peut ne pas apparaître si l’individu présente des facteurs de résistance (famille unie, bonne éducation familiale, fondation d’un foyer ou exercice d’activités sociales). Le résultat de ces recherches fragmentaires a exercé une influence sur l’évolution de la législation.