Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Côte-d’Ivoire (suite)

L’histoire


Avant la colonisation française

À partir du xve s., des migrations amènent dans le nord du pays des populations mandingues-dioulas au milieu de peuples établis antérieurement, comme les Sénoufos. Ces nouveaux arrivants, islamisés, guerriers, mais surtout commerçants, créent le royaume de Kong. Leur activité commerciale, fondée sur l’exportation de la noix de cola, oriente le nord de l’actuelle Côte-d’Ivoire vers les pays de la savane beaucoup plus que vers la zone forestière. Dans cette zone, des migrations se produisent jusqu’à l’occupation européenne. Les traditions orales en conservent le souvenir. Il est très difficile aujourd’hui de distinguer autochtones et envahisseurs, de multiples mélanges s’étant produits. Les migrations des peuples du groupe akan, apparentés aux Achantis du début du xviiie s. au milieu du xixe, semblent avoir été les plus importantes : Baoulés et Agnis se sont installés dans toute la partie est de la zone forestière jusqu’à la Bandama. Sur la côte, un glissement de population a amené en Côte-d’Ivoire les Zémas, ou Appoloniens.

Les Européens ne feront qu’une seule tentative d’installation sérieuse avant le milieu du xixe s. ; un petit poste français est créé à Assinie à la fin du xviie s., cependant qu’un jeune Africain, Aniaba, est emmené en France et traité à la cour de Louis XIV comme prince héritier d’un royaume allié. En 1703, le poste français est évacué.

Les Français ne reviennent officiellement sur cette côte qu’en 1842, après que Louis Edouard Bouet-Willaumez (1808-1871) eut fait ressortir l’intérêt des sites lagunaires de Grand-Bassam et d’Assinie. Des traités sont signés avec les chefs dont dépendent ces lieux ; des forts rudimentaires y sont construits. Pendant le second Empire, la domination française s’étend progressivement à toute la zone lagunaire. Malgré cette implantation française, les commerçants locaux, notamment les Alladians (ou Jack-Jack), continuent d’accorder leur préférence aux marchandises apportées par les navires anglais qui cabotent le long des côtes. En 1870, les Français décident d’évacuer ce territoire.

Le Rochelais Arthur Verdier (1835-1898) reste sur place et défend à la fois ses intérêts personnels et les droits de la France à Assinie et à Grand-Bassam. La création d’une colonie française en Côte-d’Ivoire est le résultat des efforts de Verdier et du capitaine Louis Gustave Binger (1856-1936). Il s’agit essentiellement de relier les deux importants marchés de Kong et de Bondoukou aux comptoirs d’Assinie et de Grand-Bassam. Marcel Treich-Laplène (1861-1890) signe des traités avec les chefs des pays agnis en mai et juin 1887. En 1889, Treich-Laplène, parti d’Assinie, et Binger, parti de Bamako, se rejoignent à Kong, dont les chefs acceptent un traité de protectorat. Une convention franco-anglaise du 10 août 1889 reconnaît les droits de la France sur les territoires parcourus par ces missions. En décembre 1892, la zone d’influence française est étendue jusqu’à la frontière du Libéria par la convention franco-libérienne.


La colonisation française

Le décret du 10 mars 1893 crée la Côte-d’Ivoire, colonie française dont les limites étaient tracées sur la carte avant que la conquête n’en soit réalisée. Binger, premier gouverneur, essaie d’organiser une pénétration pacifique, diplomatique et commerciale. Il est gêné par la résistance des populations. L’occupation par Samory de la zone des savanes au nord du pays anéantit les espoirs d’une liaison commerciale fructueuse avec cette région et entraîne l’intervention du colonel Monteil (1855-1925), qui ne réussit pas à chasser Samory, mais qui provoque l’hostilité de tout le pays baoulé (1894-95). La défaite de Samory en 1898 n’améliore guère la situation ; la zone qu’il contrôlait, ravagée par la guerre, est rattachée à la Côte-d’Ivoire, mais les liaisons à travers la forêt restent encore précaires.

Le gouverneur Angoulvant (de 1908 à 1915) change de méthode ; il entreprend une véritable conquête militaire, facilitée par le manque total de cohésion entre les peuples de la Côte-d’Ivoire. Les résistances des Abés, des Attiés, des Bétés, des Baoulés sont brisées les unes après les autres. Les dernières révoltes armées seront vaincues en 1916 et en 1917 dans la région du Cavally et chez les Attiés.

Angoulvant renforce la centralisation administrative coloniale ; les chefs traditionnels n’ont plus qu’un rôle de maintien de l’ordre et de perception des taxes à l’échelon local ; ils constituent le premier échelon de la hiérarchie judiciaire. En fait, toutes les affaires dépendent des administrateurs et du gouverneur. La capitale de la colonie est d’abord Grand-Bassam, puis Bingerville à partir de 1900 et enfin Abidjan en 1934. La Côte-d’Ivoire est rattachée à l’Afrique-Occidentale française en 1895-96.

Le régime colonial imprime profondément sa marque dans l’économie ivoirienne. À la suite des missions du général Crosson-Duplessis (1865-1931) et du capitaine Houdaille, qui étudient dès 1898 les possibilités d’aménagement d’un port en lagune, le site d’Abidjan est choisi ; mais, faute de crédits, il faudra attendre plus d’un demi-siècle, jusqu’en 1950, pour que ce projet soit réalisé. Cependant, c’est bien à Abidjan qu’est installé le point de départ de la voie ferrée, l’Abidjan-Niger ; en 1912, cette ligne atteint Bouaké ; en 1934, elle aboutit à la ville voltaïque de Bobo-Dioulasso ; en 1954, elle est poussée jusqu’à Ouagadougou. Cette liaison ferroviaire, qui facilite l’arrivée de la main-d’œuvre voltaïque jusqu’en basse Côte-d’Ivoire, explique en partie le rattachement de la Haute-Volta à la Côte-d’Ivoire entre 1932 et 1947. Le réseau routier, lui, reste rudimentaire : en 1948, il n’y a que 50 km de chaussée bitumée.

L’exploitation des forêts, surtout en basse Côte-d’Ivoire et le long des voies d’eau, constitue l’une des principales ressources de la colonie. La culture du café ne connaît un grand développement qu’à partir de 1925. Angoulvant introduit la culture du cacao par un système de production obligatoire ; cette culture se développe à partir de 1920.