Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

costume (suite)

Le luxe brave les édits qui réservent aux seigneurs le velours et la soie, invitant le tiers à se contenter de drap. Pourtant, une certaine gravité succède aux débordements du temps de François Ier : Henri II porte un pourpoint à col montant, de courts hauts-de-chausses embourrés de crin, une cape courte. La coiffure est une toque de velours ; la chaussure épouse la forme du pied. Les dames adoptent aussi le col montant, qu’entoure la fraise importée par Catherine de Médicis. Des modèles étranges apparaissent : le pourpoint masculin s’adorne d’une bosse rembourrée, le panseron, qui, à la vérité, sert de cuirasse aux hommes de guerre, tandis qu’au haut-de-chausses bouffant se substitue la calotte à crevés ; descend-elle au genou, c’est le canon ; s’arrête-t-elle à mi-cuisse, c’est le haut-de-chausses à la greguesque, terme qui deviendra la grègue. La fraise féminine est adoptée par les hommes. Le costume féminin de la fin du xvie s. affecte un caractère nouveau : le corsage descend en pointe jusqu’au bas du buste, la jupe s’amplifiant à la taille par un artifice inédit, le vertugadin, bourrelet qui ceint les hanches, déterminant une large abondance de plis, contrairement à la vertugade, démodée. Par-dessus la robe, on porte un manteau droit, généralement orné de pierreries. La coiffure féminine s’apparente à la toque des hommes ; mais on porte aussi le feutre albanais ; la bourgeoisie choisit le bavolet, à pan carré posé sur la chevelure.

Le règne d’Henri IV n’a pas connu d’autre innovation que le monstrueux élargissement du vertugadin féminin. Mais sous Louis XIII se réveille le goût de l’élégance. Les femmes nobles portent en vêtement de dessous la basquine, formée d’un corsage et d’une jupe, sur laquelle se pose la robe, au vertugadin modéré. Apparaît aussi la robe retroussée par-devant ou par les côtés, la friponne, qui laisse voir la jupe ; le corsage est lacé de brandebourgs. Le costume masculin dégage le pourpoint de sa matelassure ; il n’est plus qu’une veste épousant le torse, les hauts-de-chausses descendant jusqu’à la botte courte à revers de velours. Le linge prend une importance nouvelle : à la fraise empesée se substituent le jabot ou la cravate, l’écharpe servant de baudrier aux régiments de Croates. La cape se jette sur une épaule. Le costume militaire suit la mode en la mesure que commande l’impératif de l’arme. Les corps d’élite, mousquetaires et gardes, se distinguent par le manteau bleu brodé d’une croix d’argent et par le feutre empanaché, ainsi qu’en témoignent les gravures d’Abraham Bosse. Le bourgeois se réduit au chapeau tronconique entouré d’une tresse, le bourdalou. Tandis que s’emplume la coiffure masculine, celle des femmes, tirant parti de la chevelure, ne consiste plus qu’en un fichu de dentelles. C’est un moment heureux dans l’histoire du goût. Il ne va pas durer.

L’époque de Louis XIV, en sa première partie, développe à l’extrême les formes établies. Le jabot disparaît au bénéfice du rabat, mais le pourpoint s’enrichit de manches de dentelles ; le haut-de-chausses prend figure d’une espèce de jupon décoré d’un flot de rubans, la rhingrave. Le baudrier passementé barre la poitrine. Les hommes adoptent le manchon ainsi qu’un ample chapeau plat, orné de plumes, posé sur la haute perruque imaginée pour le roi. Le costume féminin comporte une jupe de dessus aux côtés relevés par des flots de rubans découvrant une jupe de dessous en taffetas, dont la traîne voit sa longueur déterminée par le rang hiérarchique. Les manches bouffantes s’arrêtent au coude. À la fin du règne, les pretintailles dont se charge la jupe, les falbalas, qui sont des volants plissés, les fausses manches imaginées en 1710 alourdissent la silhouette, à laquelle la coiffure « à la Fontanges », puis celle « en palissade » confèrent une sorte de crête assez mal proportionnée.

Tout change dès le trépas du Roi-Soleil. Le goût exquis de Watteau suscite des trouvailles. La robe affecte une liberté d’allure qu’accuse le pli dorsal tombant des épaules comme un mantelet. Le corsage décolleté renouvelle la formule du corps à baleine, tandis qu’un cerceau léger posé sur les hanches — le panier — donne à la jupe une ampleur élégante. Les manches du corsage, arrêtées au coude, se prolongent en nappes de dentelles ; ce sont les manches à la pagode : la Chine était à la mode et on lui prêtait des modèles auxquels elle était bien étrangère. Bientôt, le panier simple fait place au panier double, résurgence du vertugadin, qui donne à la jupe, au niveau de la taille, un ressaut si marqué qu’on en dénomme les supports paniers à coudes. Par contre, la coiffure est simple : c’est le tapé qui dégage le front ; on se couvrait, pour la ville, d’un fichu de dentelle noué sous le menton ou d’une cornette posée en arrière. Le costume masculin obéit au même esprit. Le gentilhomme porte une veste brodée, négligemment boutonnée sous le long justaucorps ; c’est l’habit à la française, à culotte ajustée, bas de soie et souliers à boucle. Vers 1725, l’anglomanie introduit en France le riding-coat — que suivra le frac, habit sans poches ni boutons — et la robe à l’anglaise, à queue traînante, avec laquelle rivalisent la robe à la lévite, la levantine à soubreveste, la robe à la créole, à courtes basques, et l’ample circassienne. Dans son calme intérieur, la Mère laborieuse de Chardin se contente d’un casaquin rayé, d’une ample jupe à tablier à bavette et d’un bonnet couvert d’un fichu. Cette aimable gravité contraste avec les fastueuses robes à la polonaise, festonnées comme un rideau de théâtre, et les coiffures géantes. Le costume masculin, sobre en ses formes, est riche de matières et de broderies ; on ne connaît pas moins de quarante-cinq combinaisons de perruques. Le luxe, ainsi, brave les règles hiérarchiques si longtemps respectées.

La Révolution va abolir ces élégances. Elles reparaîtront après Thermidor, et non moins excessives. La toilette des merveilleuses s’inspire de l’antique, mais aussi des modes anglaises. La ceinture à la victime se porte très haut ; la robe à la romaine remplace les poches par une balantine, sorte de sabretache richement brodée. La capeline à longue visière de 1796 remplace les chapeaux monumentaux de 1787, mais aussi les formes dont Thomas Gainsborough a laissé de charmantes images. Pour les hommes, le bicorne agrémenté d’un plumet et le tricorne à la suisse rivalisent avec le feutre à plumes tricolores des commissaires du peuple. Les incroyables affectent des accoutrements extravagants : la mode veut qu’on paraisse difforme. Mais elle n’est suivie que par les muscadins et dure peu. L’habit en forme de redingote et le chapeau haut de forme renouent avec les traditions du siècle passé. Sous le second Empire, les robes à crinoline et à tournure vont même renouveler celle des paniers. Et le xxe s. verra la robe « entravée » s’accommoder d’immenses chapeaux. L’évolution de la mode masculine se résume en des variations sur un thème fixé dès la Restauration : la veste sera plus ou moins longue et plus ou moins ajustée, et le pantalon plus ou moins flottant. Les novations n’en sont pas moins fréquentes : quand paraîtra cette évocation résumée de leurs révolutions, le costume masculin, qu’aujourd’hui les femmes adoptent, aura peut-être fait place à des modes inspirées d’une imaginaire cosmogonie.

G. J.

➙ Habillement / Mode.