Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cortés (Hernán) (suite)

L’expédition vers la Terre-Ferme

Entre-temps, des expéditions vers la Terre-Ferme, parfois tragiques, ont montré que l’or n’y est pas rare. Il est temps pour Cortés de se faire « conquistador » : son sens aigu des réalités l’a peut-être porté à attendre que ses prédécesseurs « essuient les plâtres » avant de se lancer dans une entreprise hérissée certainement d’immenses difficultés. De nouvelles intrigues lui valent le commandement d’une expédition : la fortune qu’il a commencé à édifier va servir à la commanditer en grande partie.

Malgré Velázquez, qui cherche à lui enlever au dernier moment la responsabilité de l’entreprise, Cortés quitte Santiago de Cuba le 18 novembre 1518, complète son approvisionnement à Trinidad, sur la côte sud de l’île, et part pour le Yucatán le 18 février 1519, avec 11 navires, 508 soldats, 10 canons de bronze et surtout 16 chevaux. Expédition importante eu égard aux ressources limitées des nouvelles îles espagnoles ; dérisoire si on la compare à ses conséquences, la soumission d’un immense empire au cœur de la région la plus peuplée de l’Amérique.

Après un séjour à l’île Cozumel, on part le 4 mars pour le continent et l’on pénètre dans la baie de Campeche. Le 12, on mouille près de la ville de Tabasco. Le lendemain, les mousquets viennent aisément à bout des gens du continent, et Cortés prend possession du pays. Le 25, terrifiés par des monstres inconnus, les chevaux et leurs cavaliers engoncés dans leur armure, les Indiens de Tabasco sont définitivement défaits et font leur soumission. Les conversions commencent aussitôt, la plus rentable étant celle de la belle Malintzin, qui devient doña Marina et qui, plus encore qu’une tendre maîtresse, sera une très précieuse conseillère et interprète pour Cortés.


Les premières conquêtes

Après un long voyage côtier, les Espagnols débarquent le 21 avril près d’une localité qui sera baptisée San Juan de Ulúa. Le gouverneur de la région accueille les visiteurs, mais ne se laisse pas trop impressionner par leurs merveilles techniques et leurs chevaux ; il vante la grandeur de son maître, l’empereur Moctezuma. Pourtant, la confiance de ce dernier est rongée par une sombre prophétie, celle d’un dieu très vénéré, Quetzalcóatl : des conquérants venus de l’Est, barbus et à la peau blanche, détruiront l’Empire aztèque. Contre ces adversaires, l’empereur cherche d’abord à temporiser. De magnifiques présents sont offerts aux visiteurs indésirables, notamment un grand disque en or finement gravé, représentant le Soleil. Ces richesses attisent évidemment l’envie de Cortés d’aller plus avant dans ce pays : on touche peut-être, enfin, à ces contrées décrites par les anciens récits de voyages et dans lesquelles l’or pave les rues des cités...

Un premier obstacle vient des Espagnols eux-mêmes, des adversaires plus ou moins déclarés de Cortés. Avec habileté, ce dernier confirme son autorité en se faisant élire capitaine général d’un nouvel établissement espagnol, « Villa Rica de la Vera Cruz », à 80 km de l’actuelle Veracruz. Vis-à-vis des Indiens, il fait bientôt preuve, également, de son génie politique en soulevant la population d’une ville voisine, Cempoala, contre les collecteurs d’impôts de Moctezuma. Mais, par un double jeu machiavélique, il libère les fonctionnaires impériaux, ce qui pourra inciter Moctezuma à penser que les mystérieux visiteurs peuvent être des alliés contre les rebelles de la côte...


La montée vers Tenochtitlán

Par son extraordinaire décision de « brûler » ses vaisseaux (ils sont, en fait, simplement échoués et leur coque est trouée), Cortés oblige enfin tout son monde à le suivre vers l’intérieur bon gré mal gré (16 août 1519). Après avoir quitté la « tierra caliente », à la végétation exubérante, on atteint les environs de Tlaxcala, cité, réputée pour son hostilité latente au pouvoir central. Les 1er et 2 septembre, deux grandes batailles ont pourtant lieu contre les troupes de la région, qui sont décimées par la petite artillerie espagnole et dispersées par la science militaire de soldats qui ont été à l’école de la plus fameuse armée du monde. Les gens de Tlaxcala doivent se soumettre ; ils offrent même leur alliance, et les Espagnols leur donnent peu après l’occasion de noyer dans le sang une vieille rivalité avec les habitants de la ville de Cholula : des milliers de victimes innocentes sont le prix de la politique tortueuse de Cortés. Mais la voie de Tenochtitlán, la capitale de l’Empire, est désormais ouverte. Cortés s’y lance le 1er novembre par une route déjà enneigée, au pied du Popocatepetl.

Pour tenter encore de l’arrêter, Moctezuma propose un tribut aux Espagnols s’ils consentent à cesser leur randonnée. Sans succès : une dernière embuscade, dirigée par le propre neveu de l’empereur, ne vient pas à bout de la résolution espagnole. Enfin, le 8 novembre, c’est la dernière étape vers la capitale, édifiée sur une lagune : on l’atteint par des digues de plus en plus larges. Moctezuma doit se résoudre à accueillir, très cérémonieusement, l’envahisseur, auquel il fait une sorte de soumission en l’assimilant au grand Quetzalcóatl.


Cortés établit son pouvoir

Quelques jours plus tard, la visite du grand « teocalli », où des autels ruissellent encore du sang des victimes sacrifiées aux divinités aztèques, permet à Cortés de dénoncer les abominables faux dieux : le contact des deux civilisations ne peut plus s’accommoder d’une certaine coexistence. Malgré la sympathie certaine qui le lie à Moctezuma, en qui il voit une malheureuse victime de Satan, Cortés saisit un prétexte, l’assassinat de quelques Espagnols à Villa Rica, pour s’emparer de la personne de l’empereur. Complètement démoralisé depuis longtemps, Moctezuma abdique au profit de Charles Quint.

À peine ce triomphe acquis, Cortés doit lutter contre d’autres adversaires, ses propres compatriotes, qui ne croient pas, eux, à sa quasi-divinité... Un envoyé de Velázquez, Pánfilo de Narváez, débarque au Mexique le 23 avril 1520, avec 900 soldats, pour mettre à la raison le vainqueur des Aztèques, qui n’est qu’une sorte de rebelle. Le 29 mai, Cortés et ses 266 hommes remportent une victoire totale sur Narváez, dont les soldats se joignent aussitôt aux premiers occupants.