Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Corse (suite)

Il reste peu de chose de l’Alalia phocéenne, mais bien plus d’Aléria, romaine pendant près de six siècles. Les fouilles livrent peu à peu thermes, forum, portiques, maisons, nécropole, remparts ; au fort-musée de Matra sont conservées, à défaut de monuments grandioses, des collections d’objets funéraires d’un intérêt considérable pour l’histoire de toute la Méditerranée antique. Le second site romain important est celui de Mariana. Une ville entière, détruite à plusieurs reprises, est là, que les fouilles commencent à mettre au jour ; les vestiges et les mosaïques d’un baptistère du ive s. sont parmi les plus émouvants témoignages des premiers siècles chrétiens en Corse.

Il faut attendre le xie s. pour voir fleurir une nouvelle architecture, importée par les Pisans. Pendant deux siècles (1077-1284), ceux-ci vont bâtir églises et chapelles dans leur style si particulier, reconnaissable à l’alternance des assises de pierre claire et foncée, à la perfection de l’appareil, à la qualité du décor sculpté des arcatures, des linteaux et des modillons. Peu de grands édifices à trois nefs, sinon d’anciennes cathédrales (la Canonica à Mariana et celle de Nebbio à Saint-Florent). Mais de petites chapelles à nef unique, couvertes en charpente (la Trinité d’Aregno, San Quilico de Cambia, Saint-Jean de Carbini, San Michele de Murato, Saint-Rainier de Montemaggiore, Saint-Pierre de Lumio, Santo Pietro-di-Tenda).

Bien d’autres églises conservent jusqu’en plein xve s. les structures de ces édifices romans, devenues traditionnelles. Cela explique le peu de succès du style gothique en Corse. Seules les églises de Bonifacio, Sainte-Marie-Majeure, Saint-Dominique (xiiie-xive s.) et Saint-François (xive s.), sont voûtées d’ogives. Mais, à l’intérieur de l’île, surtout à l’est de Corte, en pleine montagne, les chapelles de cimetières sont ornées de fresques gothiques sur les parois de l’abside, le cul-de-four et l’arc triomphal. Programme iconographique habituel que l’on retrouve dans les Alpes italiennes et françaises : le Christ en gloire, entouré du tétramorphe, avec au-dessous le registre des douze Apôtres, auxquels s’ajoutent saint Michel, saint Christophe et les patrons du pays. À travers la répétition des mêmes formules, les divers ateliers de peintres témoignent pour la plupart de leur formation génoise et lombarde (chapelles ou églises d’Aregno, de Sermano, de Favalello, de Valle-di-Campoloro [Sainte-Christine], de Castello-di-Rostino, de Castirla, de Gavignano). Cet ensemble cohérent et d’une réelle qualité, restauré récemment, date de la seconde moitié du xve s. et des environs de 1500.

Tout au long du littoral, les nombreuses tours génoises représentent une architecture militaire assez simple : tours de guet destinées à annoncer les menaces de débarquements de pirates. Mais les villes fortifiées de Calvi, de Bonifacio, d’Ajaccio, de Bastia, de Porto-Vecchio ont des citadelles d’une solide puissance défensive, établies au xvie s. par des ingénieurs transalpins.

L’art classique est, lui aussi, marqué par l’Italie. La cathédrale d’Ajaccio, en croix grecque avec coupole octogonale, a été construite de 1554 à 1593. Le plan est analogue dans les anciennes cathédrales de Calvi et de Cervione (v. 1580). Mais, à côté de ces œuvres classiques rigoureuses, l’art baroque a laissé en Castagniccia, à La Porta, un clocher (1720) d’une exubérance extraordinaire. Enfin, pour le xviiie s., il faut mettre à part le somptueux décor rocaille, blanc et or, de la confrérie Sainte-Croix de Bastia. Quant à l’architecture civile, elle n’a laissé aucun palais comparable à ceux de Gênes. La modicité des moyens de la noblesse corse en est la raison. La maison natale de Bonaparte à Ajaccio, réaménagée avec le mobilier d’origine de Mme Letizia, est une demeure modeste, en dépit des prétentions de la Salle de réception.

L’oncle maternel de Napoléon, le cardinal Fesch (1763-1839), ayant légué à Ajaccio, sa ville natale, une importante collection de tableaux italiens, ceux-ci sont présentés en partie dans une aile du palais Fesch, élevé par Napoléon III. Le château de la Punta surplombe les golfes d’Ajaccio et de Sagone. Il a été bâti par le duc Pozzo di Borgo, de 1886 à 1894, avec des matériaux de l’un des pavillons des Tuileries de Paris, détruites en 1871.

F. E.

Cortés (Hernán)

Conquérant espagnol du Mexique (Medellín 1485 - Castilleja de la Cuesta, près de Séville, 1547).


Colomb avait ouvert la voie d’un monde nouveau, mais il avait échoué dans la quête de l’or, qui était l’un de ses grands objectifs ; un autre de ses buts, la conquête des âmes, sera de courte durée, puisque les Antillais disparaîtront à peu près complètement après l’occupation de leurs îles par les chrétiens. Cortés, lui, trouvera de l’or en quantité appréciable et des âmes nombreuses à sauver dans cette immense Terre-Ferme qui barre le chemin de l’Orient et que Colomb aurait tant voulu percer lors de son dernier voyage. Mais lui aussi, malgré son œuvre qui égale presque celle du Découvreur, sera la victime d’une certaine disgrâce : ses conquêtes ne suffiront pas non plus à répondre aux immenses besoins de son souverain ; d’autres conquistadores devront chercher plus loin encore de quoi nourrir la grandeur de l’Espagne.


Une longue maturation

De petit noblesse campagnarde, le futur conquistador commence à quatorze ans de bonnes études à la grande université de Salamanque. Rebuté par certaines matières, sans doute incapable de faire bonne figure parmi ses camarades plus fortunés, turbulent et agité, il se tourne vers le métier des armes et fait ses classes dans la redoutable infanterie espagnole. Mais les « Indes » ont plus d’attrait que les champs de bataille d’Italie, et le jeune homme cherche vite à s’embarquer sur la mer océane. Arrivé à l’île d’Hispaniola (Haïti) en 1504, il y obtient, en vertu du système du « repartimiento », une concession de terre et les Indiens nécessaires pour la travailler. Dès lors, son existence se partage entre des intrigues amoureuses (qui lui valent, de la part de jaloux, les balafres de son visage) et les expéditions dans l’intérieur de l’île pour réduire les révoltes des Indiens. En 1511, il participe à la conquête de Cuba, secondant le gouverneur de l’île, Diego Velázquez. Une rivalité implacable se développe bientôt entre les deux hommes, et Cortés prend la tête d’une cabale de mécontents, ce qui lui vaut plusieurs arrestations ; il s’évade chaque fois, se réconcilie avec Velázquez et se retrouve finalement « alcade » de Santiago de Baracoa.