Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Corse (suite)

Dès 1396, des relations s’établissent entre le royaume de France et la Corse : à l’appel de la république de Gênes, Charles VI délègue dans l’île le maréchal Jean II Boucicaut (v. 1366-1421), qui la gouverne jusqu’en 1409. Au cours de la seconde moitié du xve s., les Corses commencent à émigrer vers la France, et François Ier crée un régiment corse. Le commandant de ce régiment, Sampiero d’Ornano dit Sampiero Corso (1498-1567), reconquiert l’île, mais le traité du Cateau-Cambrésis restitue la Corse à Gênes. Beaucoup plus tard, au xviiie s., Gênes doit faire appel de nouveau à des alliés pour maîtriser la révolte qui s’était étendue à la plus grande partie de l’île à partir de 1729 : la France, sollicitée, intervient (1738-1740 et 1743-1752), mais cherche l’apaisement plus que la soumission. Le soulèvement n’avait trouvé qu’un chef éphémère, en 1736, lorsque Théodore Neuhof (1694-1756) tenta l’aventure d’un royaume corse ; dirigée par Pascal Paoli (1725-1807) à partir de 1755, la révolte s’organise, et un véritable gouvernement insulaire apparaît pour la première fois dans l’histoire. Mais Gênes transfère ses droits sur l’île à la France par les traités de Compiègne (1764) et de Versailles (1768). Paoli proteste auprès de Choiseul contre ce dernier traité et la Consulte générale de Corte décrète la levée en masse des Corses : la défaite de ceux-ci devant les troupes françaises à Ponte-Novo (8 mai 1769) ruine les projets d’indépendance corse. La création d’états provinciaux et d’une cour souveraine de justice, le respect des traditions et la recherche de nouvelles possibilités de mise en valeur agricole sous le long gouvernement du lieutenant général de Marbeuf (1768-1786) renforcent le préjugé favorable dont bénéficiait la France.

La Révolution française détermine l’adhésion de la Corse à la France : à la suite des manifestations populaires de Bastia du 5 novembre 1789 et à la demande du député Antoine Christophe Saliceti (1757-1809), l’Assemblée nationale constituante décrète, le 30 novembre, que « l’île de Corse faisait partie intégrante de l’Empire français et que ses habitants seraient régis par la même Constitution que les autres Français ». Gênes proteste alors. Mais, à la demande de Mirabeau, l’Assemblée nationale, le 20 janvier 1790, rejette ses représentations de droit, faisant valoir que « le principe sacré en cette matière, c’est le vœu du peuple ».

De 1793 à 1796, Pascal Paoli mène, avec l’aide de l’Angleterre, une ultime tentative de sécession, qui est réduite sans difficultés par Bonaparte. Bien que l’île n’ait guère tiré de profit de l’accession d’un Corse à l’Empire, si ce n’est par les arrêtés Miot, qui instituent un régime fiscal et douanier spécial, la personnalité de Napoléon et le culte de l’Empereur, malgré la persistance de réserves, assurent l’intégration de la Corse à la France.

À partir du milieu du xixe s., malgré une intense participation politique qui n’est pas dégagée des traditions de la lutte de clans, la vie insulaire est marquée par une grave crise démographique et économique. L’économie de subsistance entretenait une population en surnombre, qui abandonnera la montagne lorsque d’autres perspectives se profileront : Bastia et Ajaccio accueillent une fraction des émigrants, mais la plupart des Corses sont attirés par les activités tertiaires.

La Corse est occupée par les forces de l’Axe pendant la Seconde Guerre mondiale, mais, le 8 septembre 1943, mettant à profit la capitulation de l’Italie, les patriotes corses déclenchent l’insurrection qui aboutira, après un mois de combats et avec l’appui de troupes expédiées d’Alger, à la libération de l’île.

Des problèmes sociaux, engendrés en partie par la mise en valeur de la plaine orientale par des rapatriés d’Algérie, ont de graves répercussions sur le plan politique. Certaines aspirations autonomistes apparaissent alors au grand jour et une grave crise éclate en 1975 (heurts d’Aléria).

G. G.

 A. Rondeau, la Corse (A. Colin, 1951 ; nouv. éd., 1964). / R. Grosjean, Filitosa et les monuments protohistoriques de la vallée du Taravo (G. Lefebvre, 1962). / J. Jehasse, Aléria grecque et romaine (Audin, Lyon, 1963). / P. Arrighi, Histoire de la Corse (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1966 ; 2e éd., 1969) ; la Vie quotidienne en Corse au xviiie s. (Hachette, 1970) ; Histoire de la Corse (Privat, Toulouse, 1971). / R. Grosjean, la Corse avant l’histoire (Klincksieck, 1966). / J. Gregori, Nouvelle Histoire de la Corse (Martineau, 1967). / G. Moracchini-Mazel, les Églises romanes de Corse (Klincksieck, 1967) ; les Monuments paléochrétiens de Corse (Klincksieck, 1967) ; Corse romane (Zodiaque, La Pierre-qui-Vire, 1972). / P. Arrighi, la Vie quotidienne en Corse au xviiie siècle (Hachette, 1970). / E. Emmanuelli, Précis d’histoire de la Corse (Éd. Cyrnos et Méditerranée, 1970). / J. Hureau, la Corse d’aujourd’hui (Arthaud, 1970). / Front régionaliste corse, Main basse sur une île (Jérôme Martineau, 1971). / Problèmes d’histoire de la Corse, de l’Ancien Régime à 1815 (Clavreuil, 1971). / P. Antonetti, Histoire de la Corse (Laffont, 1973).


L’archéologie et l’art

Les gisements préhistoriques se situent au sud de l’île. La grotte sépulcrale de Curacchiaghiu (commune de Lévie) remonte au VIe millénaire et serait la plus ancienne de tout le Bassin méditerranéen. Au IIIe millénaire vit une population pastorale, qui utilise les outils de pierre du Néolithique. Coffres de dalles polies, dolmens, mégalithes, alignements se répartissent surtout dans la vallée du Taravo. Mais, vers le milieu du IIe millénaire, les menhirs deviennent sculptures et prennent l’aspect de statues anthropomorphes d’une puissante originalité. Sans doute s’agit-il de représentations funéraires. Mais, à Filitosa, certaines statues mutilées, réutilisées dans des constructions fortifiées, sont la preuve d’une invasion de guerriers venus de la mer vers 1400-1200 av. J.-C., à l’âge du bronze moyen. Monuments circulaires à chambre, galeries et tours d’allure cyclopéenne caractérisent cette civilisation dite « torréenne ». Avec Filitosa, l’oppidum de Cucuruzzu, près de Lévie, est, sur son éperon dominé par les aiguilles de Bavella, d’un aspect saisissant.