Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Corée (suite)

L’alliance de Sil-la avec la Chine allait jouer un rôle essentiel pour la pénétration des idées chinoises en Corée. La société fut fortement hiérarchisée, à commencer par la famille royale elle-même, divisée en deux kol (« os ») : les sŏng-kol (« os saints »), pour ceux dont le père et la mère étaient de sang royal, et les čin-kol (« os véritables »), pour ceux dont seul le père ou la mère était de sang royal. La noblesse comportait 17 degrés ; des prérogatives et des obligations bien précises étaient attachées à chacun de ceux-ci.

Le pays, divisé en neuf provinces, connut une administration centralisée, et, afin de s’assurer de la loyauté des fonctionnaires originaires des pays conquis et choisis, de préférence, dans des familles importantes, ceux-ci étaient envoyés, à tour de rôle, à la capitale, jouant ainsi le rôle d’otages.

Dès le ive s., l’enseignement du chinois s’était répandu dans les trois États péninsulaires. Lorsque Sil-la eut unifié tout le pays, les échanges d’ambassades avec la Chine furent nombreux, créant un climat propice aux échanges intellectuels et matériels : beaucoup de livres chinois parvinrent en Corée, et des Coréens furent nombreux à aller en Chine pour y étudier les classiques. Les moines coréens (le bouddhisme fut introduit à Ko-gu-ryŏ en 372) allèrent également étudier en Chine et contribuèrent à la propagation du bouddhisme dans la péninsule. L’influence de cette religion, qui passait pour assurer une protection efficace contre les calamités de toutes sortes, se retrouve dans tous les monuments de cette époque, le plus célèbre d’entre eux étant sans conteste le Pul-kuk-sa, situé près de Kyŏng-ču (province de Kyŏng-sang-Puk-do).

Notons enfin que, si une partie de la population vécut dans une certaine opulence — la terre, propriété de l’État, était, en théorie, concédée à titre d’usufruit mais fut l’objet d’accaparement —, le reste de la population connut souvent un sort misérable.


La dynastie Ko-ryŏ (935-1392)

Dès la fin du ixe s., la dynastie Sil-la connut des troubles internes assez graves : révoltes paysannes, mais surtout formation de bandes rivales qui, devant la faiblesse croissante du gouvernement central, cherchaient à s’emparer du pouvoir. Le chef d’une de ces bandes, un certain Wang Gŏn, commença par former un État dit de Ko-ryŏ, puis se débarrassa d’un de ses rivaux, qui voulait restaurer l’ancien État de Päk-če ; enfin, il fit abdiquer à son profit Kyŏng-sun (927-935), le dernier monarque de Sil-la.

Wang Gŏn, fin politique, épousa, après sa victoire, une princesse de la famille régnante de l’ancienne dynastie, assurant ainsi la continuité et la légitimité du pouvoir. Il pratiqua parallèlement une politique d’apaisement, confiant de hautes charges à ses anciens ennemis, les ralliant ainsi à sa cause. Sur le plan intérieur, on procéda à une réorganisation administrative ; les candidats à une fonction publique devaient avoir subi avec succès les examens pour le recrutement des fonctionnaires (koa-gŏ). Les codes chinois furent repris avec quelques aménagements pour répondre aux conditions locales.

L’administration était assumée par des yang-ban (littéralement « les deux classes » — à savoir celle de l’Est, à qui incombaient les tâches civiles, et celle de l’Ouest, dont les membres occupaient les emplois militaires). Les yang-ban de l’Est affichaient un grand mépris pour leurs collègues de l’Ouest, dont les emplois étaient considérés comme beaucoup moins nobles par les lettrés confucéens.

Le souci de tenir le pays bien en main apparaît dans l’organisation militaire. Un service militaire généralisé fut institué pour tous les hommes âgés de seize à soixante ans, dont seuls l’aristocratie, les fonctionnaires et les esclaves étaient exempts. L’armée était divisée en deux parties, dont l’une tenait garnison à la capitale.

L’institution de cette conscription généralisée permit d’opposer aux invasions des Khitans, en 947, une armée forte de près de 300 000 hommes. En effet, en Chine, la dynastie Tang (T’ang) s’était terminée par une grande révolte paysanne, et le pouvoir passa, au nord du pays, aux envahisseurs khitans, qui régnèrent sous le nom de Liao (Leao) [907-1125].

Ko-ryŏ essaya d’entretenir des rapports amicaux avec les Liao (Leao), mais également avec les cinq dynasties éphémères qui régnèrent sur une partie de la Chine de 907 à 960, puis avec celle des Song (960-1279). Lorsque les Liao (Leao), après avoir détruit le royaume de Pohai (P’o-hai) [926], situé le long du Tu-man, devinrent de ce fait les voisins immédiats de Ko-ryŏ, ce dernier essaya de temporiser avec eux, car ils devenaient menaçants ; mais, ne pouvant compter sur aucune aide des Song, il dut repousser seul les attaques de plus en plus violentes des Liao.

En 1019, la paix ne fut obtenue qu’après que Ko-ryŏ eut accepté de laisser à son adversaire une partie du nord-ouest de son territoire. Ces cessions territoriales ne devaient pas être les seules : d’autres envahisseurs, les Djurtchets (Nüzhen ou Niu-tchen), fondateurs de la dynastie des Jin (Kin) [1115-1234], apparurent aux confins septentrionaux, et Ko-ryŏ dut encore céder une partie de son territoire. Ko-ryŏ, trop affaibli par les attaques précédentes, ne put s’opposer à ces cessions. De plus, les combats et les levées d’armées utilisées pour repousser les envahisseurs avaient fortement altéré l’économie coréenne.

On assista alors à une série de soulèvements de paysans, excédés par les impositions trop lourdes, en même temps qu’à la lutte de factions rivales désireuses de s’emparer du pouvoir. Il est facile, dès lors, de comprendre que, lorsque les cavaliers mongols, après avoir écrasé les Jin, passèrent la frontière sous prétexte que Ko-ryŏ était responsable du meurtre d’un de leurs envoyés, les Coréens ne purent leur offrir que peu de résistance. Le roi se réfugia dans l’île de Kang-hwa et ne dut son salut qu’au fait que les Mongols, concentrant tous leurs efforts pour venir à bout des Song méridionaux, relâchèrent momentanément leur emprise sur la Corée. Il dut néanmoins envoyer son fils en otage à la cour du Grand Khān. Les Mongols contrôlèrent dès lors le gouvernement coréen par l’intermédiaire de « commissaires résidents » et par l’obligation, pour les princes coréens, de prendre épouse dans la famille royale mongole, tout en utilisant, dans bien des cas, la Corée comme une source de main-d’œuvre.