Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Corée (suite)

Une fois constatée l’évidente complémentarité économique des deux Corées, le Sud surtout agricole et le Nord riche en minerais et en énergie, plutôt que de s’attarder à des regrets stériles, il vaut mieux admirer la manière dont chacune s’attache avec persévérance à développer le secteur qui la déséquilibre : l’une au comportement en fait insulaire, puisqu’une frontière infranchissable la ferme au nord, l’autre vivant au contraire en relations étroites avec ses voisins immédiats, chinois et soviétiques. Des deux côtés aussi, une mutuelle méfiance, aussi vive que peu raisonnée, pousse à des investissements militaires considérables, et le fait que 150 km seulement séparent les deux régions vitales de Séoul et de P’yŏng-yang rend à la fois hermétique et fragile une frontière acceptée de part et d’autre avec regret.

J. P.-M.


L’histoire


Les temps préhistoriques

Il est difficile de dire avec exactitude à partir de quelle date la péninsule coréenne a été habitée. On a cru longtemps que les sites archéologiques recelant des traces d’habitats dataient de l’époque néolithique. Les fouilles reprises ou continuées sur certains de ces sites, ainsi que des moyens scientifiques plus modernes permettent de faire remonter cet habitat à l’époque paléolithique.

L’origine exacte des premiers habitants est également difficile à établir. Néanmoins, les poteries néolithiques, qui sont réparties en trois groupes, se retrouvent respectivement : les premières, dans la Chine du Nord, en Mongolie et en Mandchourie ; les deuxièmes, en Mongolie et dans le nord de l’Europe ; les troisièmes, en Chine, principalement dans le Gansu (Kan-sou) et le Henan (Ho-nan). Il semble donc que la Corée ait été peuplée à la suite de mouvements de populations venant de l’Asie du Nord-Est.

L’histoire légendaire, quant à elle, rapporte que le fondateur de la Corée, ou plus exactement d’un pays dit le Čo-sŏn (que l’on traduit généralement par Matin calme), est Tan-gun, fils d’une ourse métamorphosée en femme et d’un certain Han-ung.


L’occupation chinoise

À la fin du iiie s. av. J.-C., un nommé Wi Man (en chin. Wei Man), qui n’avait pas voulu se soumettre à la nouvelle dynastie régnante de Chine (celle des Han), suivi par un millier de personnes, franchit le Ya-lu (ou Yalou) et vint s’établir dans le nord de la Corée. En 128 av. J.-C., l’empereur Han Wudi (Wou-ti) [140-87] soumettait U-gŏ, petit-fils de Wei Man, et établissait la commanderie dite de Č’ang-hä (en chin. Canghai [Ts’ang-hai]), dont l’existence fut très brève (à peine trois ans).

Une vingtaine d’années plus tard, l’empereur Wudi (Wou-ti) parvenait à occuper la plus grande partie du nord de la Corée et la divisait en quatre commanderies (Hyŏn-do, Nak-nang, Im-dun et Čin-bon ; en chin. Xuantu [Hiuan-t’ou], Luolang [Lo-lang], Lindun [Lin-touen] et Zhenfan [Tchen-fan]). Les commanderies d’Im-dun et de Čin-bon, les plus méridionales et par conséquent les plus éloignées du gouvernement chinois, échappèrent rapidement à l’emprise de ce dernier.

Les trois siècles suivants virent de nombreux combats entre les Chinois et les chefs locaux, qui tantôt s’alliaient à la Chine pour combattre leurs propres ennemis, tantôt profitaient des faiblesses de l’État chinois pour malmener ce dernier.

Il n’est pas douteux que c’est par l’intermédiaire de l’occupation chinoise que les objets de bronze, puis de fer furent introduits dans la péninsule. Ces objets furent d’ailleurs rapidement fabriqués sur place. Les documents historiques chinois, les seuls dont nous disposions pour cette période, témoignent du haut degré de civilisation atteint dans cette partie d’Extrême-Orient. Enfin, les découvertes d’objets de toutes sortes faites dans les tombeaux et les chambres funéraires, richement décorées, construites à cette époque, confirment avec éclat ces indications.


Les premiers États

Le ier s. av. J.-C. vit la fondation de trois « États » : Ko-gu-ryŏ, Sil-la et Päk-če (ou Paikche) respectivement au nord, au sud-est et au sud-ouest de la Corée. Issus de tribus dont nous savons peu de chose, ces « États » étendirent leur domination sur les tribus voisines.

Ko-gu-ryŏ se heurta rapidement aux Chinois, et, en 384, ce qui restait des commanderies chinoises passait sous son contrôle. Fort de ces résultats, Ko-gu-ryŏ se tourna vers le sud pour entreprendre la conquête de la partie méridionale de la péninsule.

Päk-če fut le premier attaqué et dut abandonner à son puissant voisin plusieurs places fortifiées (392).

Sil-la jugea alors plus prudent de faire acte d’allégeance à Ko-gu-ryŏ. Il s’ensuivit un modus vivendi entre ces trois États, qui devait durer jusqu’en 450.

Après cette date, les combats reprirent de façon plus ou moins sporadique, et Päk-če essaya de s’allier aux Wei (535 - v. 550), puis aux Sui (Souei) [581-618] pour prendre Ko-gu-ryŏ en tenaille. Sil-la, de son côté, après avoir éliminé les pirates japonais qui le menaçaient sur ses arrières, mena une politique de double jeu, s’alliant soit avec l’un soit avec l’autre. Lorsque la dynastie des Tang (T’ang) [618-907] se sentit suffisamment forte, elle aida Sil-la à liquider ses deux voisins, Päk-če en 660-663, Ko-gu-ryŏ en 668.


L’unification par Sil-la (668-935)

La Chine garda une grande partie des territoires coréens et y installa des « protectorats » après en avoir déplacé une nombreuse population. Quelques années plus tard (671), Sil-la fut accusé de vouloir occuper lesdits territoires. Après cinq années de lutte, Sil-la ne put que garder le territoire de Päk-če, et ce n’est qu’en 735 que les Tang (T’ang) permirent à Sil-la d’exercer un droit de contrôle sur l’ancien territoire de Ko-gu-ryŏ, réalisant ainsi l’unification de la péninsule. Il semble que la décision chinoise ait été motivée, en partie, par l’accroissement, sur la frontière septentrionale, des attaques des Barbares, et par la fondation, au-delà de cette frontière, de nouveaux États jugés menaçants.