Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alberti (Rafael) (suite)

En 1939, la République espagnole s’effondre. C’est le deuil de l’exil. Alberti, avec l’aide de son ami Neruda, le grand poète chilien, part pour l’Amérique. Il s’installe en Argentine. Sa muse hésite Entre el clavel y la espada (Entre l’œillet et l’épée, 1941). La cruelle et douce souvenance de son pays natal le hante, et c’est sur le mode tragi-comique qu’il écrit El trébol florido (le Trèfle fleuri, 1940), une pièce où s’oppose, dans un conflit mythologique et galant, le marin et le berger, la mer et la terre. En 1944, il donne El adefesio (le Repoussoir), une tragédie paysanne qui rejoint la psychomachie de l’« auto sacramental » de El hombre deshabitado.

Puis c’est l’apaisement. La pampa, lieu privilégié des métamorphoses, restitue Alberti à lui-même, peintre-dessinateur et souverain maître des métaphores. Il vit de son pinceau et il s’amuse à écrire Baladas y canciones del Paraná (Ballades et chansons au bord de l’eau, 1954).

Alberti est aujourd’hui de retour en Europe. L’acuité du regard, la fougue et la ferveur, et, tant il est généreux, une solidarité pour le prochain qui ressemble fort à la communion, un don de soi bien proche de la vraie charité, voilà pour l’homme. Le délié de l’écriture, la couleur et le volume du mot, une invention verbale qui tantôt exprime, tantôt engendre une vision mythique, panique du monde, voilà pour le poète. Que l’événement, intime ou extérieur, mette le feu aux poudres, et Rafael Alberti, poète témoin, plantera un nouveau jalon de lumière sur le chemin raboteux de notre xxe siècle.

C. V. A.

 C. Couffon, Rafael Alberti (Seghers, coll. « Poètes d’aujourd’hui », 1966).

Albi

Ch.-l. du départ. du Tarn ; 49 456 hab. (Albigeois). Albi est le centre d’une agglomération d’environ 60 000 habitants, comprenant notamment la commune de Saint-Juéry.



Géographie

À 10 km en aval des rapides du Saut du Sabo, où le Tarn s’échappe du Massif central, la ville s’est établie sur le rebord de la terrasse de la rive gauche du Tarn, au cœur d’une ample dépression dominée à l’ouest par la cuesta calcaire de Cordes. La cathédrale Sainte-Cécile et le palais de la Berbie séparent le quartier de la Rivière, en amont, et celui de Castelviel, en aval, qui dominent le Tarn. Cette ville médiévale commerçante, faite de briques rouges, a été édifiée sur l’emplacement d’un ancien oppidum gaulois. De larges boulevards ont remplacé les fortifications ; dénommés lices dans leur partie orientale, ils constituent l’axe majeur de la cité. Au-delà, dans les quartiers récents, au tissu urbain beaucoup plus lâche, les habitations alternent avec les espaces fonctionnels (hôpitaux, cité administrative, jardin public). L’agglomération, qui s’est étendue vers l’est et vers le sud, s’est trouvée bloquée à l’ouest par l’ample courbe de la voie ferrée. Sur la rive opposée se situe le faubourg ouvrier de la Madeleine.

L’industrie est à l’origine de la croissance de la population, qui a plus que triplé depuis le début du xixe s. Fondée initialement sur la houille exploitée depuis 1899 à proximité même d’Albi, à Cagnac-les-Mines, l’industrie albigeoise utilise aujourd’hui essentiellement l’hydroélectricité, la thermoélectricité (centrale d’Albi) et le gaz de Lacq. Les Forges et Aciéries du Saut du Tarn, à Saint-Juéry, se sont tournées très tôt vers l’électrométallurgie. L’industrie moderne est représentée par quelques grandes usines : Verrerie ouvrière, fondée à la fin du xixe s. par des grévistes de Carmaux licenciés ; usine de textiles artificiels, filiale de la Viscose, établie aux Fourches, à l’est ; chaux et ciments de Ranteil, au sud.

Les activités tertiaires n’ont pas totalement disparu. Certes, la ville, située à l’écart des grands axes de communication majeurs, a perdu toute importance dans le commerce interrégional, mais elle reste un centre de distribution et de collecte agricole pour les campagnes voisines (céréales, lait). S’y ajoutent le tourisme de passage et la fonction administrative ; préfecture du Tarn, Albi ne rayonne cependant pas sur tout le département, car les concurrences de Castres au sud et de Toulouse au sud-ouest et à l’ouest sont très vives.

S. L.


Art

À la fin du xie s., le Languedoc jouissait d’une civilisation très évoluée, au sein de laquelle s’était développé le catharisme, dont la propagation fulgurante dans tout le Midi, et plus particulièrement la région albigeoise, mit un moment l’Église en péril. Les souvenirs de la croisade contre les cathares*, ou albigeois, par Simon de Montfort provoquant encore à la fin du xiiie s. des soulèvements populaires contre l’évêque et le Saint-Office, Bernard de Castanet, Grand Inquisiteur du Languedoc, décida de faire de la cathédrale Sainte-Cécile le symbole de la puissance ecclésiale et donna à son église l’aspect d’une forteresse.

La cathédrale constitue une excellente synthèse de l’architecture gothique méridionale ; commencée en 1282, elle était achevée, dans ses parties essentielles, un siècle plus tard. L’unique vaisseau est flanqué de chapelles logées entre les contreforts en forme de tourelles qui scandent le mur ; un mince bandeau de pierre surmontant les mâchicoulis souligne le chemin de ronde ; au-dessus de l’abside se dresse la tour du guetteur, tandis qu’à l’autre extrémité un formidable donjon, surélevé sous l’épiscopat de Louis Ier d’Amboise (1474-1503), constitue le clocher. Sur le flanc sud se détache, très blanc sur la brique rouge, un riche porche flamboyant, « le Baldaquin », exécuté sur l’ordre de Louis II d’Amboise (1503-1511). À l’intérieur, au revers de la façade occidentale, un pathétique Jugement dernier ; l’œuvre offrant de multiples ressemblances avec le Jugement dernier de Rogier Van der Weyden à l’hôtel-Dieu de Beaune, on a cherché une origine flamande à cette fresque monumentale. Pour la voûte, on fit appel à une équipe de peintres bolonais, qui, de 1508 à 1514, retraça toute l’histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament, à laquelle s’ajoute le merveilleux de la Légende dorée. Le chœur du chapitre est fermé par un jubé et une clôture en pierre extrêmement fouillée, surmontée de clochetons ajourés. On y voit des images polychromes de prophètes et de personnages de l’Ancien Testament à l’extérieur, d’apôtres à l’intérieur, avec, au-dessus des stalles, les anges musiciens qui constituent la séraphique escorte de sainte Cécile. À l’intense réalisme de ces statues, qui datent du xve s. et sont de style bourguignon, s’ajoute parfois un maniérisme discret, trace probable d’influences italiennes.