Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Confédération du Rhin (suite)

Cette idée se traduira par l’acte signé à Paris le 12 juillet 1806 : voulant « assurer la paix intérieure et extérieure du midi de l’Allemagne, pour laquelle l’expérience a prouvé depuis longtemps et tout récemment encore que la Constitution germanique ne pouvait plus offrir aucune sorte de garantie », seize princes déclarent se séparer à perpétuité de l’Empire germanique et s’unir par une confédération particulière sous le nom d’« États confédérés du Rhin », les principaux étant ceux de Bavière, de Wurtemberg, de Bade, de Berg et de Hesse-Darmstadt. Napoléon sera le « Protecteur » de cette Confédération — et aussi son allié : « Toute guerre continentale que l’une des parties contractantes aurait à soutenir deviendrait immédiatement commune à toutes les autres. » En vertu de ce principe, la France fournira en cas de guerre 200 000 hommes, et l’ensemble de la Confédération 63 000. L’acte constitutif jette d’autre part les bases d’une organisation de la Confédération : passant de Ratisbonne à Francfort, l’ancien Électeur de Mayence Dalberg portera le titre de prince primat de Germanie ; auprès de lui, une diète, composée de deux collèges (des rois, des princes), aura compétence pour les « intérêts communs » des États confédérés.

François II prend acte sans délai, renonçant à la couronne impériale, tandis que Napoléon énonce une politique de non-intervention, écrivant à Dalberg, le 11 septembre 1806 :

« Garantir le territoire de la Confédération contre les troupes étrangères et le territoire de chaque confédéré contre les entreprises des autres [...], là se bornent nos devoirs envers elle. Nous n’entendons en rien nous arroger la portion de souveraineté qu’exerçait l’empereur d’Allemagne comme suzerain [...]. Les affaires intérieures de chaque État ne nous regardent pas. »

En fait, la Confédération du Rhin sera le cadre d’ensemble dans lequel l’influence française et les intérêts français s’affirmeront et se développeront, selon les modalités propres à chaque État membre et en l’absence de toute institution commune : il n’y a pas trace de diète entre 1806 et 1814. La guerre — et d’abord la guerre déclarée par la Prusse — impose d’autres nécessités que celles de développements juridiques et institutionnels. Elle détermine l’élargissement spatial du système initial, et d’abord l’incorporation du grand-duché de Würzbourg (où règne le frère de l’empereur d’Autriche !), puis du royaume de Saxe, puis des cinq duchés de Saxe (dont celui de Weimar) ; si bien que la protection de l’empereur des Français s’étendra à l’ensemble de l’Allemagne, la Prusse exceptée : la Confédération du Rhin sera dès 1807 la Confédération des pays au-delà du Rhin...

Des liens familiaux unissent alors à l’Empire français plusieurs des États confédérés : après l’alliance franco-bavaroise, voici l’alliance franco-badoise, scellée grâce à Stéphanie de Beauharnais, et puis la promotion de Murat, beau-frère de Napoléon, au rang de grand-duc de Berg (1806-1808), celle de Joseph Fesch (1763-1839), oncle de l’Empereur, à la coadjutorerie de Ratisbonne et le mariage de Jérôme, roi de Westphalie, avec Catherine de Wurtemberg...

Napoléon, même sans favoriser la rédaction d’une véritable Constitution, ne considère-t-il pas « son » Allemagne comme un tout ? En 1807, son ministre des Affaires étrangères le lui conseille en ce qui concerne la politique commerciale. Napoléon s’y refuse, préférant négocier avec chaque État. Même constatation sur le plan religieux : Dalberg ne peut négocier un concordat pour l’ensemble de la Confédération.

Dans le processus de l’unification de l’Allemagne, le règne de Napoléon s’inscrit donc avec un « passif ». Mais il présente aussi un « actif » : il a opéré une simplification de la carte politique, sur laquelle on ne reviendra pas après sa chute ; il a jeté les bases d’un régime moderne de la navigation rhénane ; il a surtout fait prévaloir l’esprit de réforme.

Fustigé par Johann Philipp von Stadion (1763-1824) comme « l’homme de Napoléon », Maximilian Joseph de Montgelas (1759-1838), à Munich, écoute les « insinuations » françaises, introduit partiellement le Code civil dès 1807-08 et, simultanément, une Constitution qui répudie la notion historique de l’État, « simple agrégat de territoires hétérogènes », et se règle, suivant le mot d’un diplomate français, « sur celle de la France, de la Westphalie et du duché de Varsovie ». Sigismund von Reitzenstein (1766-1847) en Bade, Ernst Marschall von Bieberstein (1770-1834) à Nassau, le roi Frédéric Ier à Stuttgart suivent le même chemin. Création napoléonienne, la Westphalie reçoit en 1807 sa Constitution des mains mêmes de l’Empereur, qui adresse à Jérôme une lettre devenue célèbre : « Il faut que vos peuples jouissent d’une liberté, d’une égalité, d’un bien-être inconnus aux peuples de la Germanie et que ce gouvernement libéral produise, d’une manière ou d’une autre, les changements les plus salutaires au système de la Confédération [...]. »

Dans le grand-duché de Berg, c’est même une administration directe qu’assure, de 1808 à 1813, le Français Jacques Beugnot (1761-1835) avec l’assistance de Pierre Louis Roederer ; une Constitution est, en partie, instituée en 1812.

Cependant, la transformation politique n’a guère été au-delà de l’énoncé des principes : égalité des sujets, représentation par les notables, amélioration des rouages administratifs. Mais la transformation sociale a été poursuivie et le régime féodal démantelé, Napoléon écoutant des hommes comme le Westphalien Mallenkrodt. Il convient d’attribuer une importance certaine, du double point de vue du politique et du social, aux levées de conscrits : le système, disait Beugnot, donnait « une patrie à des hommes ramassés de dix ou douze dominations différentes et sur lesquels il n’avait pas, comme de l’autre côté du Rhin, passé une révolution ». D’autres réformes importantes pour l’avenir furent imposées, telle la parité des catholiques et des protestants (par exemple en Bade).

Napoléon a-t-il été, finalement, créancier ou débiteur de l’Allemagne confédérée ? Il lui a demandé beaucoup, par les servitudes du Blocus continental, par le fardeau du stationnement ou du passage de la Grande Armée, par l’augmentation des contingents requis, qui passèrent de 63 000 à 118 000 hommes.

En partie sous la menace des grandes puissances coalisées, les souverains, à l’exception du roi de Saxe, changeront de camp à l’automne 1813. Leurs sujets témoigneront souvent de plus de mémoire.

F. L.

➙ Varsovie [le grand-duché de Varsovie] / Westphalie (Royaume de).