Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

commerce international (suite)

Ces deux buts sont atteints au début du xvie s. : les épices coûtent à Lisbonne cinq fois moins cher qu’à Venise*. À partir de 1532, l’or d’Amérique afflue en Espagne par Séville ; après la mise en exploitation, en 1545, des mines de Potosí, les arrivages d’argent sont plus importants encore. Les contemporains s’étonnent de l’extrême cherté qui en résulte ; en fait, la révolution commerciale a déclenché une inflation dont seul Jean Bodin* comprend l’origine (1568) [v. Amérique latine].

En Espagne et au Portugal, le commerce est étroitement contrôlé par l’État. À Lisbonne*, le roi porte le titre de « seigneur de la navigation et du commerce », prélève sur les cargaisons des taxes de 30 à 60 p. 100. La Casa da India et da Guine reçoit et expédie les marchandises, dont elle fixe les quantités et les prix. À Séville*, la Casa de contratación prélève le cinquième des cargaisons et préside à l’organisation des deux flottes annuelles, dont l’une va vers l’isthme de Panamá, l’autre vers Veracruz, au Mexique. Au retour, elles se rejoignent à La Havane pour revenir à Séville, que Cadix bientôt supplante. Portugais et Espagnols ne sont pas seuls à s’intéresser à ce commerce nouveau. Anvers et les banquiers allemands y trouvent aussi leur profit. Bientôt Calvin lève l’interdiction canonique du prêt à intérêt. Hollande, Angleterre et France entrent en lice.


Les États et le commerce

Au lieu de se développer dans une relative liberté comme au Moyen Âge, le commerce international va, au xviie s., être réglementé par les rois. À la base de leur action, une doctrine : le mercantilisme. Selon elle, la richesse d’un État se mesure à la quantité d’or qu’il détient à l’intérieur de ses frontières. Le commerce extérieur doit donc s’organiser selon quatre principes. Il faut : prohiber l’entrée de produits fabriqués à l’étranger, par exemple les toiles peintes ; favoriser la sortie des produits fabriqués dans le pays ; restreindre ou même prohiber la sortie des matières premières nécessaires à l’industrie nationale ; favoriser l’entrée des matières premières dont l’étranger a le monopole et qui sont indispensables.

À ce mercantilisme, Colbert* donne une expression achevée. Il y ajoute le contrôle des fabrications artisanales dans et par les corporations ainsi que la création de manufactures d’État, destinées à éviter l’achat de denrées de luxe (tapisseries, glaces).

C’est à la jeune puissance hollandaise que Colbert s’en prend surtout. Elle n’a cessé de progresser pendant la première moitié du xviie s., héritière partielle d’un Empire portugais déjà en voie de décomposition et notamment de l’Indonésie, forte d’une marine experte et hardie, moins embarrassée par les règlements, jouant la carte des compagnies par actions. Amsterdam*, à son tour, supplante Anvers et, dès 1611, possède une Bourse. La puissance de ces « rouliers des mers », qui assurent la redistribution de la plupart des denrées, surprend les contemporains et irrite Colbert, qui pousse Louis XIV à la guerre contre les insolents « marchands de fromage ». Peine perdue. De la longue lutte entre France et Hollande, c’est l’Angleterre qui finalement sera la grande bénéficiaire ; mais, dans la première moitié du xviiie s., l’essor pris par le commerce français aux îles d’Amérique (c’est-à-dire aux Antilles) inquiète encore le gouvernement de Londres.

Contre les interdictions officielles, les Anglais recourent au commerce interlope (à la contrebande), qui est un défi au régime du « pacte colonial », où chaque colonie devait être la chasse gardée de sa métropole. Anglais et Français réalisent des profits considérables et scandaleux dans les voyages triangulaires. Un bateau part de Londres ou de Nantes, chargé de marchandises de peu de valeur ; il va les échanger sur la côte de Guinée et y embarque des esclaves noirs (le bois d’ébène), qu’il va vendre en Amérique. Il revient chargé de denrées coloniales qui ont une grande valeur. C’est en partie avec le bénéfice de ce commerce colonial que s’équiperont les premières manufactures modernes en Angleterre.


L’époque contemporaine : libre-échange et protectionnisme

À partir du xvie s., le cadre géographique des relations commerciales ne s’élargit guère ; mais, à l’intérieur de ce cadre, ces relations se font de plus en plus nombreuses, multipliées par les nouveaux moyens de transport qui apparaissent au xixe s., chemins de fer et navigation à vapeur, puis au xxe s. avec les transports automobiles, rendues plus faciles aussi par les moyens de communication à grande distance (téléphone, radiodiffusion).

Le xviiie s. a vu le libéralisme s’affirmer contre la réglementation étatique et, peu à peu, pour un temps triompher d’elle. À la liberté de la concurrence entre les particuliers, R. Cobden* et les partisans du libre-échange ont voulu, au xixe s., ajouter la liberté des échanges entre les divers États. La Grande-Bretagne, qui possédait une avance suffisante dans le domaine industriel, a écouté Cobden pour ne rien avoir à perdre à cette concurrence ; en quelques années, toutes les barrières tombent. Pendant soixante-dix ans, la « doctrine de Manchester » n’est pas sérieusement contestée par les Britanniques.

L’Europe, qui n’a pas dans son jeu d’aussi bonnes cartes, ne suit qu’avec prudence et pour peu de temps. Si Napoléon III et Michel Chevalier ont imposé aux industriels français le traité de commerce franco-anglais de 1860, le reste du monde a très vite retrouvé les pratiques protectionnistes préconisées dès 1841 par l’Allemand Friedrich List. Jules Méline fait voter en France des droits destinés à sauver l’agriculture de la concurrence des pays neufs (1892) ; par les tarifs McKinley (1890) et Dingley (1897), les États-Unis protègent leur jeune industrie. Dans l’Europe de 1914, la Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Danemark demeurent seuls fidèles au libre-échange.

La Première Guerre mondiale et la crise de 1929, qui affecte le monde entier, renforcent les tendances protectionnistes, qui ne se traduisent plus seulement par des droits de douane, mais aussi par des contingentements, voire des prohibitions. La Grande-Bretagne elle-même est emportée par le courant protectionniste. Après la Première Guerre mondiale et, plus encore, après la Seconde, ce sont les États-Unis, désormais première puissance industrielle du monde, qui demandent des échanges plus libres.

Pendant que le commerce extérieur se transforme en fonction de l’évolution économique des États et de la conjoncture internationale, les structures du commerce se modifient. La spécialisation est croissante : entre le commerce de détail et le commerce de gros apparaissent le commis voyageur, le représentant de commerce, le commissionnaire.