Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

commerce international (suite)

L’Antiquité méditerranéenne : de l’économie familiale aux thalassocraties et à l’unité commerciale du monde connu

À l’époque de l’économie familiale, alors que la famille s’étend à tous les descendants d’un même ancêtre mâle et à leurs esclaves, le commerce est limité à l’échange de quelques produits rares, qu’on ne peut trouver ou fabriquer sur place : le sel, le métal, parfois quelques tissus. Il ne s’agit que d’un complément.

Avec l’économie urbaine apparaissent les marchés : le paysan vient y vendre l’excédent de sa production sur sa consommation ; il achète ce que l’artisan urbain fabrique mieux qu’il ne saurait le faire ; dès l’Odyssée, le charpentier, le forgeron, le corroyeur, le potier apparaissent avec des métiers spécialisés, vendant ce qu’ils fabriquent ; ils sont commerçants en même temps qu’artisans.

Alors qu’en Orient les boutiques se pressent les unes contre les autres, ne laissant entre elles que d’étroits passages comme les souks d’aujourd’hui, en Grèce et en Italie le commerce s’ordonne autour d’une place rectangulaire, en général deux fois plus longue que large, avec des ateliers ou des boutiques sur trois des quatre côtés, l’espace libre pouvant être occupé par la vente périodique de produits agricoles. Il subsiste un colportage dans les villes comme dans les campagnes.

L’Antiquité a ignoré l’État au sens où l’Europe l’a entendu à partir du xvie s. ; de la cité, elle est passée à l’empire ; plusieurs de ces empires ont connu une grande activité commerciale, grâce surtout au trafic maritime.

• Les Crétois. La thalassocratie des Crétois apparaît au iiie millénaire et s’écroule vers 1400 av. J.-C. Les Crétois ravitaillent l’Égypte en bois du Liban, en vin, en huile, en parfums. À partir de 2500 av. J.-C., ils transportent le cuivre de Chypre et l’étain des Cassitérides ; ils disposent d’une industrie d’armes et de fabriques d’étoffes de laine qui travaillent pour l’exportation (v. Crète).

• Les Phéniciens. Après Byblos, qui transporte le papyrus, Sidon, vers 1500-1300, multiplie ses comptoirs en Méditerranée orientale ; Tyr en crée surtout en Méditerranée occidentale (Sicile, Sardaigne, Afrique du Nord, Espagne). La grande période phénicienne se termine au ve s. av. J.-C. (v. Phénicie). Seule Carthage* prolonge encore deux siècles la grandeur phénicienne.

• Athènes. Si le port ouest de la péninsule du Pirée est un port de guerre, les ports de la côte est sont réservés au commerce, avec des docks et une halle aux blés qui, au ve s., sont le siège d’un trafic étendu. Athènes* exporte des armes et des vases. Elle importe du blé de Thrace, de mer Noire, du papyrus et du lin d’Égypte, des bronzes d’Étrurie ; une partie de ces importations est réexportée. La marine de guerre, sous le couvert de la ligue de Délos, pourchasse les pirates, qui se cachent dans le lacis d’îles de la côte dalmate ou en Cilicie. Mais le commerce méditerranéen reste alors compartimenté : zone à prédominance phénicienne (Égypte, Asie Mineure), zone à prédominance carthaginoise (Sicile, Afrique du Nord), zone à prédominance étrusque (Italie au nord de la Campanie).

• Les conquêtes d’Alexandre au ive s. en Méditerranée orientale brisent ces cloisons étanches et établissent un large contact entre le monde grec et le monde oriental. Les principaux centres commerciaux sont alors à leur contact : Délos, Rhodes, Alexandrie. Les routes continentales paraissent prendre une importance nouvelle. Les conquêtes romaines, à partir des guerres puniques et du iie s. av. J.-C., élargissent et consolident ce qu’a commencé Alexandre. Pour la première fois dans l’histoire, toutes les rives de la Méditerranée sont unifiées sous une même domination. À la pax romana correspond, avec les Han, une pax sinica ; une route de la soie, par Antioche, l’Euphrate, Ecbatane, Merv, le Pamir, unit l’Empire romain à l’Empire chinois.

• Si les aires commerciales se sont ainsi rejointes et fondues, les techniques n’évoluent qu’avec lenteur. Le transport par route se heurte a de multiples difficultés : on ignore le collier d’épaules, l’attelage en file, l’art de ferrer le cheval. La valeur des routes romaines est plus certaine du point de vue de la stratégie que pour le trafic. Le tonnage des navires demeure limité ; on ne connaît pas le gouvernail d’étambot. Mais, depuis le viiie s. av. J.-C., on utilise la monnaie ; du change sortent des établissements qui rendent à peu près les mêmes services que les banques d’aujourd’hui, notamment dans le monde romain.

Le commerce de l’Europe avec l’Asie est déficitaire ; il faut l’équilibrer par des exportations de métal précieux. Du siècle d’Auguste au ive s. apr. J.-C., il a dû disparaître les deux tiers du stock d’argent et les quatre cinquièmes du stock d’or dont disposait l’Europe. Commence alors une évolution régressive, marquée par un repli autarcique des provinces sur elles-mêmes et aggravée par l’insécurité que créent les invasions continentales, sanctionnée par une réglementation étatique. Dans ce recul, Byzance et l’Orient résistent mieux que Rome et l’Occident.

Pendant les siècles du premier Moyen Âge jusqu’aux viiie-ixe s., un commerce à grande distance, limité à quelques produits de luxe, se maintient, grâce à des commerçants indistinctement appelés Syriens. Mais l’arrivée des Arabes sur toute la rive sud de la Méditerranée et les razzias normandes sur les côtes de la mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique paralysent le commerce maritime. Alors, le monde occidental retourne à une autarcie domaniale, autour de la villa. Le commerce a rétrogradé de plusieurs siècles.


Le Moyen Âge : après le morcellement féodal, une lente renaissance

Il faudra des siècles pour que le monde connu remonte la pente descendue en quelques décennies. Pendant les xe et xie s., il ne subsiste guère qu’un commerce occasionnel, où les domaines et les paysans vivant en autarcie se contentent de vendre leurs excédents. Le sel, le vin, parfois le blé donnent lieu à un commerce plus important ; autour de monastères ou en des lieux consacrés, des foires apparaissent. Parfois à cheval, souvent à pied, de pauvres colporteurs vont de village en village. S’il subsiste alors un grand commerce, c’est, semble-t-il, hors de l’Occident chrétien. Byzance, où l’Empire se maintient, est en relation avec Venise et Gênes, mais aussi avec les Scandinaves, dont les barques chargées de blé et de fourrures descendent le Dniepr pour le remonter pleines d’étoffes précieuses.