Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Akutagawa Ryūnosuke

Écrivain japonais (Tōkyō 1892 - id. 1927).


Auteur de contes et de nouvelles, d’essais autobiographiques et de recueils d’aphorismes, Akutagawa Ryūnosuke est considéré comme le maître de la génération littéraire de l’ère Taishō (1912-1927).

Désigné à l’attention du public en 1916 par le grand romancier Natsume Sōseki pour un récit de quelques pages, le Nez (Hana), inspiré d’un conte du Konjaku-monogatari (fin du xie s.), Akutagawa connut un succès immédiat et qui ne s’est jamais démenti. Un style vif, incisif, ironique, qu’il attribue à l’influence d’Anatole France, une prédilection marquée pour les thèmes du Moyen Âge japonais, auxquels il donnait des prolongements inattendus, un goût prononcé pour le fantastique, non sans une pointe de mystification, tout cela qui offrait un vif contraste avec les interminables développements de ses prédécesseurs, hantés par l’exemple des romanciers anglais du xixe s. ou de Zola, explique amplement cet accueil enthousiaste.

Avec une virtuosité stupéfiante, Akutagawa paraît s’amuser à récrire de vieilles histoires : Rashōmon, Dans les fourrés (Yabu no naka, que Kurosawa transposa dans son film Rashōmon), Figures infernales (Jigoku-hen) ; ou bien, dans d’éblouissants pastiches, il reproduit, à s’y méprendre, l’écriture de telle époque révolue : ainsi avec cette Legenda aurea japonaise de l’époque chrétienne, qu’il prétend avoir retrouvée dans un vieux manuscrit. Ce n’est qu’un jeu, mais qui cache une sorte de pudeur qui le fait se dissimuler sous ces masques protéiformes ; un défi aussi au destin, qu’il nargue et qu’il cherche à exorciser. Une hantise le possède en effet, qui le mènera au suicide : la terreur de la folie qui l’a saisi lorsque, enfant, il a entrevu sa mère dans l’asile où elle fut internée peu après sa naissance.

Déjà le héros du Nez était un moine obsédé par la longueur inusitée de cet organe, et le peintre des Figures infernales, qui exige, pour représenter les tortures de l’enfer, que l’on fasse brûler vive sous ses yeux une jeune femme, n’est pas plus sadique que le seigneur qui, accédant à sa requête, fait mettre à mort la propre fille de l’artiste.

Dans les Kappa, satire politique et sociale à la manière de Swift ou d’Anatole France, le narrateur raconte un voyage au pays imaginaire de ces monstres amphibies dont les mœurs sont une caricature du Japon de l’époque, mais le récit, chef-d’œuvre de lucidité amère, est, dès la première phrase, annoncé comme la sténographie des élucubrations « du malade no 23 d’une certaine clinique psychiatrique ».

Si les fragments autobiographiques, le plus souvent présentés du reste à la troisième personne, ne font qu’assez rarement allusion à des « troubles nerveux », il en est un, cependant, soigneusement mis au point quelques jours avant sa mort, qui nous livre les clés de toute une existence et de son destin tragique : c’est l’Engrenage (Haguruma). Avec la froide objectivité et la cruelle précision des termes qui le caractérisent, l’auteur y décrit minutieusement la lente montée de la folie dans son cerveau malade au cours des derniers mois de sa vie. Dans une Lettre à un vieil ami, jointe au manuscrit, il expliquait les raisons de sa décision de mettre fin à ses jours avant que le mal ne détruise son intelligence et sa volonté.

Il serait excessif, certes, de ramener toute l’œuvre d’Akutagawa à son obsession de la folie. Mais c’est elle qui donne une dimension pathétique à sa quête désespérée de la clarté, à sa haine des faux-fuyants, de l’hypocrisie, de l’ambiguïté, voire de l’esthétisme qu’il avait pourtant affiché un temps comme par défi. Akutagawa souffre profondément des contradictions de l’époque, et cette « vague inquiétude » dont il fait état dans la Lettre est tout autre chose qu’une allusion à sa santé précaire. Au déséquilibre d’une société désaxée par une mutation trop rapide, aggravé par les conséquences de la guerre et de la révolution russe, il a cherché tous les remèdes possibles. Le christianisme le fascine, comme le montrent ses légendes « chrétiennes » ; mais, en filigrane, on peut y lire les raisons de son échec au Japon. Celles-ci sont précisées dans un recueil de pensées posthumes, où il montre que le Christ est avant tout Un homme d’Occident (Saihō no hito). Les traditions nationales, avidement scrutées, se révèlent dépassées. Le socialisme, pour finir, le séduit, mais trop tard, alors qu’il n’a plus la force ni le courage de s’engager.

Son suicide, le 24 juillet 1927, fut ressenti partout comme un événement considérable, car chacun sentait confusément qu’il marquait la fin d’une époque et que la « vague inquiétude » d’Akutagawa était l’affaire de tous.

R. S.

 Akutagawa Ryūnosuke Zenshū (Œuvres complètes) [Tōkyō, 1954-1955 ; 19 vol.]. / A. Mori, Rashōmon et autres contes (trad., Gallimard-Unesco, 1965 ; coll. « Livre de poche classique », 1969).

Alabama

État (22e État, créé en 1819) du sud des États-Unis ; 133 667 km2 ; 3 444 000 hab. Capit. Montgomery.


L’Alabama présente tous les traits typiques du Sud. Le climat est subtropical humide. L’hiver est doux (10 °C de moyenne en janvier à Montgomery), avec un ou deux jours de chute de neige dans le centre de l’État ; il est un peu plus rude dans la région appalachienne. L’été est chaud (28 °C de moyenne en juillet à Montgomery). Les pluies sont abondantes en toutes saisons (surtout en hiver, avec un maximum secondaire en juillet ; minimums en mai et octobre). Sauf sur les hauteurs appalachiennes, qui portent des forêts de chênes, de frênes, d’érables, la végétation naturelle est constituée par des peuplements d’espèces de chênes et de pins propres au Sud ; les noyers, les tulipiers, les gommiers s’y rencontrent aussi. Dans l’extrême Sud apparaît la « mousse espagnole », épiphyte qui donne aux forêts, aux parcs et aux jardins des rives du Golfe leur aspect de forêt vierge.