Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alabama (suite)

Comme les autres États du Sud, l’Alabama a connu la monoculture du coton, permise par le climat et fondée sur l’esclavage des Noirs. Aussi a-t-il été un des premiers États confédérés d’Amérique lors de la guerre de Sécession. L’héritage de cette ancienne économie de plantation et de la guerre civile se traduit aujourd’hui par des problèmes raciaux (Selma et Montgomery ont connu des émeutes opposant ségrégationnistes et intégrationnistes) et par un sous-développement relatif (l’Alabama occupe avec la Louisiane et le Mississippi les dernières places pour le revenu par tête, le niveau sanitaire et l’instruction). L’Alabama est vraiment le cœur du Sud (the heart of Dixie).

L’Alabama comprend deux régions. L’une fait partie du système des Appalaches* ; les rides et vallées, les plateaux du Piedmont et de Cumberland ont leur terminaison méridionale dans l’État. Deux secteurs présentent un intérêt particulier : la vallée du Tennessee* pour partie, avec les aménagements modernes de la Tennessee Valley Authority (T. V. A.), et le Mineral Belt, à la bordure sud des Appalaches, riche en charbon et en minerai de fer. L’autre région appartient au bassin sédimentaire de l’Atlantique et du Golfe ; sa topographie est caractérisée par une série de plaines séparées par des cuestas ; une de ces plaines, le Black Belt, clairière naturelle de prairie sur un sous-sol calcaire, doit à ses sols noirs et fertiles d’avoir été très tôt colonisée et livrée à la culture du coton.

L’économie agricole actuelle résulte de transformations importantes. Par suite de l’émigration (vers les villes du Nord), les Noirs ont perdu la majorité, sauf en quelques comtés. Les Blancs ont aussi abandonné la campagne, et la population agricole ne représente plus que 20 p. 100 de la population totale. Le coton est encore cultivé, mais n’a plus son importance ancienne, tandis que l’élevage (bœufs de boucherie et vaches laitières) progresse partout à ses dépens (le Black Belt s’est converti en herbages) et que les cultures se diversifient (soja, arachide, maïs, prairies artificielles).

Depuis la fin du xixe s., l’Alabama possède une importante sidérurgie primaire, qui vient encore en tête des industries de l’État. Hauts fourneaux et aciéries de la région de Birmingham bénéficient d’un gisement de minerai de fer (1,6 Mt) et de charbon propre à la métallurgie (bassins de la Coosa, de la Cahaba et de la Warrior). La production de houille a fortement décliné, puis repris depuis 1973, comme dans les autres bassins américains, et on extrait aujourd’hui plus de 15 Mt.

Les autres industries sont représentées par les filatures de coton (dispersées dans tout l’État), les produits chimiques (dans la vallée du Tennessee en particulier), les produits du bois, notamment le papier (surtout dans le Sud, riche en forêts de conifères), les industries alimentaires, une petite production de pétrole et de gaz naturel, sans oublier un centre de la NASA.

Le développement de l’industrie et des services a accéléré le processus d’urbanisation (près de 60 p. 100 de population urbaine). Les principales villes sont Birmingham (307 000 hab. ; un des principaux nœuds ferroviaires du Sud, avec industries métallurgiques, chimiques et textiles, services commerciaux et financiers), Mobile (258 000 hab. ; fondée par les Français au début du xviiie s. et un des premiers ports des États-Unis pour le tonnage des importations [produits pétroliers en particulier]) et Montgomery (139 000 hab. ; centre administratif et carrefour ferroviaire).

P. B.

Alain (Émile Chartier, dit)

Philosophe français (Mortagne-au-Perche 1868 - Le Vésinet 1951).


Normalien, agrégé de philosophie, il enseigne à Pontivy, à Lorient, à Rouen, puis à Paris, où, de 1909 à sa retraite en 1933, il est professeur de rhétorique supérieure au lycée Henri-IV.

L’expérience des universités populaires, à laquelle il participe, et son entrée dans la vie politique aux côtés des dreyfusards (par la suite, il restera fidèle à l’idéologie radicale) l’engagent en même temps vers l’activité journalistique, d’où naîtront les Propos, à l’occasion desquels il choisit le pseudonyme d’Alain.

Plus de trois mille Propos quotidiens verront ainsi le jour entre 1906 et 1914. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Alain s’engage (il a quarante-six ans) et passe sous les armes deux ans et demi, au cours desquels il commence la rédaction de Mars ou la Guerre jugée (qui sera publié en 1921), de Quatre-Vingt-Un Chapitres sur l’esprit et les passions (publié en 1917 et refondu en 1941 sous le titre d’Éléments de philosophie), du Système des beaux-arts (1920, édition augmentée en 1926), ainsi que d’une pièce (le Roi Pot) et de Vingt et Une Scènes de comédie, dont la publication sera posthume. Démobilisé, il s’installe au Vésinet, où il vivra jusqu’à sa mort. Vers les années 30, devant la menace d’une nouvelle guerre, il avait fondé avec P. Langevin, P. Rivet et J. Baby le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, avant de prendre, en 1939, des positions fermement pacifistes. Entre-temps paraissaient notamment les Propos sur le bonheur (1925), les Idées et les âges (1927), Idées (1932), les Dieux (1934), qu’il jugeait le meilleur de ses livres, ainsi que des commentaires aux poèmes de Valéry (1929 et 1936).

Pour Alain, les idées n’existent pas : à chaque instant, il faut de nouveau les retrouver et aussitôt les perdre. Ce refus du système lui a fait parfois refuser le titre de « philosophe », et en effet, outre qu’il n’était pas tendre pour ceux qu’il nommait « philosophes de métier » ou « marchands de sommeil », il se rattache aussi bien à la littérature — n’ayant jamais dissocié la pensée de l’« action d’écrire ». Du refus de toute rature, de tout retour en arrière est né ce style rude et parfois obscur, complaisant au paradoxe, dont les beautés contrastent avec le goût de la clarté géométrique et la confiance en l’entendement qu’il exprime.