Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Colomb (Christophe) (suite)

Le dernier voyage

Colomb doit sans doute à Vasco de Gama de voir commanditer son dernier voyage : le Portugais, après avoir trouvé la route de l’Inde par l’est, est reparti fonder des comptoirs au Deccan ; un dernier effort va être tenté pour ouvrir enfin à l’Espagne la voie occidentale, la seule qu’elle puisse espérer désormais contrôler. Avec quatre caravelles seulement, Colomb part, en mai 1502, pour le plus dramatique de ses voyages. Après avoir subi une tempête, il reçoit un affront d’Ovando, qui lui refuse l’accès du port de Saint-Domingue. Mais le découvreur voit bien que la Providence ne l’a pas abandonné lorsque dix-neuf navires du nouveau vice-roi sont coulés par une tornade : celui qui transporte la fortune de Colomb, sous séquestre, est épargné. Le beau temps venu, ce dernier atteint le 30 juillet la côte de l’actuelle Honduras ; il se croit le long de la péninsule Malaise et cherche toujours le passage vers l’Inde véritable, à travers de terribles tempêtes. Pendant l’hiver 1502-03, il doit se réfugier à la Jamaïque, avec des bateaux « percés plus qu’un rayon de miel » (25 juin 1503). Prévenu par un hardi messager parvenu en pirogue, Ovando fera attendre les secours sept mois, pendant lesquels Colomb doit faire face à la révolte d’une partie de ses compagnons et aux menaces de plus en plus graves des indigènes.


La fin de Colomb

Colomb quitte enfin Haïti le 12 septembre 1504. L’amiral survivra peu à celle qui fut son principal soutien, Isabelle. L’imagination romantique a singulièrement noirci la fin de Colomb, « vieillard, abandonné de l’univers et couché sur un lit d’indigent dans une maison d’emprunt de Séville » (Lamartine). Il n’en est rien : revenu en possession d’une partie de ses biens, le découvreur s’éteint dans une noble demeure, entouré de nombreux serviteurs. Son fils Diego sera gouverneur d’Haïti.

Jusqu’au bout, Colomb n’a pas eu conscience d’avoir ouvert la voie vers un nouveau continent ; pour lui, le « Nouveau Monde » qu’il a découvert reste une annexe, peut-être lointaine, de l’Asie : ces territoires ne sont « nouveaux » que parce qu’ils sont désormais ouverts à la propagation de la foi. Beaucoup de ses contemporains y voient plus clair et réalisent l’immensité de la tâche qui les attend. Le temps des conquistadores approche. Colomb, qui appartient déjà au passé, rumine ce qu’il considère comme son échec : il n’a trouvé ni l’or nécessaire à la croisade ni la route de l’Inde.

S. L.

 C. de Lollis (sous la dir. de), La Raccolta colombiana (Gênes et Rome, 1892-1894 ; 15 vol.). / H. Vignaud, Histoire critique de la grande entreprise de Christophe Colomb (Welter, 1911). / S. E. Morison, Admiral of the Ocean Sea (Boston, 1942 ; trad. fr. Christophe Colomb, Julliard, 1958). / A. Ballesteros y Beretta, Cristobal Colón y el descubrimiento de America (Barcelone et Buenos Aires, 1945). / P. Revelli, Il Genovese (Gênes, 1950). / M. Mahn-Lot, Christophe Colomb (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1960) ; la Découverte de l’Amérique (Flammarion, 1970). / Œuvres de Christophe Colomb, présentées, traduites et annotées par A. Cioranescu (Gallimard, 1961). / C. Verlinden, Christophe Colomb (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1972).

Colombe (Michel)

Sculpteur français (? v. 1430 - ? v. 1514).


Il appartenait à une famille berrichonne installée à Bourges depuis plusieurs siècles. Comme son père, le sculpteur Philippe Colombe († 1457), il fut d’abord au service des familles nobles de la province et, par leur intermédiaire, entra en contact avec l’entourage immédiat du roi Louis XI, qui lui demanda même un projet pour son propre tombeau (1474). Il séjourna ensuite à Moulins, au service du duc Jean II de Bourbon. En 1496, on le trouve établi à Tours, où il résida jusqu’à sa mort (1514). Le miniaturiste Jean Colombe († à Bourges apr. 1529), continuateur de Fouquet*, était peut-être son frère. Si Michel Colombe fut manifestement considéré par ses contemporains comme le meilleur sculpteur français du temps, la majeure partie de son œuvre reste cependant inconnue. Pour la période berrichonne, il faut se contenter d’attributions qui, quoique vraisemblables, n’en sont pas moins hypothétiques (tombeau de saint Sylvain à La Celle, Cher ; retable de Baugy, Cher), et notre connaissance de son activité à la cour des Bourbons est tout aussi lacunaire (priant du duc Jean II à la Walters Art Gallery de Baltimore). La période tourangelle est mieux connue, car elle correspond à la réalisation de deux grandes commandes heureusement conservées : le tombeau de François II de Bretagne et de Marguerite de Foix (1502-1507), aujourd’hui dans la cathédrale de Nantes, et le retable de saint Georges (1508) pour la chapelle du château de Gaillon (Louvre). C’est également à cette époque que se placent les longues négociations (1510-1512) entre Marguerite d’Autriche et le vieil artiste au sujet des tombeaux de Brou. Malgré les interventions pressantes du peintre Jean Perréal, Colombe renonça à cette ultime entreprise.

L’analyse attentive du tombeau de Nantes permet de saisir l’importance du rôle joué par Colombe, non sans rapport avec celui de Fouquet dans le domaine pictural. Les grandes figures sculptées de cette œuvre capitale résument en effet les tendances nouvelles qui se font jour dans l’art français pendant la seconde moitié du xve s. Tandis que les ateliers bourguignons prolongent, non sans lourdeur parfois, le style puissant et lyrique créé par Sluter* et l’atelier de Champmol au début du xve s., on voit s’épanouir dans les pays de la Loire un art plus apaisé, aux formes simples et solides, qui affirme sa prédilection pour les lignes élégantes et les visages sereins. Bourges, Moulins et Tours, les trois résidences de Colombe, sont les principaux foyers de ce style, comme en témoignent nombre de sculptures encore conservées dans les églises et les musées de ces villes et des localités circonvoisines.

Non moins remarquable est le rôle joué par Colombe dans le développement de la première Renaissance française. Le tombeau de Nantes et le retable de Gaillon sont en effet au nombre des premières œuvres où l’on voit se juxtaposer le travail des ornemanistes italiens et celui des imagiers français. L’art de la Loire, si proche du classicisme dans sa recherche de la beauté paisible, était plus que tout autre à même d’accueillir les nouveautés italiennes.