Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Colomb (Christophe) (suite)

Le 18 février, bien mal en point, la Niña aborde à l’une des Açores, Santa María. Une procession est organisée dès le lendemain à une petite chapelle dédiée à la Vierge, mais les autorités portugaises sont très mécontentes de l’arrivée des intrus supposés venus de la Guinée, interdite aux Espagnols. Elles accueillent fort mal les rescapés et en retiennent même quelques-uns prisonniers. Après de difficiles négociations pour retrouver tous ses compagnons. Colomb peut enfin repartir, le 23 février. Une nouvelle tempête, pire que la précédente, l’oblige à se réfugier dans l’estuaire du Tage. Jean II fait contre mauvaise fortune bon cœur et accueille honorablement l’« amiral de la mer Océane » ; il en profite pour revendiquer les nouvelles terres découvertes. Réparée, la Niña lève l’ancre le 13 mars et entre à Palos de Moguer le 15, précédant de quelques heures la Pinta, qui avait déjà touché terre en Galice.

La gloire de Colomb commence à Séville, où il arrive pendant la semaine sainte. Pour rejoindre la cour, alors à Barcelone, une colonne est organisée, qui soulève une immense curiosité dans toutes les villes traversées avec ses « Indiens » porteurs de perroquets, ses plantes rares, ses animaux empaillés... Reçu en grande pompe par les souverains, Colomb est anobli. Son succès obligea Jean II à reconnaître à Tordesillas (7 juin 1494) que ses possessions s’arrêtent à 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert, ce qui laisse encore au Portugal une partie du futur Brésil (il n’est pas impossible que Jean II ait eu déjà connaissance de l’existence de ce pays par des reconnaissances restées secrètes).


Le deuxième voyage

Les préparatifs du deuxième voyage sont menés rondement et aisément. Une flotte de dix-sept navires est constituée : jamais une expédition de découverte d’une telle envergure n’a été entreprise en Occident. Elle compte 1 200 à 1 500 participants.

Le départ a lieu le 25 septembre 1493. Après une relâche aux Canaries (2-13 oct.), Colomb choisit une route plus méridionale qu’en 1492. Le dimanche 3 novembre, une île est aperçue, la Dominique. Puis ce sont Marie-Galante, les Saintes, la Guadeloupe au merveilleux paysage volcanique, mais dont les habitants se livrent à l’anthropophagie.

Les premiers affrontements avec des indigènes, très différents ceux-là des pacifiques habitants des îles septentrionales, ont lieu le 14 novembre à l’île de Sainte-Croix. Après Porto Rico (21 nov.), Haïti est atteinte le 22 novembre. Le 27, c’est la mauvaise surprise : plus d’Espagnols à Navidad. On saura qu’ils se sont vite débandés et que leurs exactions ont amené les indigènes à les exterminer peu à peu.

Le 2 janvier 1494, une nouvelle colonie est fondée, La Isabela, près des gisements aurifères de « Cibao ». Une première expédition dans l’intérieur est entreprise ; un fort est édifié, Santo Tomás.

En avril, Colomb reprend l’exploration avec trois navires : il reconnaît la Jamaïque. Cependant, il veut surtout prouver que Cuba n’est pas une île, comme il l’a d’abord pensé, mais l’ultime avancée du continent asiatique. Il effectue une navigation extraordinairement difficile sur la côte sud, à travers les mille îlots du « Jardin de la reine ». Perplexe devant l’absence de grande civilisation qui devrait fleurir dans ces régions, Colomb en vient à un acte d’autorité qui nous semble singulier : chaque membre de l’expédition est prié, sous peine d’amende, de déclarer sa certitude concernant le caractère continental de la côte qui vient d’être explorée. Cela obtenu, le retour peut être entrepris.

Les choses vont mal à La Isabela ; la discorde se développe chez les Espagnols, et, par ailleurs, le 27 mars 1495, Colomb doit réprimer — aisément — la première grande révolte indigène. L’exploitation des « Indiens » est alors pleinement organisée : ils doivent fournir, tous les trois mois, les dernières parcelles d’or qu’ils possèdent, ou du coton, filé ou tissé. Beaucoup s’enfuient dans les montagnes, et leur extermination ira si vite que, au milieu du xvie s., l’île ne comptera plus que quelques centaines de Caraïbes.

Colomb rentre en Espagne en juin 1496. Mais la cour, qui fait face à une coûteuse guerre avec la France, ne marque plus le même enthousiasme que quatre ans auparavant à poursuivre les découvertes.


Le troisième voyage et la déchéance de Colomb

Le troisième voyage commence pourtant le 30 mars 1498, avec trois navires. Colomb est en vue le 31 juillet de l’île qu’il baptise Trinité. Le 5 août, il débarque sur le continent américain lui-même, dans le golfe de Paria, en un lieu qu’il croit encore insulaire (« île de Gracia »). Après le passage d’un détroit très dangereux (la « bouche du Dragon »), il pense être aux abords du paradis terrestre (la croyance en l’existence du céleste séjour sur la Terre elle-même sera largement répandue jusqu’au milieu du xvie s.). Mais il lui faut revenir à des préoccupations temporelles et gagner Haïti. Là, ce serait plutôt l’enfer : l’alcade Francisco Roldán est en révolte contre le frère de Colomb, Barthélemy, qui exerce par intérim les pouvoirs de l’amiral de la mer Océane. Colomb doit traiter avec Roldán, qui obtient au profit de ses partisans l’établissement d’un véritable esclavage sur les Indiens (le système qui engendrera le « repartimiento », la concession de main-d’œuvre servile aux colons). Un homme honnête, mais inflexible, est alors envoyé sur place pour enquêter, Francisco de Bobadilla. Dès son arrivée, il est fâcheusement frappé par la vision d’un gibet où sont pendus des Espagnols rebelles. Accusé d’avoir ralenti les conversions et d’avoir dissimulé certaines richesses, Colomb est arrêté, enchaîné et renvoyé en Espagne par Bobadilla, ses biens étant confisqués (oct. 1500). L’amiral, prêt à se défendre, arbore ses chaînes avec ostentation. Bien reçu par les souverains, consolé par Isabelle, il retrouve ses biens, mais non son pouvoir : Nicolás de Ovando (1460-1518), son successeur, part de Cadix en février 1502, avec une flotte de trente navires.