Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Colomb (Christophe) (suite)

La première exploration

Cette île de Guanahaní, où il aborde le 12 octobre, Colomb la rebaptise San Salvador. C’est l’une des Bahamas, appelée aussi Watling. Les indigènes accourent : ils sont tout nus, sans armes, pacifiques et reçoivent de Colomb des bonnets de couleurs et des colliers de verre. D’emblée le découvreur note : « On doit pouvoir en faire des hommes de peine excellents. » Il définit dès le premier jour ce que sera sa « politique indigène ». Un but noble d’abord : de faciles conversions, la conquête d’âmes innombrables à porter au compte des Rois Catholiques. Mais l’esclavage, déjà pratiqué par les Portugais aux dépens des Noirs d’Afrique, se profile également dans les projets de Colomb.

On a trouvé des hommes dans ces confins de l’Asie que l’on croit avoir atteints. Il faut maintenant gagner les pays fabuleux décrits par Marco Polo, où l’or est si abondant. Le précieux métal est demandé dans les îles voisines. Cuba, « qui doit être Cipango », est atteinte le 28 octobre. Colomb écrit : « Cette île est la plus belle que les yeux de l’homme aient jamais contemplée. » Des débarquements et des incursions dans l’intérieur permettent de mieux connaître les autochtones et leurs plaisirs singuliers : « Ils avaient tous un tison à la main, et une certaine herbe [le tabac...] dont ils se servaient pour les fumigations qu’ils ont l’habitude de faire. » Mais on ne trouve toujours pas d’or. Sur la rapide Pinta, Pinzón a décidé de tenter sa chance. Rompant avec son chef, il file vers l’est et découvre en effet Española ou, en latin, Hispaniola (Haïti), la principale pourvoyeuse de métal précieux du monde antillais.

Colomb n’atteint cette île que le 8 décembre. Les rapports avec les indigènes sont toujours aussi bons, et quelques morceaux d’or sont recueillis. Un chef fait même parvenir un masque d’or : le précieux métal semble moins rare et Colomb est en joie. Malheureusement, dans la nuit du 24 décembre, par une mer d’huile, la négligence de l’officier de quart de la Santa María provoque l’échouage du navire sur un récif côtier et sa dislocation. Mais, grâce aux indigènes, l’essentiel du matériel qu’il contient peut être sauvé.

Ce naufrage rend nécessaire un établissement des Espagnols sur l’île, car tous ne pourront revenir sur la minuscule Niña (la Pinta n’est toujours pas retrouvée). Les volontaires pour le séjour, jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle expédition, sont cependant faciles à trouver, car les trocs avec les Haïtiens s’annoncent très profitables. Un fortin est construit, Navidad, sur une baie du cap Haïtien. Trente-neuf hommes y sont laissés. Reparti le 4 janvier 1493, Colomb retrouve la Pinta dès le 6. Il doit se contenter des excuses de Pinzón et, après une dernière reconnaissance du littoral haïtien, met le cap sur l’Europe le 16 janvier.

L’arrivée de Christophe Colomb dans le Nouveau Monde

Le voyage de Colomb nous est bien connu grâce à un résumé, sans doute très détaillé, que fit Bartolomé de Las Casas pour son Histoire des Indes en ayant sous les yeux une copie du journal de bord du découvreur (cette copie et le journal lui-même ont malheureusement disparu très tôt).

On lit donc notamment dans Las Casas : « Jeudi 11 octobre. Les hommes de la caravelle Pinta [...] purent mettre la main sur un mât qui semblait travaillé avec des outils en fer [...]. Ceux de la caravelle Niña virent à leur tour des objets qui indiquaient la proximité de la terre [...]. Tout le monde en respire mieux et se réjouit à la vue de ces indices.

« [Dans la nuit du jeudi au vendredi.] Comme la caravelle Pinta était plus rapide et allait au-devant de l’amiral, elle découvrit la terre et fit les signaux que l’amiral avait ordonnés.

« Celui qui avait été le premier à apercevoir la terre était un marin du nom de Rodrigo de Triana. Cependant, l’amiral lui-même avait vu des lumières, vers 10 heures du soir, pendant qu’il se tenait au château de poupe. Il est vrai que tout était tellement obscur qu’il n’aurait su affirmer que c’était vraiment la terre. Il appela cependant Pedro Gutiérrez, valet de chambre du Roi, en lui disant qu’il lui semblait voir une lumière et en lui demandant de l’examiner à son tour ; et en effet, celui-ci se mit à scruter l’horizon et vit aussi ladite lumière [...]. On avait aperçu la terre vers 2 heures après minuit, à une distance d’environ 2 lieues. Tous les navires amenèrent les voiles et restèrent seulement avec le tréou, qui est la grande voile sans bonnette. Ils se mirent ainsi en panne et restèrent sur place jusqu’à vendredi matin : ils arrivèrent alors à une petite île des Lucayes, qui s’appelle Guanahaní dans la langue des Indiens.

« Ils y aperçurent tout de suite des hommes nus. L’amiral sauta à terre avec une barque armée, en même temps que Martin Alonso Pinzón et son frère Vincent Yáñez, qui était capitaine de la Niña. L’amiral déploya la bannière du Roi, et les deux capitaines, les deux bannières de la Croix Verte, que l’amiral avait prises pour signe distinctif de chaque navire, et qui portaient un F et un Y, avec une couronne au-dessus de chaque lettre et le signe de la croix entre les deux initiales couronnées. Une fois à terre, ils virent des arbres d’un vert très fort, et des cours d’eau et des fruits de toutes sortes. L’amiral appela les deux capitaines, ainsi que les autres hommes qui avaient sauté à terre, avec Rodrigo de Escovedo, notaire de l’expédition, et Rodrigo Sánchez de Ségovie. Il demanda à ces derniers de lui rendre foi et témoignage légal de la prise de possession de cette île, en présence de tout le monde ; et il en prit possession effectivement, au nom du Roi et de la Reine ses seigneurs, avec toutes les formes de rigueur en pareille occasion. »
(Trad. A. Cioranescu, dans Œuvres complètes de Christophe Colomb.)


Le retour et le triomphe de Colomb

Pour ce retour, celui qui est sans doute le plus grand navigateur de tous les temps sait trouver la seule voie possible, plus difficile qu’à l’aller : il remonte au nord-est pour sortir de la zone des alizés et rencontre les grands vents d’ouest le 31 janvier. Mais il faut affronter de terribles tempêtes à partir du 12 février, et les deux navires sont encore séparés, involontairement cette fois.