Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cœlentérés (suite)

Cnidoblaste (ou nématoblaste) et autres types cellulaires

Les Cnidaires possèdent tous des cellules urticantes très particulières, les cnidoblastes, qu’on ne trouve dans aucun autre groupe (sauf peut-être chez les Cnidosporidies, Protozoaires dont les spores ont des structures comparables). Situé dans l’ectoderme, le cnidoblaste laisse émerger un cil à la surface ; au repos, il contient une capsule, le cnidocyste ou nématocyste, emplie d’un liquide urticant où baigne un filament enroulé en spirale ; quand le cil est heurté par une proie, un opercule se soulève et le filament se dévagine ; les crochets qu’il porte à sa base se fixent sur l’animal et facilitent l’inoculation du liquide paralysant. Les cnidoblastes assurent ainsi la capture et l’immobilisation de proies souvent volumineuses ; ils sont éliminés et remplacés par d’autres. On en a dénombré une vingtaine de types ; certains n’ont qu’un rôle adhésif. Les spiroblastes, qu’on rencontre chez les Anthozoaires, ainsi que les cnidoblastes, ont un filament urticant qui se projette comme une flèche, sans être relié à la cellule par une hampe.

Sur l’Homme, le contact des cellules urticantes ne provoque en général qu’une réaction locale bénigne (rougeur, sensation de brûlure) ; quelques espèces sont cependant réputées pour les accidents sérieux, voire mortels, qu’elles déterminent, par exemple certaines Cuboméduses. Rappelons que l’actinocongestine des Cnidaires peut sensibiliser l’animal qu’elle atteint à son action ; P. Portier et Ch. Richet ont, grâce à elle, découvert en 1901 le phénomène d’anaphylaxie. À l’inverse, des Crustacés, des Poissons qui vivent en commensaux d’Actinies sont immunisés contre leur venin. L’ectoderme des Cnidaires forme une couche monocellulaire continue, où, à côté des cnidoblastes, on trouve des cellules sensorielles, des cellules nerveuses, des cellules épithélio-musculaires et des cellules embryonnaires capables de remplacer les cnidoblastes ou de fournir des cellules reproductrices. L’endoderme, également continu, montre des cellules pourvues de flagelles et capables de phagocyter les particules alimentaires, des cellules sécrétrices digestives et des cellules sensorielles. La mésoglée, très épaisse chez certaines Méduses, n’est pas une assise cellulaire, mais une lame de consistance gélatineuse, dans laquelle se répandent les prolongements des neurones, reliant en un plexus diffus cellules sensorielles, cnidoblastes et cellules épithélio-musculaires. Chez les Cnidaires les plus évolués, on assiste à une certaine condensation nerveuse, sans que l’on puisse encore parler de système nerveux bien délimité : des anneaux nerveux existent au bord de l’ombrelle des Méduses et autour de la bouche des Hexacoralliaires.

Chez les Cnidaires fixés, les mouvements sont limités à des élongations et à des contractions du corps et des tentacules ; les formes libres peuvent glisser, arpenter, culbuter (Hydres) ou nager (Méduses) ; il n’y a pas de muscles, à proprement parler, mais des fibrilles dans les cellules épithéliales de l’ectoderme et de l’endoderme. Ainsi, chez les Hydres, l’ectoderme contient des fibres longitudinales qui rétractent l’animal, et l’endoderme des fibres transversales qui en provoquent l’élongation. Chez les Anémones de mer, certaines zones épithéliales des cloisons gastriques acquièrent une fonction musculaire spécialisée et jouent un rôle moteur précis.


Multiplication asexuée et formation des colonies

Extrêmement répandue chez les Cnidaires, la multiplication asexuée se réalise par des voies variées. Il existe des cas de scissiparité longitudinale (Hydres, Actinies) ou transversale (Gonactinia) et même de lacération : de la base de certaines Actinies se détachent des fragments capables de donner un animal entier. Cela implique des possibilités de régénération développées, qu’ont prouvées les expériences faites sur de nombreuses espèces, en particulier sur les Hydres.

Mais le procédé le plus fréquemment observé est sans doute le bourgeonnement, car c’est lui qui est à l’origine des colonies sous lesquelles apparaissent la majorité des espèces. Des formes solitaires, comme les Hydres, bourgeonnent facilement quand les conditions sont favorables ; mais le bourgeon se sépare assez vite de l’« Hydre mère ». Un processus comparable s’observe chez quelques Méduses : celle de Sarsia bourgeonne de petites Méduses sur son long manubrium.

Dans une colonie d’Hydraires, de Siphonophores ou de Madrépores, tous les individus proviennent d’un individu initial par bourgeonnement ; ils restent unis entre eux par un système souvent complexe de canaux et de stolons, qui font communiquer les cavités digestives. Chez les Cnidaires fixés, les Polypes et le réseau d’intercommunication sont inclus dans des formations squelettiques plus ou moins rigides, ramifiées ou massives (polypier). Les individus d’une même colonie subissent une différenciation qui conduit chacun à jouer un rôle particulier dans l’ensemble. Obelia geniculata montre deux sortes de Polypes : les hydranthes, végétatifs, et les gonanthes, reproducteurs, qui bourgeonnent des Méduses. Chez le Corail rouge, à côté des Polypes nourriciers, on observe des siphonozoïdes sans tentacules, qui font circuler l’eau dans les canaux, et des gonozoïdes mâles ou femelles. Hydractinia manifeste une différenciation poussée par la présence de gastrozoïdes nourriciers, de dactylozoïdes défensifs, d’acanthozoïdes régressés et d’individus reproducteurs. Chez les Siphonophores, la spécialisation atteint son maximum, associant Polypes et Méduses dans une même colonie flottante : le pneumatophore et les cloches natatoires sont des Méduses, et sur un stolon vertical s’étagent les cormidies, dans chacune desquelles coexistent un Polype protecteur, un Polype excréteur, un Polype nourricier avec un filament pêcheur et des Méduses des deux sexes.


Reproduction sexuée et alternance Polype-Méduse

Le cycle de développement caractéristique des Cnidaires passe par les deux phases : Polype et Méduse. On peut le résumer ainsi : l’œuf fécondé subit une segmentation totale et, après la gastrulation, donne une larve minuscule, appelée planula, capable de nager grâce à son ectoderme cilié. Cette larve se fixe en se transformant en un premier Polype, qui, en bourgeonnant, donne une colonie ; sur celle-ci apparaissent plus tard des nodules où se différencient les éléments reproducteurs : les nodules évoluent en Méduses, qui se détachent en emportant les produits sexuels ainsi disséminés ; les gamètes sont libérés dans la mer, où a lieu la fécondation, et le cycle recommence.