Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

coagulation (suite)

Coagulation du sang « in vitro »

Reprenons notre tube de sang coagulé. Cette prise en masse du volume sanguin prélevé tient à l’apparition d’une fibrine stable insoluble. Les filaments ainsi formés se réunissent les uns aux autres en un réseau qui enserre les éléments figurés du sang (globules rouges et blancs, plaquettes). Ce caillot ne va pas rester immuable. D’abord, sous l’influence des plaquettes, il va opérer une « rétraction ». Les mailles de fibrine vont se resserrer, emprisonnant les éléments figurés et laissant s’échapper la phase liquide du sang : le sérum. Ensuite, des substances fibrinolytiques, c’est-à-dire s’attaquant à la fibrine, vont apparaître et détruire le caillot, le « lyser ». La fibrine est transformée en produits de dégradation solubles, tandis que les éléments figurés s’émiettent avec sédimentation des globules rouges.


Coagulation du sang au niveau des plaies

Cette évolution, aisée à suivre en tube de verre, est analogue au niveau d’une plaie, à ceci près qu’il s’y ajoute un effet vasculaire initial. En effet, lors d’une coupure par exemple, il y a d’abord, au niveau des tissus lésés, une vaso-constriction qui réduit considérablement l’apport artériolaire de sang. Parallèlement à cette vaso-constriction, le sang épanché subit les transformations de la coagulation. Au niveau de la plaie, les plaquettes arrivent en nombre. Elles s’agglutinent entre elles et adhèrent aux parois de la plaie : elles forment ainsi le thrombus blanc, ou « clou hémostatique », décrit par Hayem, qui peut suffire à interrompre le saignement au niveau des vaisseaux de petit calibre. Ensuite, les plaquettes ainsi agglutinées subissent une « métamorphose visqueuse » transformant leur amas en une nappe élastique et imperméable. Enfin surviennent les différentes phases de la formation du caillot, comme elles ont été décrites en tube de verre. Ces faits d’observation ont permis de décrire plusieurs phases de l’hémostase : 1o temps vasculaire avec vaso-constriction et afflux de plaquettes ; 2o temps plaquettaire avec agglutination, puis métamorphose visqueuse des plaquettes ; 3o temps plasmatique, ou coagulation proprement dite ; 4o rétraction du caillot (en trois heures environ) ; 5o lyse du caillot (en quelques heures).


Biochimie de la coagulation

La connaissance progressive des mécanismes biochimiques intervenant dans la coagulation a montré qu’il était impossible de les superposer exactement aux stades macroscopiques précédemment décrits. En effet, la coagulation fait intervenir une cascade de réactions biologiques, dont les substances agissent parfois à plusieurs niveaux et dont les actions s’imbriquent dans la plupart des cas.

Paradoxalement, on abordera le problème par son terme, car, même si elles sont imparfaitement connues, ce sont les dernières phases de la coagulation qui apparaissent le plus clairement. On verra ensuite comment, en remontant la chaîne des réactions, on entrevoit des phénomènes beaucoup plus complexes.

La coagulation est liée avant tout à l’apparition de la fibrine, ou fibrino-formation. Celle-ci provient du fibrinogène, sous l’influence de la thrombine. Le fibrinogène est une protéine soluble (poids moléculaire : 341 000), synthétisée par le foie, existant en permanence dans le sang au taux de 3 à 5 g par litre. Sous l’action de la thrombine, il se forme d’abord des monomères de fibrine, encore solubles. Rapidement, ces monomères se polymérisent en molécules de fibrine insolubles, qui forment des fibres primaires. Celles-ci exercent des forces de traction, et des fibres secondaires plus denses apparaissent pour former le caillot définitif, stabilisé sous l’influence du facteur XIII (F. S. F.). Ce dernier stade de la coagulation se fait donc sous l’influence de la thrombine. Cette thrombine est le résultat de l’activation d’une prothrombine (synthétisée par le foie) en thrombine, molécule deux fois plus petite, sous l’effet de thromboplastines en milieu calcique ionisé. Ce temps intermédiaire de thrombino-formation est encore assez simple. Mais l’origine des thromboplastines est plus complexe. D’une part les substances intermédiaires sont très nombreuses, de rôle et de structure souvent mal connus ; d’autre part les réactions ne se suivent pas chronologiquement, mais s’imbriquent, un produit terminal (telle la thrombine) venant souvent, dès qu’il apparaît, déclencher ou faciliter une réaction de transformation ou d’activation initiale. On aboutit ainsi à un système enzymatique « auto-accéléré » pour lequel veillent aussi des systèmes enzymatiques régulateurs d’une grande importance. Le sang contient en effet en permanence, à l’état normal, tout ce qu’il faut pour coaguler : le fibrinogène, source de fibrine, la prothrombine, source de thrombine, des plaquettes, riches en facteurs de coagulation. Il suffit d’un moindre déclenchement enzymatique ou du moindre défaut de vigilance des systèmes régulateurs pour que la coagulation apparaisse. C’est heureux s’il y a une plaie. C’est catastrophique dans une maladie thrombo-embolique. Les facteurs de formation des thromboplastines, ou thromboplastino-formation, qui, en définitive, vont être le primum movens de la coagulation, sont tellement variés et ont reçu des noms si divers qu’il paraît utile de les rappeler dans un tableau. Les thromboplastines capables de déclencher l’apparition de la thrombine peuvent avoir deux origines, ou, en quelque sorte, un trajet court et un trajet long.

• Dans le trajet court, l’origine est dite « extrinsèque », car le produit de départ ne vient pas du sang mais des tissus lésés. Lorsqu’il se produit une plaie, les tissus contus libèrent une thromboplastine tissulaire inactive, incapable de transformer la prothrombine en thrombine. Si le milieu contient du calcium, les facteurs VII (proconvertine) et X (facteur Stuart) transforment cette thromboplastine tissulaire en un produit intermédiaire, que le facteur V (pro-accélérine) transformera en thromboplastine tissulaire active, capable d’agir sur la prothrombine.

• Dans le trajet long, l’origine est intrinsèque, car tous les éléments proviennent du sang (plasma et plaquettes).