Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Aix-en-Provence (suite)

Cité comtale et cité épiscopale forment la ville médiévale, aux ruelles désordonnées, enchevêtrées, toutes deux enfermées et réunies dans l’enceinte des remparts. Hors des murs, les hospitaliers de Saint-Jean de Malte ont bâti leur église, couronnée en 1376 d’une élégante flèche octogonale qui domine la campagne. C’est de ce côté que se développera Aix, devenu ville parlementaire.

Le rattachement à la France fut ratifié par les états de Provence « non comme un accessoire à un principal, affirment-ils avec fierté, mais comme un principal à un autre principal ». L’aristocratie de robe était soucieuse de se créer un cadre de vie à la mesure de sa richesse et de son désir de paraître. À l’époque de Louis XIII, certaines familles firent d’abord construire leurs hôtels dans les vieux quartiers de la cité comtale et du Bourg-Saint-Sauveur, malheureusement étranglés par le corset de l’enceinte médiévale. D’autres rêvaient de perspectives plus aérées. C’est Michel Mazarin, archevêque d’Aix et frère du grand cardinal, qui eut l’idée d’un plan d’urbanisme grandiose destiné à redessiner la ville dans l’esprit « Louis Quatorze ». Les remparts n’ont plus de raison d’être... on les abat. À leur place et sur les lices, une vaste avenue est tracée, large de 40 m, longue de 400 : le cours Mirabeau (1651). Il va devenir l’artère délicieusement ombragée qui sépare la cité ancienne, inorganisée, de celle qui va naître, toute classique et dessinée sur un plan quadrillé. « Ce cours est le plus bel endroit de la ville, écrivait déjà le président de Brosses, et l’un des plus agréables peut-être qui soient en France. Les maisons qui le bordent en sont hautes, belles et à l’italienne. Quatre rangs d’arbres forment deux contre-allées et une large allée au milieu, ornée de quatre grandes fontaines [...] promenade charmante à toute heure du jour et de la nuit... » Cela est toujours vrai, et Giraudoux, dans Pour Lucrèce, en célébrera l’harmonie.

Les terrains de la commanderie de Malte sont lotis, rachetés à prix d’or par les parlementaires. Ils donnent naissance au quartier Saint-Jean, « la noblesse de Provence étant, sans contredit, celle qui dépense le plus volontiers en bâtiments... », explique un voyageur du temps. Le prieuré lui-même sera rebâti vers 1671 : il abrite aujourd’hui le riche musée des Beaux-Arts, ou musée Granet.

Louis XIV est reçu en 1660, et son passage donne un nouvel élan à la fièvre d’embellissements : façades à pilastres monumentaux, balcons à caryatides à la manière du sculpteur Puget* (hôtel d’Espagnet, pavillon Vendôme), portails à carrosses, cages d’escaliers d’une ampleur seigneuriale (bibliothèque Méjanes), décors peints en trompe l’œil (à l’hôtel de Châteaurenard, par Jean Daret [1613-1668]), plafonds mythologiques à la mode de Charles Le Brun et de Pierre Mignard ; partout se révèle une recherche du théâtral et du somptueux, que le xviiie siècle et ses fantaisies de gypseries rocaille atténueront à peine (hôtels de Panisse-Passis, d’Ansouis, d’Albertas, de Maynier d’Oppède).

Fin de l’Ancien Régime : un enfant terrible enlève à la hussarde la plus riche héritière de la ville, Mlle de Marignane, et, orateur-né, se fait élire par le tiers état. C’est Mirabeau ; premier des grands révolutionnaires, il a sonné le glas d’un monde condamné. Ce monde de distinction et de raffinement, le palais de l’archevêché — musée des tapisseries — l’enclôt dans le chatoiement de ses tentures de Beauvais dues à Jean Berain, Charles Natoire (Histoire de Don Quichotte), Jean-Baptiste Leprince (Jeux russiens). Chaque été, sa cour intérieure sert de théâtre au festival de musique.

La campagne aixoise, avec ses pins parasols, la route du Tholonet, la montagne Sainte-Victoire à l’horizon, magnifiés avec une ténacité exemplaire par le plus grand peintre aixois et combien français, Paul Cézanne*, a été souvent mal défendue contre la prolifération incohérente des constructions nouvelles.

F. E.

 L. Deshairs, Aix-en-Provence, architecture et décoration aux xviie et xviiie s. (A. Calavas, 1909). / E. Aude, le Musée d’Aix (Laurens, 1921). / F. Benoît, Entremont (Pensée universitaire, Aix-en-Provence, 1957). / J. Pourrière, la Ville des Tours d’Aix-en-Provence (Pensée universitaire, Aix-en-Provence, 1958). / H. Juin, Aix-en-Provence (Éd. du Temps, 1960). / A. Bouyala d’Arnaud, Évocation du vieil Aix (Éditions de Minuit, 1964). / J. P. Coste, la Ville d’Aix en 1695. Structure urbaine et société (Pensée universitaire, Aix, 1970 ; 2 vol.). / J. Boyer, l’Architecture religieuse de l’époque classique à Aix-en-Provence (Ophrys, Gap, 1972).

Aix-la-Chapelle

En allem. Aachen, v. d’Allemagne occidentale (Rhénanie-du-Nord – Westphalie) ; 176 800 hab.


L’agglomération compte plus de 400 000 habitants. Elle est très industrialisée. Le textile (notamment le travail de la laine) est né de l’influence des Pays-Bas voisins. L’exploitation de charbon, proche, facilita la diversification de l’industrie (métallurgie lourde, constructions mécaniques et techniques, verrerie, alimentation), favorisée aussi par la création, en 1870, de la Technische Hochschule. La ville est aussi un centre culturel important. De nombreux curistes viennent profiter de ses sources alcalines chaudes. Les dessertes ferroviaires et autoroutières attirent de plus en plus Aix-la-Chapelle dans le complexe rhéno-westphalien.


L’histoire

Lieu habité dans l’Antiquité, favorisé par la présence de sources thermales (les eaux d’Apollon Grannus. Aquae Grani, Aquis Granum), Aix-la-Chapelle a acquis toute son importance à partir du viiie s. Pépin le Bref y avait un palais. Charlemagne aimait ses eaux : il y vint de plus en plus fréquemment à partir de 784, tous les ans après 794 et ne s’en éloigna guère à dater de 805. Il en avait fait une véritable capitale autour du palais reconstruit, d’une étendue de 3 à 4 ha et qui englobait dans son enceinte rectangulaire une ville entière, avec caserne, hospice, gynécée, cours, salles (l’Aula regia pour les grandes assemblées) et chapelle (qui a donné son nom moderne à la ville). Il y avait attiré de savants clercs et créé une école qui devint célèbre. De nombreux conciles s’y tinrent au ixe s. La plupart (en 801-02, 813, 816-17, 836) portèrent sur la discipline ecclésiastique.

Sous Louis le Pieux, Lothaire Ier et Lothaire II, Aix demeura une capitale aussi bien intellectuelle que politique. Après une éclipse due aux ravages des Normands en 881, elle retrouva son éclat passé, sans recouvrer son rôle de capitale : elle fut jusqu’en 1531 le lieu du sacre des empereurs.